L’artiste américain Jean Lamore a dénoncé officiellement le retrait « précipité » de l’ouvrage collectif sur le Sahara occidental « Necessita dei Volti » (L’urgence des visages) d’une présentation au Centre Georges-Pompidou de Paris. Dans une lettre ouverte adressée au président du centre Serge Lasvignes, , l’artiste, peintre, écrivain et cinéaste a indiqué que, proposé par un collectif informel d’artistes-chercheurs dont il fait partie, le projet est soutenu par des personnalités « prestigieuses » telles que José Saramago, prix Nobel de littérature, Eyal Sivan, Noam Chomsky ou encore Ken Loach. « Il est à la fois connu et respecté sur le plan international et c’est certainement pour cette raison que le Centre Pompidou s’y est intéressé il y a plusieurs années déjà », a-t-il ajouté, rappelant que l’ouvrage en question a été présenté, en octobre 2012, dans la Petite salle du Centre puis a intégré en 2016 la collection de la Bibliothèque Kandinsky et du Cabinet de la photographie, suite à sa présentation au Beyrouth Art Center. « En octobre 2018, nous avons été contactés par la Bibliothèque Kandinsky afin qu’il soit présenté au sein des collections permanentes du centre et avions pris la peine d’échanger longuement avec vos équipes sur le format de sa présentation afin d’éviter toute ambiguïté d’interprétation », a-t-il encore rappelé, précisant que personne, au sein centre, « n’a pris la peine de nous informer du retrait précipité de notre œuvre et de la fermeture de sa vitrine ». Il a expliqué que ce projet a connu un « long cheminement » et émane d’une démarche artistique « rigoureuse » et d’un « profond attachement » aux valeurs humaines. « Il s’agit, a-t-il dit, de photographies pour la plupart anonymes, de provenance et de formats divers, qui révèlent une guerre occultée », soulignant que ce sont des photos retrouvées sur les corps de soldats marocains lors du conflit armé entre le Front Polisario et le Maroc, images satellites du mur construit par le Maroc à travers le Sahara et de témoignages de l’occupation en cours dans les territoires du Sahara occidental. Ce conflit, a-t-il poursuivi, a abouti à la construction du « plus grand mur » à caractère « répressif » de l’histoire de l’humanité, de plus de 2700 km de long et défendu par 160 000 militaires marocains, rappelant qu’il a consacré un film à ce sujet, Building Oblivion, qui a été projeté à l’Assemblée nationale française en 2008. « Ce conflit implique également de façon systématique des actes de torture et de séquestration de civils sahraouis ainsi que des condamnations allant de 30 ans de prison à la perpétuité au seul motif d’avoir participé à des manifestations pacifistes dans les territoires illégalement occupés par le Maroc », a indiqué Jean Lamore, rappelant que de nombreuses plaintes à l’encontre du Maroc ont d’ailleurs été déposées devant les tribunaux français par l’ACAT (Action des chrétiens pour l’abolition de la torture) pour « crimes de guerre ». L’artiste dénonce la déclaration du président du Centre Georges-Pompidou dans laquelle il affirme, dans une lettre, que « la position de la France sur ce sujet (Sahara occidental) est gravée dans le marbre », dans le sens où elle soutient le Maroc. « Cette déclaration est contraire au droit international et à la position de l’ONU qui définit le Sahara occidental comme un territoire non-autonome et occupé illégalement par le Maroc depuis 1975 », a-t-il tenu à lui rappeler, soulignant qu’il accorde « plus de valeur » aux considérations d’ordre éthique qu’à l’injonction d’un pays qui revendique l’annexion « unilatérale » d’un territoire. Il a estimé qu’il s’agit des valeurs des droits de l’homme, de la liberté de la presse et de la liberté d’expression plus généralement, indiquant que de nombreuses personnalités, journalistes, intellectuels ou parlementaires, « s’interrogent sur ce grave dysfonctionnement : le cas d’un établissement public culturel français obéissant à une injonction à caractère politique émanant d’un gouvernement étranger ».
Benadel M / Ag