Pour une sortie de crise: La classe politique réclame une transition gérée par une personnalité consensuelle

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La décision du Conseil constitutionnel sur l’impossibilité de la tenue de l’élection présidentielle, le 4 juillet 2019 a été favorablement accueillie par la classe politique, toutes obédiences confondues, qui l’a qualifié de « consécration » de la mobilisation populaire qui se poursuit depuis plus de trois mois et de « victoire supplémentaire sur la voie du changement du système ».

Suite à la confirmation, dimanche soir, par le Conseil Constitutionnel, de l’impossibilité de tenir l’élection du Président de la République, le 4 juillet 2019, et la réorganisation de celle-ci de nouveau après le rejet des deux dossiers de candidature déposés auprès de lui, les réactions des partis politiques, toutes obédiences confondues, se sont succédés pour se féliciter de cette décision.  Le Front des forces socialistes (FFS) a estimé, dans ce sens, que ce recul était « la consécration de plusieurs semaines de mobilisation et de détermination populaires », affirmant que c’est un autre acquis à préserver. « Le pouvoir réel algérien a été contraint d’annuler le simulacre électoral, qui été initialement prévu le 4 juillet prochain », a affirmé le parti dans un communiqué, rappelant qu’il « avait alerté, à temps, sur l’impossibilité d’imposer un autre coup de force électoral à un peuple résolu à parachever sa révolution et la faire aboutir à une transition démocratique, prélude de l’avènement de la deuxième République ». Par ailleurs, le FFS a dénoncé le maintien du Chef de l’Etat, Abdelkader Bensalah, dans ses fonctions jusqu’à l’élection du Président de la République et la prestation du serment constitutionnel, estimant que c’est là « une tentation du pouvoir à gagner plus de temps » la qualifiant de « énième parade désespérée ». Pour sa part, le président du parti du Rassemblement pour la Culture et la Démocratie (RCD), Mohcine Belabbas a considéré que l’annulation de cette échéance à la date initiale était un autre « échec » relevant de « l’inaptitude » à gérer la crise politique et constitutionnelle que traverse le pays. Le Parti des Travailleurs (PT) a affirmé, quant à lui, que l’annulation de la Présidentielle du 4 juillet était « une nouvelle victoire de la révolution », relevant que le Conseil constitutionnel « a outrepassé ses prérogatives » en se prononçant pour le maintien du chef d’Etat dans ses fonctions, alors que « le peuple réclame le départ du système et de tous ses symboles ». Pour le PT, « l’issue démocratique qui permettra au peuple, qui réclame le départ du système, d’exercer sa souveraineté, de défendre la souveraineté et l’unité du pays est le processus constituant qui inclut toutes les catégories de la société et devant être couronné par une assemblée nationale constituante et souveraine ». A ce propos, le parti Jil Jadid déclare que la décision du Conseil constitutionnel ne fait qu’officialiser ce qui était prévu par tous », à savoir l’annulation de l’échéance du 4 juillet, affirmant que « grâce à un mobilisation exceptionnelle pendant plus d’une centaine de jours, le renouvellement programmé du système à travers l’élection du 4 juillet a été évitée ». Dans un communiqué sanctionnant leur réunion de concertation, les partis Talaei El-Houriyet, l’Union des forces démocratiques et sociales, le Front pour la justice et le développement (FJD), Parti de la liberté et de la justice (PLJ), Parti Fajr el-Jadid (PFJ), le Mouvement de la société pour la paix, le mouvement Ennahdha et le mouvement el Binaa ont estimé que « +la fatwa+ décrétée dans le communiqué rendu par du Conseil constitutionnel, d' »anticonstitutionnelle et non conforme aux aspirations du peuple ».

 

A ce propos, le dirigeant du FJD, Lakhdar Benkhellaf a déclaré que l’annulation de cette élection « était l’une des revendications du peuple algérien qui a affiché son rejet de cette dernière jusqu’à ce que les conditions idoines soient réunies pour son organisation », particulièrement « le départ des trois B et de tous les symboles du système qui est à l’origine de la crise que traverse l’Algérie aujourd’hui ainsi que la mise en place de mécanismes constitutionnels et juridiques nécessaires pour l’organisation de cette échéance, notamment l’instance indépendante d’organisation et de supervision des élections ». Soulignant que la décision du Conseil Constitutionnel était prévisible, il a estimé que ce dernier a « dépassé ses prérogatives en ce qui concerne le maintien du chef de l’Etat dans son poste jusqu’à l’organisation d’une nouvelle élection présidentielle ». A cet égard, M. Benkhelaf a appelé le pouvoir à ne pas s’entêter et à tirer les leçons de tout ce qui s’est produit », soulignant que « le pays ne peut, aujourd’hui, supporter davantage ». S’inscrivant dans cette optique, 16 personnalités religieuses, dont le doyen des oulémas algériens, cheikh Mohamed Taher Aït Aldjet, et le président de l’Association des Oulémas musulmans, Abderrezak Guessoum, ont appelé à l’activation des articles 7 et 8 de la Constitution stipulant que « le peuple est la source de tout pouvoir » tout en soulignant que « la voix que le peuple veut faire entendre chaque vendredi est assimilée à un référendum populaire ». « La période de transition sera confiée à une personnalité consensuelle jouissant de l’approbation de la majorité populaire pour diriger le pays », ont indiqué les signataires, suggérant qu’il sera question par la suite d’organiser une élection libre, transparente et crédible. Les personnalités religieuses ont exhorté, en outre, cette personne qui aura à assumer cette responsabilité « à nommer un gouvernement de compétences nationales intègres », et « à installer une commission indépendante chargée de la surveillance et de l’organisation de la prochaine élection ». Elles ont également préconisé « l’organisation d’une conférence de dialogue national inclusif », dont la mission consistera « à jeter les bases et à dessiner les contours de l’avenir du pays, élaborer une feuille de route pour définir une nouvelle politique à même d’éviter au pays et aux citoyens de verser à nouveau dans le pourrissement politique et sauver le pays de toutes les formes de dépendance ou d’allégeance, s’inspirant des valeurs du 1e Novembre et des principes des oulémas ».  Par ailleurs, les signataires ont exhorté le peuple algérien « à préserver l’unité nationale, adopter une attitude pacifique et s’attacher aux constantes nationales », saluant « la résistance » de l’institution militaire dans sa démarche visant à « protéger le pays, à accompagner le Hirak populaire, à préserver sa sécurité et à comprendre ses revendications et aspirations ». Pour sa part, l’Organisation nationale des moudjahidine (ONM) avait appelé à la tenue d’une conférence nationale pour l’élaboration d’une feuille de route, à même de répondre aux revendications populaires dans les plus brefs délais et permettre aux institutions du pays de poursuivre normalement leur processus dans le cadre d’une vision nationale complémentaire. L’organisation avait évoqué, dans son communiqué, les différentes interactions sur la scène nationale et leurs répercussions qui « imposent de réunir les conditions idoines pour un dialogue national sérieux et responsable », proposant la tenue d’une conférence nationale regroupant l’ensemble des acteurs, à savoir des représentants du hirak populaire, des partis politiques, des organisations nationales, des syndicats et autres. Cette conférence constitue « le cadre adéquat pour débattre et approuver les étapes à entreprendre dans le cadre d’une vision nationale globale qui servirait de feuille de route à même de répondre, dans les plus brefs délais, aux revendications du peuple et de permettre aux institutions de l’Etat de poursuivre normalement leur fonctionnement », estime l’organisation.

 

L’organisation propose également, « le cautionnement ou l’élection d’une personnalité nationale ou d’une instance regroupant plusieurs personnalités qui supervisent la période de transition pour une durée maximale d’une année ». Outre la poursuite de la révision de la loi relative au régime électoral, cette personnalité ou instance supervisera la gestion de la période de transition, et ce à travers la formation d’une commission indépendante chargée de la supervision de toutes les étapes de l’élection. L’organisation propose, dans ce cadre, la constitution d’un gouvernement technocrate par les dirigeants de la période de transition « lequel ne sera pas en droit d’avoir un lien direct avec le processus électoral », mais se chargera plutôt de la mise en place des différents moyens pour l’organisation de ces échéances. L’ONM a mis en avant, dans ce sens, le rôle de l’Armée nationale populaire (ANP) dans cette conjoncture que traverse le pays, qui « au-delà de ses engagements d’assumer sa responsabilité dans la préservation de la pérennité de l’Etat (…), a prouvé son souci d’assurer et d’accompagner le mouvement populaire ». De son côté, l’Académie algérienne des sciences et technologies d’Algérie (AAST), créée en 2015 et composée d’une partie de l’élite scientifique nationale établie en Algérie et de la diaspora, a lancé un appel à la société civile et aux forces politiques du pays pour dégager une solution consensuelle à la crise en vue de l’émergence d’une autorité nationale chargée d’assurer une période de transition pour l’organisation de l’élection présidentielle. L’appel de l’AAST est destiné « aux figures emblématiques du mouvement citoyen, partis, organisations et forces politiques et sociales qui le soutiennent afin de favoriser les conditions nécessaires pour dégager une solution consensuelle, en consacrant l’émergence d’une autorité nationale chargée d’assurer une période transitoire pour l’organisation des élections présidentielles », avait précisé le communiqué signé par la présidente de l’AAST, Malika Allab-Yaker. L’AAST a suggéré que cette autorité soit composée de « personnalités reconnues pour leur intégrité, impartialité et engagement national », soulignant que « le processus préconisé devra être soutenu par l’Armée nationale populaire, sans immixtion de cette institution garante de l’intégrité nationale, de la sécurité du pays et de l’unité de la nation ».

T. Benslimane