« Les trois veuves » de la metteure en scène tunisienne, Wafa Taboubi, donné en représentation lundi soir au festival international du théâtre de Bejaia, a retenti à la fois comme un cri de détresse humain face aux dérives générées par les mutations du printemps Tunisien mais aussi un message subliminale et d’espoir pour une transcendance nationale.
Focalisant particulièrement sur les malheurs et la détresse des femmes, Taboubi, y livre sans parabole, les inquiétudes sur l’état de son pays, ne manquant pas d’appeler , toutefois, à un sursaut patriotique salvateur, notamment de la part de ses pairs féminines pour un rôle plus prégnant dans la société, sa devise étant « Des femmes heureuses ne peuvent générer qu’un pays heureux ». Et pour en convaincre, elle fait de ses « trois veuves » un exemple à méditer. Malgré leur malheur et leur détresse, nourris par la perte d’un être cher, elles ont su et pu trouver la force de se surpasser, de sourire aussi et de se mobiliser pour des actions d’enjeu sociétal. Inspirée de la pièce « la jeune fille et la mort » d’Ariel Dorfmans, et traitant des contextes de la chute des dictatures en Amérique latine, notamment en Argentine, l’histoire met en lumière, la rencontre de trois femmes, réunies par le destin après la disparition de leur être cher. L’une est affligée par la disparition de son mari, l’autre par celui de son père, et la troisième, en quête de son frère, a priori victimes tous trois d’un naufrage en mer. Elles n’en ont pas la certitude, le pays étant sujet à une perte de repères furieuse. Aussi pour percer le mystère de leurs disparitions, elles se retrouvent chaque jour sur un bout de place face à la mer, attendant que la marée dans sa furie y dépose leur corps. Ce n’est pas la mort qui les affecte mais l’attente et l’angoisse de ne pas pouvoir faire leur deuil en l’absence de preuve. Aussi pour résister au renoncement, elles passent des heures à discuter, à égrener leurs doux souvenirs et a se recharger en courage voire à rêver d’une vie meilleure. Chacune en profite pour croquer l’état advenu du pays et les fléaux qui l’accable, notamment la misère, l’immigration, l’oppression qui, en premier chef, est tenue pour responsable de ce qui leur arrive. Des vies brisées et des destins tragiques. La trame est lourde, encline le plus clair du temps à tomber dans l’excès dramatique. Même, les notes d’humours qui l’entrecoupent à l’occasion n’en allègent pas la charge. Elle reste prenante pour autant du fait de la prestation magistrale de ses acteurs, qui ont réalisé, grâce à un jeu subtile, raffiné et puissant, une véritable performance. La pièce, rappelle-t-on a été auréolée du 1er prix de la mise en scène aux journées cinématographique de Carthage en 2017.
Benadel M