Pollution de l’air : une nouvelle méta-analyse confirme le lien avec le risque de démence

0
222

La pollution augmente bien le risque de démence. Les particules fines émises dans l’atmosphère parviennent à pénétrer jusqu’au cerveau humain, où elles provoquent des réactions susceptibles de favoriser les maladies neurodégénératives. C’est ce que confirme une vaste méta-analyse récemment publiée dans la revue The Lancet Planetary Health, qui vient appuyer les résultats de nombreuses études précédentes.

Cette méta-analyse passe en revue plus de 51 études menées à l’échelle internationale, représentant un total impressionnant de 30 millions de patients. La majorité de ces études proviennent de pays à haut revenu, avec 15 issues d’Amérique du Nord, 10 d’Europe, 7 d’Asie et 2 d’Australie. Les chercheurs ont mis en évidence une association positive et statistiquement significative entre l’exposition à certains polluants atmosphériques et la survenue de la démence. Trois types de polluants sont particulièrement mis en cause : les particules fines (PM2,5), le dioxyde d’azote (NO₂) et le carbone noir.

Trois polluants en cause

Les PM2,5, ou particules de moins de 2,5 micromètres de diamètre, sont suffisamment fines pour être inhalées profondément dans les poumons. Elles proviennent de sources variées : circulation automobile, centrales électriques, procédés industriels, cheminées, poêles à bois ou chantiers de construction. Ces particules peuvent rester longtemps dans l’atmosphère et parcourir de grandes distances, entre leur point d’émission et celui d’inhalation. Le dioxyde d’azote (NO₂), quant à lui, est principalement issu des combustibles fossiles. On le retrouve en forte concentration dans les gaz d’échappement des véhicules, en particulier les diesels, mais aussi dans les cuisines et systèmes de chauffage au gaz. Ce gaz est bien connu pour irriter le système respiratoire et aggraver des maladies telles que l’asthme. Le troisième polluant incriminé est le carbone noir, aussi appelé suie de carbone. Il résulte de la combustion incomplète de carburants fossiles et de bois. Inhalé, ce polluant pénètre profondément dans les voies respiratoires, augmentant les risques de maladies pulmonaires et cardiovasculaires.

Des seuils d’exposition préoccupants

Les auteurs de l’étude ont calculé le risque relatif de démence pour différents niveaux d’exposition. Pour chaque tranche de 10 microgrammes par mètre cube (μg/m³) de PM2,5, le risque de démence augmente de 17 %. À titre d’exemple, la moyenne annuelle de PM2,5 à Paris est estimée à 12 μg/m³, avec des pics bien plus élevés le long des axes routiers, selon l’organisme Airparif. Concernant le dioxyde d’azote, chaque augmentation de 10 μg/m³ est associée à une hausse de 3 % du risque de démence. À Londres, les mesures bord de route atteignaient 33 μg/m³ en 2023. À Paris, les niveaux moyens varient entre 18 et 26 μg/m³ selon les quartiers. Enfin, pour chaque μg/m³ de carbone noir contenu dans les PM2,5, le risque de démence croît de 13 %. Dans les zones résidentielles parisiennes, la concentration de suie est généralement d’environ 1 μg/m³. Cependant, sur les sites à forte densité de trafic, elle peut monter jusqu’à 11 μg/m³, toujours selon les données d’Airparif. Les effets étudiés concernent une exposition d’au moins un an, soulignent les auteurs.

Un impact direct sur le cerveau

Mais comment ces particules peuvent-elles favoriser la démence ? Clare Rogowski, chercheuse à l’Université de Cambridge et première autrice de l’étude, explique que les particules fines et ultrafines peuvent atteindre le cerveau de deux façons : via la circulation sanguine ou par le nerf olfactif. Une fois présentes dans le cerveau, elles déclenchent une neuro-inflammation et un stress oxydatif, deux mécanismes bien connus pour être impliqués dans le développement de maladies neurodégénératives. Par ailleurs, l’inhalation de ces polluants provoque une réponse inflammatoire systémique dans l’ensemble de l’organisme. Cette réaction immunitaire peut altérer les mécanismes naturels de protection du cerveau, facilitant notamment l’accumulation de protéines toxiques, telles que la bêta-amyloïde, fortement impliquée dans la maladie d’Alzheimer.

Un enjeu de santé publique mondial

Cette étude apporte un nouvel éclairage sur les effets invisibles mais durables de la pollution de l’air. Alors que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) classe déjà la pollution atmosphérique comme un cancérogène certain depuis 2013, ce travail renforce l’urgence de réduire les émissions polluantes, non seulement pour préserver nos poumons, mais aussi pour protéger notre cerveau. Dans un contexte d’urbanisation croissante, de vieillissement des populations et de multiplication des sources de pollution, les conclusions de cette méta-analyse doivent servir d’alerte forte pour les décideurs politiques. Le combat contre la pollution est aussi un combat contre les maladies du vieillissement.

Neila M

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici