Est-ce que nous avons transmis «le message» ou «passé le flambeau» comme n’ont cessé de le seriner ces apparatchiks repus des dividendes d’une guerre de Libération qu’ils ont accaparée comme une œuvre personnelle ? A voir ces écoliers assister chaque matin aux levées des couleurs en s’égosillant à chanter l’hymne national dans une indescriptible cacophonie, on se dit que le message n’est pas passé. Et ce n’est pas faute de patriotisme que cette jeunesse prend d’assaut les vagues et l’inconnu pour d’autres horizons, une autre vie. Mais qu’a donc la vie d’ici de si rébarbatif pour que des charretées de jeunes embarquent dans des felouques de fortune dans l’incertitude d’arriver sur les berges d’en face ? Pourtant, note un analyste, ce pays n’est pas pauvre et ce n’est pas le chômage qui pousse les jeunes vers d’autres pays où la vie est plus agréable. C’est que les tenants des constantes nationales conçoivent la vie comme un pensum, un fardeau qu’il faut supporter et on raconte aux jeunes et moins jeunes que les privations d’ici-bas, constituent de somptueuses récompenses dans l’au-delà. Alors à vingt ans, on a appris à vivre comme des sexagénaires qui attendent la récompense suprême, puisqu’il n’y a plus rien dans cette vie terrestre. C’est qu’au fil du temps, même Novembre qui symbolise le soulèvement de tout un peuple, a revêtu des allures de «djihad» et le prêche de ce vendredi n’a pas échappé à la règle : la Révolution, disent-ils, a été faite par les musulmans contre les infidèles. En omettant par ignorance sans doute de préciser que de nombreux non-musulmans, juifs, chrétiens se sont sacrifiés pour l’Algérie. Même les enseignants ont pris le relais et on distille un faux message aux élèves en leur ressassant que le 1er Novembre a été déclenché au nom de l’Islam contre les impies ! Au lieu de leur relater la véritable histoire de ce pays, les enfumades du Dahra, les bombardements des zones déclarées interdites, les fusillades des populations des douars, le napalm, les tortures dans les geôles des parachutistes, les fameuses corvées de bois. Des enfants, qui ne connaissent pas l’histoire de leur pays finissent par ne pas l’aimer. Et le fuir.
A-B.H.