Le roman, le livre d’histoire et le témoignage constituent cette année encore la principale tendance des nouvelles publications proposées au 24e Salon international du livre d’Alger (Sila), un événement faisant office de rentrée littéraire en Algérie, en l’absence de grands noms de la littérature algérienne d’expression francophone.
Cette année de jeunes auteurs à succès redonnent rendez-vous à leur public à l’instar de Kaouthar Adimi qui revient avec Les petits de Décembre publié chez Barzakh après le succès de Nos richesses ou encore Akram El Kébir qui signe Les fleuves impossibles chez Apic après avoir publié Au secours Morphée en 2018. Lynda Chouiten, auteure en 2018 de Le roman des pôv’ cheveux revient, pour sa part, avec un nouveau roman intitulée Une valse paru aux éditions Casbah qui proposent aussi de nouveaux romans comme La rancune de Nadjib Stambouli, Aux portes de Cirta de Mohamed Abdallah, L’ensorceleuse de Abderrazek Bensalah, ou encore Drame aux Zibans de Abdelaziz Grine. L’écrivaine et poétesse Rabia Djelti signe cette année l’une de ses rares publications en langue française intitulée Les ailes de Daouya chez Barzakh. Cependant de grands noms de la littérature francophone, habitués de cet événement, ont brillé par leur absence au Sila 2019. De nombreuses publications accompagnent le paysage politique et social en Algérie sous forme de témoignage, récits journalistiques ou même roman à l’image du dernier né de Mohamed Benchicou Casa del Mouradia publié aux éditions Koukou, de l’ouvrage collectif La révolution du sourire, comptant des témoignages de femmes et hommes de lettre, paru aux éditions Frantz Fanon, La révolution du 22 février de Mahdi Boukhalfa et Aux sources du Hirak de Rachid Sidi Boumedine publiés chez Chihab. L’histoire, un thème constant Comme chaque année depuis 2012, le livre d’histoire et les mémoires d’acteurs de la Guerre de Libération nationale se taillent une part notable dans les catalogues de différentes maisons d’éditions. Chez Chihab, Djillali Leghima revient sur son parcours de militant dans L’émigration dans la révolution algérienne, parcours et témoignages, au même titre que Mohamed Issiakhem qui signe Mémoires d’un insoumis, ou encore Abdelkader Kara qui propose aux lecteurs Mémoires d’un combattant de la base de l’Est. Pour sa part, le politologue Nedjib Sidi Moussa propose un nouvel essai, Algérie, une autre histoire de l’indépendance chez Barzakh alors que Messaoud Djennas s’intéresse au mouvement national entre 1920-1954 dans De l’Emir Khaled au 1er Novembre 1954 paru chez Casbah. A signaler également Mère des cités de Mustapha Bouchareb, un roman dans le genre polar édité chez Chihab et le récit de Souad Labbize Enjamber la flaque où se reflète l’enfer (Ed Barzakh) qui rompt le silence sur le viol, la douleur de la victime et le déni du bourreau. Des recueils de poésie sont également proposés aux lecteurs dont Témoignez ô, rimes ! de Fateh Agrane et Poèmes d’août d’Amin Khan publiés tous deux par éditions El Kalima, outre la traduction vers le français de l’anthologie poétique de Mahmoud Darwich, parue chez Barzakh. Hommage à Abdelkader Alloula, l’intellectuel à l’écoute de sa cité. Un hommage appuyé a été rendu, lundi à Alger, au dramaturge et homme de théâtre, Abdelkader Alloula, à travers une évocation de son parcours exceptionnel d’intellectuel en perpétuelle écoute de sa cité, soucieux de donner à la pratique du 4e art, les outils didactiques nécessaires qui lui permettent de répercuter sur les planches, la réalité et les préoccupations de la société algérienne. Invitée à une rencontre en marge du 24e Salon international du livre d’Alger (Sila), sur l’œuvre «inachevée» de Abdelkader Alloula, la professeure et spécialiste de la littérature maghrébine, Najet Khadda a estimé que celui qui se voyait déjà, «héritier d’Ould Abderrahmane Kaki et Kateb Yacine», avait «mis en place une réelle réflexion théorique sur le théâtre algérien», saisissant dès le départ, la nécessité d’«adapter» sa formation faite dans les «méthodes occidentales» à «sa propre culture». Faisant part de la vision du dramaturge par rapport aux notions de, l’espace, le temps et l’action, trois éléments constituant la règle des trois unités dramaturgiques, l’oratrice, soutenant son propos par une série d’anecdotes vécues par Alloula, a évoqué le souci de celui-ci, à s’imprégner du «terrain» pour, a-t-elle dit, «esquisser l’identité et l’essence du Théâtre algérien». S’appuyant sur une expérience vécue par l’homme de théâtre, où des paysans, venus assister à une de ses représentations en pleine montagne, loin du modèle de l’architecture du «théâtre à l’italienne», ont mis les chaises de côté pour s’assoir à même le sol et en forme arrondie, ont provoqué l’imaginaire du metteur en scène qui adoptera la «Halqa» comme premier «trait» du théâtre qu’il recherche. C’est avec El Ajwed, passant par Legwal que Abdelkader Alloula, poursuit Najet Khedda, parvient, après de longues recherches, à une conception d’une scénographie minimaliste, quasiment sans décor, faite d’une combinaison judicieuse de la «Halqa et l’architecture du théâtre à l’italienne».
La disposition du public en forme de cercle, incitera le comédien Alloula à tirer profit de cette proximité pour créer le personnage du «Gouwal», qui apparait après un brouhaha provoqué par des comédiens en déplacements dans tous les sens, puis qui s’arrêtent et se taisent brusquement. Dans ce bel élan de recherche, Alloula ira jusqu’à faire participer quelques spectateurs, auxquels seront confiées les premières répliques du spectacle qui poseront les termes du sujet à traiter et mettront en situation le public, explique encore la conférencière. A chaque représentation, ses enseignements et les différentes expériences vécues en temps réel par le dramaturge avec le public, aiguiseront davantage son sens de l’observation, lui permettant ainsi de saisir la prépondérance de la «temporalité de la prestation» (temps présent), sur celle de l’auteur de l’œuvre originelle, ajoute l’intervenante. Et c’est avec le verbe, le texte, la langue dialectale «châtiée» et la poésie du melhoun, considérés par le «Géant des planches», comme des éléments «importants» dans la dramaturgie, que Najet Khadda, conclura sa contribution, racontant à l’auditoire l’anecdote qui conduira Alloula à se défaire de la linéarité dans le déroulement d’une trame faisant de l’interaction avec les spectateurs une de ses priorités, et à s’investir dans l’un des plus importants chantiers de son œuvre: la quête de la «langue intermédiaire», à travers une recherche approfondie et minutieuse de la parole juste, puisée du terroir et à la portée de tous. L’écrivain et romancier sénégalais, Pape Samba Kane, 2e invité à rendre hommage à Abdelkader Alloula, disparu le 14 mars 1994, victime d’un attentat terroriste, soulignera la ressemblance, dans l’un des genres de théâtres au Sénégal, de la disposition en cercle du public, avec celle pratiquée dans la Halqa, confirmant l’«importance du rôle de l’interaction des comédiens avec le public» dans ce genre de configuration. Des rencontres sur l’histoire, la littérature, la bande dessinée et l’édition, entre autres, sont programmées en marge du 24e Sila qui se poursuit jusqu’au 9 Novembre au Palais des expositions des Pins-Maritimes.
Benadel M.