En cet octobre gris comme Paris sait en enfanter, on sentait que la guerre d’Algérie allait inévitablement déboucher vers l’indépendance. Alors dans les bidonvilles de Nanterre, de Bobigny et de toutes les périphéries où l’on parquait les familles immigrées, l’appel à manifester dans le cœur même de la capitale française, fut reçu à l’unanimité et des charretées entières d’Algériens (et d’Algériennes, on a tendance à occulter ce fait majeur) déferlèrent sur Paris à la tombée de la nuit. Ils furent aussitôt cueillis par des pelotons de policiers chargés par le sinistre préfet Maurice Papon de les repousser par tous les moyens et d’empêcher la manifestation. Ce qui fut fait avec un rare excès de zèle et une violence inouïe. Alors non contents de les matraquer, les policiers les repoussèrent vers le fleuve de la Seine où ils furent jetés impitoyablement, livrés à une mort certaine. Ce fut une terrible répression qui n’avait aucune raison d’être contre de paisibles manifestants sans défense qu’un haut fonctionnaire avait décidé d’exterminer : Maurice Papon avait été auparavant préfet à Constantine où il fit «du bon boulot» avant que l’on ne découvre sur le tard qu’il fut un collabo zélé du nazisme et qu’on le juge. Mais à ce jour il ne rendit pas compte des crimes atroces qu’il commit à l’encontre de la communauté immigrée. Parce que la France coloniale et celle d’après, n’a jamais voulu reconnaître les horreurs commises contre le peuple algérien quel qu’en fussent l’endroit et la date, des enfumades du Dahra au début de la colonisation à l’horreur de cet octobre à Paris, à sa fin… Les présidents qui se sont succédé depuis l’indépendance, qu’ils soient d’obédience de droite ou de gauche, ont tous vaguement promis d’étudier de près cette délicate question de la repentance et de la reconnaissance des crimes, avant de se dédire. Le dernier en date est l’actuel chef d’Etat, Emmanuel Macron, qui durant sa campagne électorale, avait fait une promesse ferme de reconnaître les crimes du colonialisme, mais s’est vite rétracté une fois élu. Au suivant.