Devant privilégier le dialogue pour un retour à l’ordre constitutionnel, la situation actuelle au Niger non maîtrisée pourrait conduire à une déstabilisation régionale, devant éviter les expériences de l’Irak et de la Libye.
1 – Le Niger qui a un PIB de 14 milliards de dollars, un PIB par tête d’habitant de 545 dollars, un des plus fiable au monde pour une population de 25,25 millions d’habitants s’étend sur 1 267 000 km2, ayant une position géographique stratégique partageant ses frontières avec sept pays à savoir :
– L’Algérie à 956 km de frontières avec le Niger, selon les données du FMI le PIB était de 193 milliards de dollars en 2022 et extrapolé à près de 200 milliards de dollars en 2023, étant la quatrième puissance économique en Afrique après le Nigeria, l’Afrique du Sud et l’Egypte avec un PIB par tête d’ habitant de 3939 dollars pour une population de 45 millions.
– le Bénin 266 km, a un PIB de 17 milliards de dollars , un PIB par tête d’habitant de 1256 pour une population de 13 millions ;
– le Burkina Faso 628 km de frontière a un PIB de 19 milliards de dollars, un PIB par tête d’habitant de 732 dollars pour une population de 22 millions
– la Libye 354 km de frontière a un PIB de 46 milliards de dollars, un PIB par tête d’habitant de 8150 dollars pour une population de 6,8 millions d’habitants,
– le Nigeria 1497 km de frontière a un PIB de 447 milliards de dollars, un PIB par tête d’habitants de 2450 dollars pour une population de 224 millions d’habitants ;
– le Tchad une frontière de 1175 km avec le Niger a un PIB de 11 milliards de dollars, un PIB par tête d’habitant de 590 dollars pour une population de 17,4 millions
-le Mali, frontière de 821 km avec une population de 21,9 millions , un PIB de 17,8 milliards de dollars, un PIB par tête d’habitant de 816 dollars.
Pour les autres pays de la CEDEAO , selon les données de la commission européenne pour 2021, en euros, nous avons ; le Cap vert un PIB de 2,19 milliards d’euros , un PIB par tête d’habitant de 3789 euros une population de 587 925 millions d’habitants ; la Cote d’Ivoire, une population de 27 millions , un PIB de 67 milliards d’euros et un PIB par tête d’habitant de 2420 millions d’euros, la Gambie, une population de 2,6 millions, un PIB de 2,15 milliards d’euros, un PIB par tête d’habitant de 818 euros, le Ghana une population de 31 millions, un PIB de 71 milliards d’euros, un PIB par tête d’habitant de 2259 euros, la Guinée 13,5 millions pour un PIB de 20,15 milliards d’euros, un PIB par tête d’habitant de 1490 euros, la Guinée-Bissau une population de 2,06 millions, un PIB de 1,55 milliards d’euros et un PIB par tête d’habitant de 753 euros ; la Sierra Leone une population de 8,14 millions, un PIB de 3,77 milliards d’euros, un PIB par tête d’habitant de 463 euros, le Sénégal, une population de 17 millions, un PIB de 26,3 milliards d’euros, un PIB par tête d’habitant de 833 euros ; le Liberia, une population de 5,19 millions, un PIB de 3,8 milliards d’euros, un PIB par tête d’habitant de 732 dollars ; le Togo une population de 8,6 millions, un PIB de 7,7 milliards d’euros, un PIB par tête d’habitant de 893 euros.
La situation est complexe et à enjeux géostratégiques multiples où face à la situation au Niger, le sommet de la Cédéao qui a gelé toute coopération économique bien que privilégiant le dialogue, avant toute intervention militaire après avoir donné un ultimatum d’une semaine aux putschistes nigériens pour rétablir à son poste le président se réunira à nouveau le 10 août 2023. Au vu des expériences historiques, même des grandes puissances militaires comme les USA et la Russie n’ont pu résoudre les problèmes en Afghanistan, les interférences étrangères pourraient conduire à une escalade incontrôlée dans l’ensemble de la région. Ce qui explique la position de l’opposition et de la majorité du sénat du Nigeria qui privilégie avant toute intervention militaire le dialogue encore que la Constitution prévoit en cas de menace sur la sécurité intérieure que le Président peut se passer du vote du Sénat. Cette position de privilégier le dialogue et la mise en garde contre toute intervention miliaire est partagée par l’Algérie dont la stratégie diplomatique et militaire est guidée par des principes fondamentaux hérités de sa longue histoire de libération nationale : la mise en place d’un dispositif de sécurité aux frontières et la restructuration des forces armées et de sécurité ; l’amorce de processus bilatéraux de coopération avec les pays voisins ; le développement d’un processus multilatéral à travers l’initiative des pays de Champ ; la non-ingérence dans les affaires intérieures des Etats, son objectif stratégique étant de traduire en termes concrets ses potentialités économiques, pour être en mesure de relever avec succès les défis innombrables qui nous sont lancés par le monde moderne, étant à l’aube de la quatrième révolution économique mondiale fondée sur les nouvelles technologies et les défis de la transition numérique et énergétique. Car l’Algérie partage des frontières avec des pays instables où sa sécurité est posée dont la Libye 982 km, le Mali 1329 km, la Mauritanie, 461 km, le Maroc 1739 km, le Niger 961 km, la Tunisie 1010 km et le Sahara occidental 39 km. La sécurité de l’Algérie pourrait être touchée indirectement via le Mali et la Libye qui partagent des frontières communes à la fois avec le Niger et l’Algérie et les tensions risquent de s’exacerber car dans un communiqué commun le Burkina Faso, le Mali, suivi de la Guinée ont affirmé qu’une intervention militaire au Niger, serait considérée comme une déclaration de guerre à leurs pays.
2- Cette instabilité du Niger est à replacer dans le contexte géostratégique turbulent de la région et les rivalités entre grandes puissances USA, Chine, Russie, Europe et certains pays émergents. Dans une note du Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest, il est mis en relief que l’arc sahélien, sans compter le reste du continent, est riche en ressources, sel, or, pétrole, gaz, fer, phosphate, cuivre, étain et uranium autant de richesses nourrissant les convoitises de puissances. Ce qui explique les sommets réguliers, USA/Afrique, Chine/Afrique, Europe/Afrique, Japon/Afrique Turquie/Afrique. Pour la Russie les échanges économiques sont marginaux environ 14 milliards de dollars moins de 2% des échanges globaux de l’Afrique, concernant surtout l’aspect militaire. Les échanges entre les USA et l’Afrique sont passés de 142 milliards de dollars en 2008 à seulement 64 en 2021, et selon les données récentes entendant tripler ce montant . La Chine représente 72% du PIB des BRICS et 18/20% du PIB mondial bouleversant les relations économiques internationales et distance largement les USA qui, selon l’agence chinoise des douanes ont augmenté de 35,3% au cours de l’année 2021, atteignant un montant record de 254,3 milliards de dollars, en n’oubliant pas les échanges avec le monde arabe en 2021 de 330 milliards de dollars, extrapolé entre 2023/205 à 500 milliards de dollars. Des pays font une percée en Afrique comme la Turquie où le volume des échanges devrait atteindre 45 milliards de dollars en 2022. L’Europe reste le premier partenaire de l’Afrique, la valeur des échanges entre 2020/2021, selon la commission européenne en 2021 a atteint 288 milliards d’euros, contre une valeur de 225 milliards d’euros en 2020, le déficit commercial en faveur de l’UE ayant diminué, passant de 24 milliards d’euros en 2020 à 4 milliards d’euros en 2021.
Selon les prévisions de la Banque Mondiale, le PIB de l’Afrique, qui de 100 millions d’habitants en 1900, la population est passée à environ 275 millions dans les années 1950-1960, puis à 640 millions en 1990 et à 1,4 à 1,4 milliard en 2022 soit 18% de la population mondiale, devant abriter 25% de la population mondiale entre 2030/2040, devrait passer de 2980 milliards de dollars en 2022 à 4288 en 2027 soit une hausse de 43,89%, ces projections de croissance du FMI pour l’Afrique dépendent d’une série d’hypothèses qui peuvent se réaliser ou pas, bonne gouvernance dont la lutte contre la corruption, réformes, sous intégrations régionales, et stabilité politique. C’est une croissance modeste car le commerce mondial a augmenté de 25% en rythme annuel en 2021 pour atteindre un record de 28.500 milliards de dollars et même si les exportations africaines de biens et services ont enregistré une croissance particulièrement rapide au cours des dix dernières années, elles représentent à peine 3 % du commerce mondial, loin de ses importantes potentialités, l’Afrique étant caractérisée par la faiblesse de son intégration qui est de l’ordre de 11/12 % alors que le flux des échanges entre pays européens est de plus de 60%. Pourtant je suis confiant en l’avenir de l’Afrique qui devrait être le moteur de la croissance de l’économie mondiale à horizon 2030/2035 sous réserve d’une nouvelle gouvernance. Car, il est utopique pour l’instant de parler d’intégration de tout le continent Afrique, mais de sous intégrations régionales, l’important étant de dynamiser la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf afin de stimuler la croissance, de réduire la pauvreté et d’élargir l’inclusion économique. La mise en œuvre de la zone de libre échange permettrait selon un rapport de l’OUA de sortir 30 millions d’Africains de l’extrême pauvreté, d’augmenter les revenus de près de 68 millions d’autres personnes qui vivent avec moins de 5,50 dollars par jour et d’augmenter les revenus de l’Afrique de 450 milliards de dollars d’ici à 2035.
En conclusion, comme souligné dans huit de mes interventions au niveau national et international existent un lien dialectique entre sécurité et développement en Afrique : la première à l’invitation des fondations –Bill Gates- Rockefeller New York USA en novembre. 2012 sur USA/Maghreb-Afrique, la seconde à Malte à l’invitation de la commission européenne avril 2014 sur les enjeux géostratégiques en Méditerranée, la troisième en mars 2015 au sénat français à l’invitation de Jean Pierre Chevènement sur les relations Maghreb Europe, la quatrième de l’association internationale africaine ARGA en mai 2015 sur les enjeux du développement de l’Afrique, la cinquième à l’invitation de l’Institut militaire de documentation et de prospective ministère de la Défense nationale – IMDEP en octobre 2019 sur les enjeux au Sahel et le trafic aux frontières, la sixième à l’invitation au siège de l’ambassade de l’Union européenne à Alger en 2021 où étaient présents la majorité des ambassades étrangers accrédités à Alger sur les enjeux énergétiques mondiaux. La septième à l’invitation ministère de la Défense nationale -état-major de la Gendarmerie nationale 23/24 février 2022 sur le thème, évasion fiscale, trafics aux frontières, fuite des capitaux et corruption ; la huitième intervention parue dans la revue de la direction générales de la Sûreté nationale DGSN «Chorta» juillet 2023 le réchauffement climatique et la sécurité de l’Afrique, à paraître dans le prochain numéro de Chorta réunion des BRICS en Afrique du Sud 22 août 2023 et la nouvelle reconfiguration économique mondiale. Espérons que le dialogue et la solution diplomatique l’emportera sur le conflit armée pour rétablir l’ordre constitutionnel au Niger afin d’éviter une déflagration régionale. Car le monde est à l’orée d’une période d’incertitude croissante, aux racines ancrées dans la polarisation des sociétés, où nous assistons à des cicatrices profondes, spécialement parmi la jeunesse africaine. D’une manière générale, les défis collectifs nouveaux pour l’Afrique sont une autre source de menace ayant pour noms : les ressources hydriques, la pauvreté, les épidémies, la transition énergétique et la protection de l’environnement, la lutte contre les crises régionales et le délitement de certains Etats, le terrorisme, la prolifération des armes de destruction massive, la maîtrise des cybers attaques et des nouvelles technologies avec la révolution numérique avec le développement des drones sur le plan militaire. Ils sont d’ordre régional et global. D’une manière générale, le continent Afrique, existant des Afriques et non une Afrique, face à un monde en crise en perpétuel mouvement, les tensions géostratégiques actuelles préfigurant un profond bouleversement mondial, avec le danger du réchauffement bien que l’Afrique est non responsable participant à moins de 5% des effets de serre au niveau mondial, sera ce que les Africains voudront qu’il soit.
- A. M.