Comme le démontre une importante étude de l’IRIS du 19 août 2021, le gazoduc reliant le Nigeria à l’Europe, d’une capacité de 33 milliards de mètres cubes gazeux principal client qui doit se prononcer également sur ce projet, est l’objet d’enjeux géostratégiques importants pour la région.
D’où l’importance, en ces moments de tensions budgétaires, d’avoir une vision économique réaliste car faisabilité de ce gazoduc doit tenir compte des nouvelles mutations gazières mondiales pour évaluer sa rentabilité car les lettres d’intention ne sont pas des contrats définit et les autorités nigériennes doivent éclairer définitivement leurs positions concernant le projet du gazoduc soit l’Algérie ou le Maroc, assistant à des déclarations contradictoires ; exemple de cette cacophonie, le 18 septembre 2023, des accords ont été signés entre le Maroc et le Nigeria, renforçant leur engagement envers le projet du gazoduc. portant sur les aspects techniques, financiers et réglementaires du projet et en e n décembre 2023, lors du 7e sommet du Forum des chefs d’État et de Gouvernements des Pays Exportateurs de Gaz (FPEG), le ministre nigérian des Affaires étrangères, en visite en Algérie a privilégié l’Algérie ; qui croire ?
1.-Données technico-économiques du projet du gazoduc Nigeria via le Maroc et Nigeria Via l’Algérie.
Le gazoduc Maroc-Nigéria dont le cout est estimé par l’IRIS entre 25/30 milliards de dollars dont la durée de réalisation entre 8/10 ans mesure environ 5 660 kilomètres de long. Il longerait la côte Ouest Africaine en traversant ainsi 14 pays : Nigéria, Bénin, Togo, Ghana, Côte d’Ivoire, Liberia, Sierra Leone, les trois Guinée, la Gambie, le Sénégal, la Mauritanie, le Sahara occidental et le Maroc. Ce projet a été annoncé en Décembre 2016, lors de la visite d’État du souverain marocain au Nigéria. En Mai 2017, des accords de coopération ont été signés à Rabat pour engager les deux parties à parrainer une étude de faisabilité (terminée en Juillet 2018) ainsi qu’une pré-étude des détails (FEED) réalisée au 1er trimestre 2019. Dans la phase de pré-études, il s’agit pour les États traversés et la CEDEAO de signer des accords relatifs à sa construction mais aussi de valider les volumes de gaz disponibles pour l’Europe et d’entamer les discussions avec les opérateurs du champ « Tortue » (ressources gazières) au large du Sénégal et de la Mauritanie (ces deux pays ont signé un accord en décembre 2018 afin d’exploiter en commun le champ gazier Tortue-Ahmeyim et approcher des clients européens. Les réserves sont estimées à 1 400 milliards de m³ de gaz, ce qui fait du projet GTA l’un des plus importants en cours de réalisation en Afrique. Les deux pays sont convenus de se partager les recettes, estimées entre 80 et 90 milliards de dollars sur 20 ans. Le GTA assurera une rente importante au Sénégal et à la Mauritanie. De plus, une partie du gaz sera conservée par chaque pays pour développer sa production d’énergie électrique. A terme, à l’horizon 2026-2027 quand les phases 2 et 3 seront achevées, le site pourra produire annuellement 10 millions de tonnes de GNL, ce projet dont la production devrait s ‘effectuer fin 2024 risque de bouleverser la situation énergétique de la région . Le projet Nigeria via le Maroc a pour but de connecter les ressources gazières nigérianes à différents pays africains, existant déjà deux gazoducs dans la zone Afrique du Nord-Ouest, le «West African Gas Pipeline », qui relie le Nigéria au Ghana, en passant par le Bénin et le Togo, et le gazoduc Maghreb-Europe (également nommé « Pedro Duran Farell ») qui relie l’Algérie à l’Europe via l’Espagne (Cordoue) en passant par le Détroit de Gibraltar et le Maroc.
Concernant le gazoduc Nigeria Algérie de 4128 km dont le ministre de l’Energie le 18 mai 2024 en Italie vient de réitérer’ l’importance pour l’Algérie , d’un coût estimé par la commission européenne à 19/20 milliards de dollars pour une durée de réalisation de 5 année après le début du lancement, ,d’une capacité annuelle de trente milliards de mètres cubes devant partir de Warri au Nigeria pour aboutir à Hassi RMel, en passant par le Niger dont l’idée a germé dans les années 1980, l’accord d‘entente ayant été signé le 03 juillet 2009. Le 21 septembre 2021 le ministre nigérian de l’Énergie a déclaré dans une interview accordée à la chaîne de télévision CNBC Arabia en marge de la conférence Gastech que son pays a commencé à mettre en œuvre la construction d’un gazoduc pour transporter du gaz vers l’Algérie. Le 04 mars 2024, le Ministre algérien de l’Energie (source officielle APS) a déclaré que le prjet avance et qu’il ne que 100 kilomètres au niveau du Nigéria, 1 000 kilomètres au Niger et 700 km en Algérie, mais reste à convaincre le Nigeria de lever les sanctions contre le .Niger et de lever les incompréhensions politiques entre le Niger et l’Algérie. Rappelons qu’actuellement, l’Algérie possède deux canalisations opérationnelles , le TRANSMED, d’une longueur de 550 km sur le territoire algérien et 370 km sur le territoire tunisien, vers l’Italie, la plus grande canalisation d’un looping GO3 qui permet d’augmenter la capacité de 7 milliards de mètres cubes auxquels s’ajouteront aux 26,5 pour les GO1/GO2 permet une capacité de 33,5 milliards de mètres cubes gazeux et le MEDGAZ directement vers l’Espagne à partir de Beni Saf au départ d’une capacité de 8 milliards de mètres cubes gazeux qui après extension en 2021 la capacité est de 10,5 milliards de mètres cubes gazeux. Pour rappel le GME via le Maroc, le contrat s’étant achevé le 31 octobre 2021, n’ pas été renouvelé, d’une longueur de 1300 km, 520 km de tronçon marocain, la capacité initiale étant de 8,5 milliards de mètres cubes ayant été porté en 2005 à 13,5 de milliards de mètres cubes gazeux.
2.-La rentabilité du projet Nigeria Europe, suppose trois conditions
Premièrement. La mobilisation du financement, fonction des réserves de change qui sont évaluées selon le FMI au 31/12/2023 à 32,870 milliards de dollars et une dette extérieure, à ne pas confondre avec la dette publique pour le Nigeria 24% du PIB , pour le Maroc à 36 milliards e dollars et une dette extérieure de 69% par rapport au PIB pour le Maroc et pour l’Algérie 69 milliards de dollars, une dette extérieure de 1,6% par rapport au PIB pour l’Algérie, devant impliquer des groupes financiers internationaux, dont l’Europe principal client et sans son accord et son apport financier il sera difficile voire impossible de lancer ce projet ca pour les autres pays africains concernés par le tracé , ils ont des capacités de financement très faibles
Deuxièmement. L’évolution de la concurrence d’autres producteurs. du coût et du prix de cession du gaz qui devraient influer sur la prise de décision de lancer de cet investissement d’où l’importance de lancer une étude du marché avant de trancher sur l’opportunité de s’engager ou pas dans ce projet, en n’oubliant jamais que le principal client est l’Europe et sans son accord, que ce soit par le Maroc ou par l’Algérie le projet ne peut se réaliser
Troisièmement. La sécurité et des accords avec certains pays, le projet traverse plusieurs zones alors instables et qui mettent en péril sa fiabilité avec les groupes de militants armés du Delta du Niger qui arrivent à déstabiliser la fourniture et l’approvisionnement en gaz, les conséquences d’une telle action, si elle se reproduit, pourraient être remettre en cause la rentabilité de ce projet. Il faudra impliquer les États traversés où il faudra négocier pour le droit de passage (paiement de royalties) donc évaluer les risques d’ordre économique, politique, juridique et sécuritaire.
En conclusion, le gaz avec la prépondérance des canalisations, n’est pas un marché mondial mais un marché segmenté par zones géographiques alors que le marché pétrolier est homogène, étant impossible qu’il réponde aux mêmes critères. Pour arriver un jour à un marché du gaz qui réponde aux normes boursières du pétrole (cotation journalière) , il faudrait que la part du GNL passe d’environ 40% actuellement à plus de 80%.. D’ici là, les investissements sont très lourds et tout dépendra de l’évolution du marché énergétique entre 2024-2030. Le monde s’orientant vers la transition numérique et énergétique, quelle sera la part du gaz dans le Mix énergétique qui sera fonction du nouveau modèle consommation énergétique mondial avec un accroissement de la part du renouvelable, de l’efficacité énergétique et entre 2030/2040 de l’hydrogène vert, bleu et blanc qui déclassera une grande part de l’énergie transitionnelle. L’énergie, autant que l’eau, est au cœur de la souveraineté des États et de leurs politiques de sécurité. L’on devra étudier avec attention l’évolution de la stratégie gazière mondiale et notamment en Méditerranée principal ,marché de ce gazoduc , où la concurrence est acerbe. La faisabilité du projet du gazoduc Nigeria-Europe, doit tenir compte des nouvelles mutations gazières mondiales pour évaluer sa rentabilité car les lettres d’intention ne sont pas des contrats définitifs comme en témoigne ces lettres signées par de hauts responsables du Nigeria à la fois avec l’Algérie et le Maroc . Ne devant jamais oublier que dans la pratique des affaires et des relations internationales n’existent pas de sentiments mais, que des intérêts, les nouvelles dynamiques économiques modifieront les rapports de force à l’échelle mondiale et affecteront également les recompositions politiques à l’intérieur des États comme à l’échelle des espaces régionaux.
A.M