Le système financier algérien, les banques, les domaines, les douanes et l’administration fiscales, poumon des réformes et enjeu de pouvoir, a besoin de réformes structurelles pour intégrer la sphère informelle renvoyant globalement à la réforme de l’écosystème assis sur la rente des hydrocarbures.
1. La réforme du système financier renvoie fondamentalement à la gouvernance globale, l’Algérie ayant peu de banques accompagnant les véritables investisseurs, le président de la république Abdelmadjid Tebboune ayant parlé de guichets administratifs, et encore moins de véritables bourse des valeurs, la bourse d’Alger, non reliée aux réseaux internationaux, créée en 1996 devant être dynamisée. Plusieurs questions se posent concernant le système financier algérien, poumon du développement du pays et de la croissance future du pays, étant un enjeu énorme de pouvoir. Cela explique que les réformes structurelles annoncées depuis plus des décennies soient souvent différées, les banques publiques en 2024 représentant plus de 85% des crédits octroyés et malgré leur nombre, les banques privées sont marginales. La majorité des entreprises, que ce soit pour leur investissement ou leur exploitation courante, sont entièrement dépendantes de la «monnaie hydrocarbures ». Et parallèlement, se tisse des liens dialectiques entre la logique rentière et l’extension de la sphère informelle (avec des monopoleurs informels), produit des dysfonctionnements des appareils de l’Etat et de la bureaucratie. Dans sa note de février 2024 sur la conjoncture économique relative aux tendances monétaires et financières des 9 premiers mois de l’année 2023, pour la Banque d’Algérie , les sommes d’argent qui circulent en dehors du circuit bancaire ont atteint 8026,19 milliards de dinars, soit au cours de 34 dinars un dollar 59,89 milliards de dollars contre 55,17 milliards de dollars enregistrés à fin décembre 2022. Et le dernier rapport de la banque d’Algérie en novembre 2024 le montant de la sphère informelle représente environ 8 273 milliards de dinars sur un total de 24 330 milliards de dinars en circulation, soit au même cours pour une comparaison correcte de 134 dinars un dollar 61,73 milliards de dollars sur un total de 181,56 milliards de dollars soit 33,99%, ce montant en croissance alimentant l’économie informelle où selon ce rapport, moins de 20 % des transactions financières dans le pays sont effectuées via des moyens électroniques, montrant qu’il reste un long chemin à parcourir pour la digitalisation des paiements. Le rapport montre que cette extension de la sphère informelle a d’une part un impact négatif sur les recettes fiscales, avec une perte d’ environ un tiers de la TVA potentielle et une part importante de l’impôt sur le revenu et d’autre part contribue à la dépréciation continue du dinar, le cours sur le marché parallèle le 30 novembre 2024 étant de 254 dinars à l’achat et 258 dinars un euro à la vente , pour 100 euros l’acheteur doit débourser 25800 dinars soit le SMIG mensuel et le cours officiel est de 141 dinars un euro om nous avons assisté à un écart qui est passé il y a 15 dernières années de 25/30% en 2020 à 50% et le 30 novembre 2024 à 82%, limitant la politique financière et budgétaire. Les dernières mesures de novembre 2024 de la Banque d’Algérie de limiter à un transfert légal de 7200 euros par an pour personne a eu un effet à court terme,mais le cours depuis début décembre 2024 est revenu à la hausse( déséquilibre entre l’offre et la demande) et la population algérienne attend toujours la promesse de hausser l’allocation de devises qui est actuellement d’environ 100 euros apr an La finance islamique, a eu un impact mitigé pour l’instant en Algérie pour absorber et bancariser ces fonds, le volume des dépôts au niveau des banques étant passé de 546,69 milliards DA en 2022 pour atteindre 623,83 milliards DA à fin juin 2023, soit 4,65 milliards de dollars. . Quant aux bureaux de change, autorisés depuis les lois privilégiées en 1995 et réactualisées en 2023, pour canaliser l’épargne informelle, ils ne sont pas encore opérationnels..
2.-D’où l’importance de s’attaquer à l’essence qui est la réforme profonde du système financier. La sphère informelle trouve son essence dans les dysfonctionnement des appareils de l’Etat et de l’emprise de la bureaucratie ( études réalisée sous la direction du professeur Abderrahmane Mebtoul pour l’Institut Français des Relations Internationale IFRI Paris décembre 2013 et actualisé pour le cas algérien dans la revue stratégie IMDEP Ministère de la défense nationale MDN Algérie octobre 2019). Or, la vraie richesse ne peut apparaître que dans le cadre de la transformation du stock de monnaie en stock de capital, et là est toute la problématique du développement. Les banques publiques croulent sous le poids de surliquidités dont plus de 70% provenant de la Sonatrach via la BEA (banque qui est florissante que grâce à Sonatrach) qu’elles n’arrivent pas à transformer en capital productif. On peut considérer que les conduits d’irrigation, les banques commerciales et d’investissement, opèrent non plus à partir d’une épargne puisée du marché, éventuellement un reliquat du travail, mais par les avances récurrentes (tirage: réescompte) auprès de la Banque d’Algérie pour les entreprises publiques qui sont ensuite refinancées par le Trésor public en la forme d’assainissement, rachat des engagements financiers des EPE auprès de la Banque d’Algérie. L’analyse du système financier algérien ne peut être comprise sans aborder la rente des hydrocarbures. Tout est irrigué par la rente des hydrocarbures donnant ainsi des taux de croissance, de chômage et d’inflation fictifs. La richesse nationale créée puise sa source dans la relation du triptyque: stock physique (stock ressources naturelles d’hydrocarbures)-stock monétaire (transformation: richesse monétaire) – répartition (modalités et mécanismes de répartition: investissement-consommation-fonds de régulation). La société des hydrocarbures ne créait pas de richesses ou du moins très peu, elle transforme un stock physique en stock monétaire (champ de l’entreprise) ou contribue à avoir des réserves de change produit de la rente et non du travail comme en Chine.
3.-Montrant une économie fortement dépendante de la rente des hydrocarbures, outre le taux d’intégration global de l’économie qui en 2024 ne dépasse pas les 15% , équipements et matières premières des entreprises publiques et privées étant importés en devises, que les exportations hors hydrocarbures sont passées de 7 à 5 milliards de dollars entre 2022/2023 et sur ce montant 67% selon les statistiques officielles de la douane sont des dérivées d’hydrocarbures, au niveau interne la sphère informelle en Algérie contrôle plus de 65% des segments des produits de première nécessité : marché des fruits et légumes, du poisson, de la viande rouge et blanche et à travers les importations le textile et le cuir. Il suffit de visiter les grandes places financières informelles du pays, de l’Est à l’Ouest , du centre au Sud pour constater que l’on peut lever des millions d’euros.. assistant à des transferts comme un vase communicant. Ces montants proviennent de trois circuits: premièrement : le transfert des retraités l’étranger mais en nette diminution; deuxièmement des touristes ; troisièmement le montant le plus important provenant des surfacturations à travers les importations de biens et services (1200 milliards de dollars entre 2020/2023 et 10% donne 120 milliards de dollars) rapatriant entre 10 à 20% alimentant cette sphère, trouvant en face des acheteurs du fait du montant important en dinars au niveau de la sphère informelle. Par ailleurs, que l’on visite en Algérie toutes les wilayas, faisons un inventaire des actifs et rapportons cette valeur à celle que donnent les statistiques officielles, et nous aurons mesuré l’importance de ces immobilisations en dehors du Droit et que le produit national ne décode pas. Cela a des incidences sur la structuration spatiale des villes qui se créent partout et dans tous les lieux et ne pouvant pas planifier des besoins en eau, électricité (souvent avec des raccordements anarchiques) et sans réseaux d’assainissement. Cette situation est le reflet de la structuration sociale complexe où cette sphère dite « illégale » n’est pas relativement autonome vis-à-vis des sphères bureaucratiques locales et centrales. Or lorsque le droit ne fonctionne pas, rien d’autre ne fonctionne avec les risques d’autoritarisme et d’abus qui pénalisent surtout les couches les plus défavorisées. Le droit de la propriété est essentiel et l’intégration de la sphère informelle est cruciale si on veut créer une économie de marché véritable basée sur la production de richesses et l’Etat de droit, renvoyant à l’efficacité des institutions démocratiques au sein des relations Etat/marché, tant pour un développement fiable local qu’une nouvelle régulation. En fait, l’objectif stratégique est de redonner confiance à la population algérienne en instaurant un Etat de droit, base du retour à la confiance et donc de s’attaquer à la bureaucratisation néfaste qui est le frein numéro du développement en Algérie donc à l’ éco-systemle . Le bureau comme l’a montré le grand sociologue Max Weber est nécessaire dans toute économie mais il doit être au service de la société étant nécessaire au fonctionnement de toute économie mais non fonctionner comme pouvoir bureaucratique.. Le pouvoir bureaucratique sclérosant a ainsi trois conséquences nuisibles au développement en ( voir notre contribution en 2008 au quotidien financier français les Echos.fr , le terrorisme bureaucratique, est l’obstacle majeur au frein à l’Etat de droit et à l’investissement productif) : premièrement, une centralisation pour régenter la vie politique, sociale et économique du pays ; deuxièmement, l’élimination de tout pouvoir rival au nom du pouvoir bureaucratique ; troisièmement, le bureaucrate bâtit au nom de l’Etat des plans dont l’efficacité se révèle bien faible, le but étant de donner l’illusion d’un gouvernement même si l’administration fonctionne à vide, en fait de gouverner une population infime en ignorant la société majoritaire
En conclusion, la lutte contre la sphère informelle source de la corruption renvoie à la question de l’Etat de droit et à la transparence dans les décisions. Le dépassement de l’entropie implique la refonte de l’Etat, liée à la moralisation des personnes chargées de gérer la Cité.