Tout en appelant à rétablir la vérité sur l’occupation française de l’Algérie: Benjamin Stora plaide pour une reconnaissance  officielle par la France  des crimes coloniaux

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 L’historien français, Benjamin Stora, a insisté sur la nécessité d’une reconnaisse officielle par la France de ses crimes coloniaux commis en Algérie, marqués notamment par les massacres d’Algériens et la dépossession des terres, un pan de l’histoire que certains cercles de la classe politique française tentent de remettre en cause.

Intervenant à la chaine algérienne Al24news, l’historien français, qui avait été pris à partie par l’extrême droite française et les nostalgiques de  »l’Algérie française », pour ses écrits lucides et ses prises de position contre la colonisation française dans la question mémorielle, a expliqué qu’il faut construire patiemment de nouveaux ponts entre le deux rives, à travers un travail sur l’histoire, en rappelant le processus lancé par le président de la République, Abdelmadjid Tebboune avec la création de la Commission mixte algéro-française Histoire et Mémoire.Evoquant la chronologie des terribles années de l’occupation française de l’Algérie, Stora a rappelé que cela a été marqué par la dépossession des Algériens de leurs terres, les vols et les massacres d’Algériens, ce qui a constitué des crimes contre l’humanité. Des crimes qui ne sont pas dans « les manuels scolaires des Français », a-t-il déploré. »La France a passé sous silence » cette période tragique, a-t-il ajouté, expliquant qu »’il faut reconstruire cette histoire pour qu’elle soit accessible aux Français ».A ce propos, il a cité la question des archives qui doivent être accessibles pour les historiens des deux rives.M. Stora a, en outre, affirmé avoir subi des attaques de certains cercles de la classe politique en France, notamment de l’extrême droite qui veut remettre en cause le passé colonial de la France et ses crimes en Algérie. Ceux  »qui ne voulaient rien entendre sur les massacres d’Algériens » et sur les explosions nucléaires.  »Maintenant, il faut voir ce qu’on peut faire » pour rétablir les faits et la vérité sur l’occupation française de l’Algérie, a-t-il insisté.Récemment, dans un message adressé au peuple algérien à l’occasion de la commémoration du 71e anniversaire du déclenchement de la glorieuse Révolution de libération, le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a affirmé que la fidélité aux sacrifices des aïeux est la boussole qui guide l’Algérie, dans cette phase sensible, vers la consolidation des fondements de l’Etat national et l’exaltation du patriotisme fédérateur. »Nous célébrons, avec fierté, les gloires des générations ayant livré, sans trêve, des batailles aux quatre coins de l’Algérie, afin que la fidélité à leurs sacrifices demeure une source de détermination à toute épreuve alimentant une conscience collective associée à notre glorieuse histoire », a-t-il indiqué, soulignant que « telle est la boussole qui guide l’Algérie, dans cette phase sensible, vers la consolidation des fondements de l’Etat national ».Cette fidélité, ajoute le président de la République, est la boussole « vers l’exaltation du patriotisme fédérateur des volontés des nationalistes dévoués et des forces vives, particulièrement les jeunes, pour mettre le pays à l’abri des turbulences que connaît notre espace régional, des conflits intenses en cours dans le monde et des fractures dans les relations internationales, et ce, en misant sur nos propres capacités, avec une performance économique génératrice de richesse, et en nous appuyant sur la conscience et le patriotisme des enfants de l’Algérie, déterminés à bâtir fièrement le présent et l’avenir, sur les pas de nos valeureux martyrs, à la mémoire desquels nous nous recueillons, mus par la volonté des sincères qui œuvrent à l’élévation de la patrie et au service du peuple ». »Le 1er novembre, nous commémorons ensemble l’anniversaire du déclenchement, par le peuple algérien, de la glorieuse et éternelle Révolution de libération. Une date historique charnière faisant suite à de longues décennies de résistances populaires et de lutte nationale, marquées par la souffrance et le sang, au cours desquelles le peuple endura les affres d’une colonisation de peuplement, s’opposant à ses convoitises et à son odieuse tyrannie et refusant, par tous les moyens de résistance dont il disposait, la spoliation de sa terre, la profanation de son histoire et la dénaturation de son identité », a rappelé le président de la République dans son message. Pour sa part, le ministre des Moudjahidine et des Ayants-droit, Abdelmalek Tacherift a annoncé le lancement d’une nouvelle plateforme dédiée aux témoignages vivants sur la glorieuse Révolution de libération, intitulée « Chahed Il a précisé que le ministère des Moudjahidine et des Ayants-droit lancera dans les prochains jours une nouvelle plateforme intitulée « Chahed 54″, dédiée aux témoignages vivants de plus de 40.000 heures enregistrées dans l’ensemble des wilayas du pays, en tant que matière brute pour l’écriture de l’histoire nationale. »Transmettre le message du 1er Novembre aux nouvelles générations est nécessaire pour une meilleure compréhension de l’histoire de la Révolution nationale, et l’ancrage de ses valeurs, d’où la nécessité pour les jeunes d’embrasser ce message et d’assurer sa continuité pour que cette Révolution demeure un symbole d’héroïsme et de dignité », a soutenu le ministre. Afin de transmettre le message de Novembre par tous les moyens, M. Tacherift a souligné la mise en place de plusieurs mécanismes dont les musées du Moudjahid au niveau national et la réadaptation de leurs missions, sachant que le secteur compte 43 musées du Moudjahid, dont 6 régionaux et 36 de wilayas, outre le Musée national du Moudjahid et les sites historiques exploités comme espaces muséaux thématiques et chargés de « mener des campagnes de collecte de la matière muséale et des documents d’archives et de fournir la matière historique aux chercheurs, aux enseignants et aux étudiants pour les aider dans leurs recherches ». Le Centre national d’études et de recherches sur le Mouvement national et la Révolution du 1er Novembre 1954, en tant qu’établissement public à caractère scientifique et technologique est chargé d’encadrer plusieurs équipes et cellules de recherche académique dans ce domaine, en sus de l’édition et de la réédition d’ouvrages historiques, notamment les mémoires de moudjahidine, les travaux de recherche et les thèses universitaires, a-t-il ajouté. A cet égard, il a indiqué que 1.257 titres ont été édités dans diverses occasions historiques et différents programmes scientifiques, précisant que la numérisation de ces œuvres et d’autres ouvrages, études et dossiers était en cours afin de les rendre accessibles aux chercheurs.

Parmi les moyens mis en œuvre par le ministère des Moudjahidine pour transmettre le message de novembre, M. Tacherift a cité le recours à l’audiovisuel et à la numérisation, à travers la production de films et de documentaires visant à « faire connaître l’histoire nationale et les hauts faits de nos aïeux aux jeunes générations ».

Le ministère avait, dans ce cadre, lancé une plateforme numérique intitulée « Glorious Algeria » (Algérie de la Gloire), qui retrace l’histoire du pays à travers ses différentes périodes, a rappelé le ministre, faisant savoir que son secteur s’attelait actuellement au développement d’une application dédiée à l’histoire de l’Algérie (1830-1962). M. Tacherift a souligné que « l’histoire de l’Algérie, riche en hauts faits et en gloires éternelles, est le miroir de notre passé et le reflet de notre présent, une histoire à travers laquelle nous prospectons l’avenir », relevant que la Constitution impose aux institutions de l’Etat de promouvoir l’écriture de l’histoire et son enseignement aux nouvelles générations. Le ministère des Moudjahidine et des Ayants-droit « œuvre sans relâche à la préservation de la Mémoire nationale et de ses gloires, par fidélité au serment fait aux valeureux chouhada et vaillants moudjahidine, afin de transmettre leur message historique ».

 Le 1er novembre 1954, date décisive dans l’histoire de l’Algérie, marque le début d’une Révolution pour la reprise d’une terre spoliée et la fin d’un asservissement qui a duré pendant 132 ans. Cette guerre représente une lutte existentielle pour défendre la Nation algérienne, son identité et ses terres héritées des ancêtres face à un colonialisme brutal qui, au nom de la « civilisation », cherchait à soumettre le peuple algérien par la terreur et le sang. Le prétexte de la « civilisation » était absurde, d’autant que le niveau d’instruction des Algériens à l’époque était bien plus élevé que celui du peuple français, en témoigne l’ouvrage « Voyage dans la régence d’Alger en 1833 » où son auteur, le commandant Claude-Antoine Rozet, souligne que « presque tous les hommes savaient lire et compter », tandis qu’en France, « 40% de la population était analphabète ». Au plan économique, la prospérité de l’Algérie avant le colonialisme, marquée par la richesse de ses ressources agricoles et la diversité de ses produits de terroir, n’était plus à démontrer. Ces ressources permettaient même au pays de dégager des excédents pour approvisionner certaines contrées de la Méditerranée, dont la France, qui avait une dette colossale envers l’Algérie pour les quantités considérables de blé qu’elle recevait. La quête des richesses du pays était l’une des principales raisons manifestes de cette colonisation sanglante qui a pratiqué la politique de la terreur contre les Algériens pour les déposséder de leurs terres. Les rapports militaires et les témoignages des soldats ayant vécu les événements de l’époque ne révèlent qu’une partie des crimes de guerre commis contre le peuple algérien. Des ordres ont été donnés par le maréchal Bugeaud contre les résistants algériens, notamment contre le symbole de la résistance nationale l’Emir Abdelkader, employant la méthode radicale de la terre brûlée qui consistait à détruire les récoltes et dévaster des villages, causant la mort de milliers d’Algériens dont des femmes et des enfants.Un changement de la structure démographique du pays s’imposait par la terreur repoussant les enfants de la terre vers des zones arides, loin des racines fertiles de leurs ancêtres pour les remplacer par les colons européens. Cette spoliation des terres a été institutionnalisée par la politique coloniale française, notamment par des lois facilitant la confiscation de terres, comme la loi Warnier de 1873, qui a permis l’accaparement massif des terres par les colons. En un siècle, près de trois millions d’hectares de terres fertiles ont été accaparés par la population européenne qui ne représentait que 10% de la population globale, pendant que 9 millions d’Algériens vivaient d’une agriculture de subsistance. De plus, l’introduction, par les colons, de nouveaux modes de production agricole basés sur une exploitation extensive et intensive des ressources naturelles, a profondément bouleversé les pratiques ancestrales des paysans algériens. Ainsi, les cultures traditionnelles et les produits du terroir ont été remplacés par des cultures de rente (notamment la vigne) destinées à alimenter l’économie française, ce qui a conduit à la destruction progressive de l’autosuffisance alimentaire locale, aggravant la faim et la misère des Algériens. Comme si la spoliation des terres ne suffisait pas, les autorités coloniales imposaient aux agriculteurs algériens des fiscalités oppressives aggravant leur précarité, tandis que les colons bénéficiaient de subventions et de conditions fiscales favorables renforçant leur mainmise sur les terres. C’est dans ce climat de colère et d’oppression que, le 1er novembre 1954, une étincelle de révolte éclate et parcourt les quatre coins du pays, donnant naissance à un mouvement de lutte organisé pour l’indépendance et l’affranchissement du joug colonial. Le monde rural, qui a été longtemps écrasé par des décennies de colonisation, devient ainsi l’un des théâtres majeurs de cette guerre de dignité, animé par l’espoir de récupérer ses terres spoliées et de renouer avec la prospérité d’antan.Ce monde rural est devenu, aujourd’hui, l’un des garants de la sécurité alimentaire et du progrès socio-économique du pays, grâce aux différentes réformes entreprises par les pouvoir publics après l’indépendance, à commencer par la révolution agraire des années 1970, lancée par le défunt président Houari Boumediene. Depuis lors, l’Algérie est parvenue à surmonter les longues années de braise en retrouvant progressivement sa sécurité et sa souveraineté alimentaires avec des performances très appréciables. En témoignent les derniers rapports internationaux, dont celui des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), qui classent l’Algérie en première position aux niveaux arabe et africain en matière de sécurité alimentaire. Ainsi, ces luttes passées continuent d’inspirer un présent empreint de fierté et d’espoir, alors que l’Algérie se projette vers un avenir prometteur, en misant pleinement sur ses jeunes pour poursuivre le combat du progrès entamé il y a 71 ans.

T. Benslimane

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