Marches à travers le pays: Le peuple  reste fortement mobilisé contre Bensalah et la présidentielle

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La 8e manifestation du vendredi à Alger.

Pour le huitième vendredi consécutif, les Algériens manifestent massivement dans la rue pour rejeter le système et réclamer une véritable transition démocratique. Ni les menaces de répression policière ni les dispositifs mis en place sur les principaux axes routiers pour empêcher les manifestants de rejoindre la capitale n’ont eu l’effet escompté par les autorités.

Les Algériens sont sortis dans la rue avec la même détermination que les vendredis précédents. Les manifestations sont restées pacifiques et joyeuses, malgré quelques tensions durant les premières heures de la matinée à Alger. Mais aux provocations de la police qui a utilisé pour la première fois les canons à eau à Place Audin, les manifestants sont restés pacifiques. L’argument de la répression n’a donc pas fonctionné. Ce vendredi constituait un véritable test pour la mobilisation populaire. Les manifestations d’aujourd’hui sont les premières depuis la nomination de Bensalah comme président intérimaire. Elles interviennent aussi deux jours après la convocation du corps électoral pour l’élection présidentielle du 4 juillet. L’exceptionnelle mobilisation à travers tout le pays signifie clairement que le peuple rejette les deux décisions. A travers leur forte mobilisation, les Algériens ont délivré un message clair : tant que les 3B sont au pouvoir, les manifestations vont se poursuivre. Le pouvoir qui misait sur un essoufflement de la contestation doit revoir ses calculs. Le pouvoir a choisi l’argument du respect de la constitution pour contourner la volonté populaire. Il est aujourd’hui pris à son propre piège. Le président intérimaire Abdelkader Bensalah est déjà disqualifié par les manifestations massives d’aujourd’hui. L’élection présidentielle prévue le 4 juillet prochain est rejetée. Il est difficile d’imaginer l’organisation d’un scrutin alors qu’une bonne partie des électeurs est dans la rue. A présent que les rapports de force sont clairement établis, le pouvoir a le choix entre écouter les revendications de son peuple ou poursuivre sur une voie sans issue en invoquant le respect constitution. Avec tous les risques qu’un tel choix comporte pour la stabilité du pays Un cortège monstre défile dans le centre d’Alger pour un 8e vendredi consécutif de contestation, le premier depuis l’entrée en fonctions du président par intérim et son annonce d’une présidentielle le 4 juillet pour désigner un successeur à Abdelaziz Bouteflika, refusés par les manifestants. Le nombre exact de manifestants est difficile à établir, ni les autorités ni les protestataires ne communiquant de chiffres. Mais en début d’après-midi une foule dense emplit les rues du centre-ville, au moins aussi importante que celle des vendredis précédents. Des manifestations d’ampleur diverses sont signalées dans d’autres villes d’Algérie, notamment Constantine et Annaba (3e et 4e villes du pays), où en dépit de  la pluie n’a  pas affaibli la mobilisation, ou Tizi-Ouzou et Béjaia, où de très nombreux manifestants sont signalés.

Ils partiront tous le  leitmotiv

Après avoir obtenu le 2 avril la démission du chef de l’Etat, le mouvement populaire algérien réclame désormais le départ d’Abdelkader Bensalah, apparatchik de 77 ans, chargé par la Constitution d’assurer l’intérim, mais aussi de l’ensemble des personnalités de l’appareil mis en place par M. Bouteflika en 20 ans de pouvoir. Sur les réseaux sociaux, où est née en février la contestation, les appels à manifester ont repris ces derniers jours pour la 8e semaine consécutive, notamment sous le mot-dièse « Ils partiront tous ». Les contestataires estiment que les structures et personnalités mises en place par M. Bouteflika ne peuvent garantir un scrutin libre et équitable pour désigner son successeur et craignent une élection frauduleuse ne servant qu’à conforter le « système » au pouvoir. L’ampleur de la mobilisation vendredi sera jaugée attentivement par chacun des deux camps, qui campent sur leurs positions. Le pouvoir entend mordicus poursuivre le processus prévu par la Constitution: l’élection d’un nouveau président sous 90 jours. Trop court pour manifestants et société civile, qui réclament la mise en place d’institutions ad hoc, en vue d’une véritable transition post-Bouteflika. « Le peuple est plus grand que la Constitution », peut-on lire sur la pancarte d’un manifestant. Certaines étaient également hostiles au général Ahmed Gaïd Salah, chef d’état-major de l’armée qui a écarté ces derniers jours toute transition hors des institutions actuelles, tout en promettant de garantir la régularité du scrutin. Sera également scrutée vendredi, l’attitude de la police qui a semblé moins tolérante ces derniers jours à l’égard des rassemblements dans la capitale. Vendredi, pour la première fois en 8 semaines de défilés hebdomadaires dans la capitale, des policiers en tenue anti-émeutes ont limité plusieurs heures de la matinée l’accès au parvis de la Grande Poste, épicentre de la contestation dans le centre d’Alger, avant de finalement libérer l’accès. Ils ont également vainement tenté, sans force excessive, de déloger plusieurs centaines de manifestants les ayant devancés en s’installant dès l’aube sur les escaliers de ce bâtiment néo mauresque emblématique du cœur de la capitale. Certains étaient venus d’autres villes, après de longues heures de route, ralentis par de nombreux barrages filtrants de la gendarmerie sur le trajet. Les multiples tentatives d’intimidation de la police dans la matinée contre les manifestants à Alger n’ont pas découragé les contestataires, venus pour certains en famille avec leurs enfants. »Je crains qu’ils n’aient l’intention de faire quelque chose aujourd’hui, mais on ne répondra pas à la provocation » assure Yacine, ingénieur de 35 ans, venu avec sa fiancée. « Silmiya! » (« pacifique! ») scandent les manifestants, reprenant le mot d’ordre de la contestation.

– Présidentielle rejetée –

« C’est clair que les élections seront truquées avec eux » (les anciens partisans de M. Bouteflika), lance Hamid Bouchnab 24 ans étudiant à Jijel: « Nous n’avons pas confiance alors nous refusons », qu’ils gèrent l’après-Bouteflika, « nous refusons Bensalah. Nous l’avons dit et nous le redirons jusqu’à ce qu’il comprenne ». Désigné par la Constitution pour assurer l’intérim, M. Bensalah a remplacé dans les slogans hostiles M. Bouteflika, président malade dont il était ces dernières années la « doublure » officielle, en Algérie et à l’étranger. « L’élection du 4 juillet est rejetée par le peuple qui refuse également la nomination de Bensalah », analyse Mahrez Bouiche, professeur de philosophie à l’université de Bejaia (250 km à l’est d’Alger).

– « Légale mais non légitime » –

Pour les protestataires, cette présidentielle ne peut être libre et équitable si elle est organisée par les institutions et personnalités héritées des 20 ans de pouvoir de Bouteflika, marqués par des scrutins frauduleux selon l’opposition.

Mais M. Bensalah a reçu le soutien implicite de l’armée, revenue au centre du jeu politique depuis que le général Gaïd Salah a lâché M. Bouteflika rendant inéluctable sa démission. Le chef d’état-major de l’armée a estimé « irraisonnable » une transition hors du cadre institutionnel actuel et promis aux manifestants que l’armée garantirait « la transparence et l’intégrité » du scrutin. « L’essentiel pour l’armée est d’avoir un président rapidement, pour avoir des institutions stables et se concentrer sur ses missions de sécurisation du pays », analyse Rachid Grim, qui enseigne les Sciences politiques à l’Institut supérieur de gestion et de planification (ISGP). Cette présidentielle est « légale mais non légitime », estime de son côté Louisa Driss-Aït Hamadouche, enseignante en Sciences politiques à l’Université d’Alger 3. Le pouvoir va scruter attentivement la mobilisation dans l’espoir d’un affaiblissement. « Trois mois, c’est long pour un mouvement populaire, pour le moment il tient bon », note Louisa Driss-Aït Hamadouche. Mais, à l’inverse « trois mois c’est court » pour transformer un mouvement populaire en mouvement politique organisé, souligne Rachid Grim, estimant qu’une telle structuration n’est « pas pour demain ».

T.M