Le président de la République, lors du Conseil des ministres en date du 1er octobre 2023, a alerté sur la hausse des prix devenue intolérable pour le simple citoyen qui menace la cohésion sociale.
J’attire l’attention des pouvoirs publics après enquêtes sur le terrain, loin des bureaux de nos bureaucrates, résultante de la faiblesse de l’offre interne encourageant les actes spéculatifs que l’on ne combat pas par des mesures administratives, mais par des mécanismes de régulation transparents et par l’accroissement de l’offre, des prix exorbitants qui dépassent l’entendement humain, de certains produits : comme les légumes secs, de certains produits agricoles notamment les fruits, d’articles scolaires, des pièces détachées toutes catégories confondues, une hausse entre 100/200% pour les voitures, camions, des inputs pour les équipements de certaines unités, les produits informatiques, de certains médicaments sensibles et pour ce dernier cas, ce n’est pas une vue de l’esprit, ayant été moi-même confronté au même titre que bon nombre d’amis de l’Est , du Centre, du Sud et de l’Ouest, m’obligeant à ramener certaines médicaments de l’étranger. Le métier d’importateur est stratégique (autant que celui de l’exportateur), en plus de l’expérience sur le terrain, enseigné dans les plus grandes écoles de management, devant connaître les mécanismes économiques et financiers internationaux, dont les fluctuations boursières pour certains produits, la stratégie des grandes firmes qui contrôlent souvent les circuits de distribution, et souvent, reposant sur un contrat de confiance entre le fournisseur et le client.
1 – Le taux d’inflation reprenant les données de l’ONS légèrement corrigé selon Statistica International entre 2014 et fin 2022 avec des prévisions pour 2023/2024 est le suivant : 2014-2,92%, 2015 4,78%-2016 6,40%- 2017-5,59% – 2018 -4,27%- 2019- 5,60%- 2020- 6,70%- 2021-8,70% – 2022- 10,20% – 2023- -prévision 12,26%)- 2024 (prévision 14,00%, soi près de 60% entre 2014 et fin 2022. Pour le FMI après correction des données algériennes tenant compte des prix réels sur le marché de de 1970 à fin 2022, la moyenne a été de 8,8% par an et durant cette période le taux d’inflation aurait été de 6969,61% où un bien de consommation qui coûtait 100 DA en 1970, à fin décembre 2022 coûte 7069,01 DA. A titre de comparaison selon les données officielles de la Banque d’Algérie à fin septembre 2022, la croissance de la masse monétaire M2 a été de 10,36%, la croissance de la circulation fiduciaire de 10,18%, celle du crédit à l’économie de 4,17%, le solde du compte capital de 0,681 milliards de dollars, le solde global de 11, 573 milliards de dollars, le solde extérieur de 10,892 milliards de dollars et la croissance du PIB de 2,8% et le taux d‘inflation de 9,3%. Entre 2022 et septembre 2023 le processus inflationniste a atteint un niveau intolérable : plus 100% pour les pièces détachées toutes catégories confondues, parallèlement à une pénurie de nombre de produits et donc ne devant pas avoir une vision statique d’un excédent de de la balance commerciale qui provoquerait une paralysie de l’économie. En plus des factures d’électricité, de l’eau, du loyer, on peut se demander comment un ménage entre 30.000/50.000 DA, peut-il survivre, s’il vit seul, en dehors de la cellule familiale, qui, par le passé, grâce au revenu familial, servait de tampon social ? Mais attention à la vision populiste : doubler les salaires sans contreparties productives entraînera une dérive inflationniste, un taux supérieur à 20% qui pénaliserait les couches les plus défavorisées, l‘inflation jouant comme distributeur au profit des revenus spéculatifs. Le décret présidentiel n° 21-137 fixe le salaire national minimum garanti à 20.000 DA mensuel depuis le 1er juin 2021, (soit au cours du marché parallèle 85 euros), mais qui a une signification limitée car il faudrait pour avoir le salaire réel, introduire le montant des subventions et des transferts sociaux : exemple avoir un logement social de 3 millions de dinars alors que le prix sur le marché est de 7/8 millions de dinars constituant une rente pour les bénéficiaires, expliquant les corruptions. Afin de préserver le caractère social de l’Etat, tant qu’il y a la rente, le cours élevé des hydrocarbures permettant un excédent de la balance des paiements qui devrait enregistrer un excédent de 7,1 milliards de dollars (3,4 % du PIB), principalement grâce à une balance commerciale excédentaire de 1,9 milliard de dollars, qui devrait passer de 9,4 mds de dollars dans les prévisions de la LF 2023 à 11,3 mds de dollars dans la loi rectificative, pour l’année 2023, il a été prévu une augmentation de 4.470 DA, touchant 2,8 millions de fonctionnaires et contractuels, l’incidence financière étant de de 340 milliards de dinars, le ministre des Finances ayant donné la masse salariale globale qu’il a estimée à 4.629 milliards de dinars représentant 47,39% du budget de fonctionnement. Par ailleurs, il y a eu l’exonération de l’IRG (Impôt sur le revenu global) de tous les salaires de moins de 30.000 DA ayant bénéficié selon l’APS à 6,5 millions de citoyens. Toujours pour assurer la cohésion sociale, le gouvernement a consacré 5000 milliards de dinars aux transferts sociaux soit au cours de 137 DA un dollar, 36,49 milliards de dollars, mais des subventions non ciblées injustes, celui qui perçoit 200.000 DA par mois bénéficiant au même titre que celui qui perçoit 20.000/30.000 DA. Mais cela ne peut être que transitoire car du fait des tensions budgétaires, s’impose la relance économique pour 2024/2025/2030 conditionnée par la lutte contre le terrorisme bureaucratique qui étouffe les énergies créatrices, l’instabilité juridique et la vision purement monétariste, afin de préserver les réserves de change sans vision stratégique.
2 – Le monopole qu’il soit public ou privé étant source de surcoûts et de gaspillage, l’objectif stratégique étant un environnement concurrentiel encadré par l’Etat régulateur, pour éviter l’anarchie du tout marché qui n’existe nulle part d’ailleurs, je recense six facteurs interdépendants qui expliquent le processus inflationniste. La première raison est l’inflation importée, puisque 85% des besoins des ménages et des entreprises publiques et privées dont le taux d’intégration ne dépasse pas 15%, proviennent de l’extérieur. La sécurité alimentaire mondiale est posée car outre les effets du réchauffement climatique via la pénurie d’eau douce, les prix des produits agricoles connaissent un prix élevé surtout depuis la crise en Ukraine. La deuxième raison est la faiblesse du taux de croissance interne, résultant de la faiblesse de la production et de la productivité. L’Algérie, selon le rapport de l’OCDE, dépense deux fois plus pour avoir deux fois moins d’impacts, en référence aux pays similaires, renvoyant à la mauvaise allocation des ressources. Le prix de référence du pétrole, dans loi de finances 2023 situé entre 60 et 70 dollars le baril (prix fiscal et prix du marché) étant un artifice comptable, pour son équilibre budgétaire selon le FMI et en référence à la loi de finances 2023, l’Algérie a besoin d’un baril de pétrole à près de 149,2 dollars, dans son rapport d’octobre 2022 contre 135 dollars pour l’exercice 2020/2021 et 100/109 pour l’exercice 2019/2020. Qu’en sera-t-il avec la loi de finances 2024 où le projet de loi de finances rectificative 2023 prévoit une augmentation globale des dépenses publiques de 6,7 % par rapport à ce qui était initialement prévu dans la loi de finances 2023, portant le total à 14.706,8 milliards de dinars (107 milliards de dollars). L’équilibre budgétaire dépendra avant tout des recettes de Sonatrach, le projet de loi s’appuyant sur les nouvelles projections de Sonatrach pour la période 2023-2027, la révision à la hausse de la fiscalité pétrolière, qui devrait rapporter 3.856,3 milliards de dinars, contre 3.289,5 milliards précédemment prévus dans la loi de finances 2023. Rappelons que les recettes des hydrocarbures ont été de 60 milliards de dollars en 2022 pour un cours moyen de 106 dollars le baril et 16 dollars le MBTU pour le gaz, avec une moyenne de 80 dollars pour l’année 2023 et 11/12 dollars le MBTU les recettes devraient se situer entre 45/50 milliards de dollars, pour le profit net devant retirer les coûts et part des associés. Selon le Premier ministère, l’assainissement des entreprises publiques ont coûté au Trésor public, environ 250 milliards de dollars, durant les trente dernières années à fin 2020, dont plus de 90% sont revenues à la case de départ et plus de 65 milliards de dollars de réévaluation, les dix dernières années à fin 2020, faute de maîtrise de la gestion des projets. Malgré des dépenses en devises importantes entre 2000/2020 (sans compter les dépenses en dinars), la croissance a été dérisoire, en moyenne annuelle, de 2/3%, alors qu’elle aurait dû dépasser 9/10% alors qu’il faut pour l’Algérie un taux de croissance de 8/9% par an sur plusieurs années pour pouvoir absorber le flux additionnel d’emplois d’environ 350 000/400 000/an qui s’ajoute au taux de chômage actuel qui paradoxalement frappe les diplômés, estimé en 2022 par le FMI à plus de 14%, le taux d’emploi incluant les emplois rente improductifs. La troisième raison est la dépréciation officielle du dinar. Le cours officiel est passée (cours achat) en 1970, à 4,94 dinars un dollar, en 1980 à 5,03 dinars un dollar ; – 2001 : 77,26 dinars un dollar et 69,20 dinars un euro– 2020 : 128,31 dinars un dollar ; en 2022 140, 24 pour un euro et 139,30 dinars pour un dollar. La cotation du dinar officiel connaît une dépréciation à compter les 1er/2 octobre 2023 où l’euro s’échange à 154,5 DA contre 149 DA la dernière semaine d’août 2023 et le dollar est coté 137,16 DA. Sur le marché parallèle l’euro s’échange le 02 octobre 2023 à 228,5 DA à l’achat et 230,5 DA et le dollar américain s’échange à 210,4 DA à l’achat 210,5 DA à la vente, l’écart en référence à l’euro étant de 49%. Cette dépréciation officielle du dinar permet d’augmenter artificiellement la fiscalité des hydrocarbures (reconversion des exportations d’hydrocarbures en dinars) et la fiscalité ordinaire (via les importations tant en dollars qu’en euros convertis en dinar dévalué), cette dernière accentuant l’inflation des produits importés (équipements), matières premières, biens , montant accentué par la taxe douanière s’appliquant à la valeur du dinar, supportée, en fin de parcours, par le consommateur comme un impôt indirect, l’entreprise ne pouvant supporter ces mesures que si elle améliore sa productivité. L’accroissement des effets inflationniste, outre l’inflation importée est la non-proportionnalité entre la dépense publique et le faible impact, le taux de croissance. La quatrième raison, est l’accroissement de la population algérienne avec des besoins croissants qui a évoluée ainsi :1960 11,27, – 1970 14,69, -1980 19,47, -1990 26,24, -2010 à 37,06, au 1er janvier 2023 plus de 45 millions et d’ici à 2030 serait de 51,026 millions d’habitants. (voir étude pour la présidence de la république sous la direction du Pr Abderrahmane Mebtoul pour la révision salariale, pression démographique, inflation et évolution salariale (4 volumes 560 pages 2008. La cinquième raison, est l’importance du marché informel quii contrôle plus de 50% de la superficie économique. Les prix des produits non subventionnées s’alignent sur le cours du dinar sur le marché parallèle amplifiant l’inflation et s’étendant en période de crise, lié à la cotation du dinar sur le marché parallèle avec un écart entre l’officiel et le parallèle en septembre 2022 de près de 57%, une des raisons des surfacturations avec certains étrangers et des transferts illicites hors des frontières des produits subventionnés. Pour la Banque d’Algérie il y a plus de 6200 milliards de dinars de la masse monétaire en circulation hors banques soit au cours de 137 DA un dollar 45,25 milliards de dollars. Le président de la République ayant dénoncé l’effritement du système d’information avait donné un montant variant entre 6000 et 10.000 milliards de dinars. L’anticipation d’une dévaluation rampante du dinar a un effet négatif sur toutes les sphères économiques et sociales, dont le taux d’intérêt des banques qu’elles devraient relever de plusieurs points, s’ajustant aux taux d’inflation réel et freinant, à terme, le taux d’investissement à valeur ajoutée et par la déthésaurisation des ménages qui mettent face à la détérioration de leur pouvoir d’achat, des montants importants sur le marché.Ces derniers alimentent l’inflation, plaçant leur capital-argent dans l’immobilier, des biens durables à forte demande comme les pièces détachées, facilement stockables l’achat d’or ou de devises fortes. (voir étude sous la direction du professeur Abderrahmane Mebtoul- Institut français des relations internationales IFRI Paris, « les enjeux stratégiques de la sphère informelle -2013-reproduite en synthèse réactualisée dans la revue Stratégie IMDEP du ministère de la Défense nationale octobre.
La sixième raison est la fraude fiscale et la corruption à travers les surfacturations qui se répercutent sur le prix final des biens et accroît le processus inflationniste. La directrice générale des Impôts le 04 avril 2023 a fait état de 6.000 milliards de dinars d’impôts non recouvrés soit au cours actuel 44 milliards de dollars. Pour les transferts illicites de capitaux à l’étranger, selon les données du FMI les entrées en devises entre 2000/2021 sont estimées, approximativement, autour de 1100 milliards de dollars avec une importation de biens et services de plus de 1050 milliards de dollars le solde étant les réserves de change au 31/12/2020 et une surfacturions entre 10% et 15% donnerait un transfert illicite de devises entre 100 et 150 milliards de dollars entre 2000/2020 placés dans l’achat de biens, ou de tierces personnes ayant la nationalité étrangère et dans des paradis fiscaux où il est difficile de les récupérer. Attention à l’euphorie foncière de court terme notamment concernant l’ouverture des bureaux de change. L’opérationnalité suppose une démarche progressive cibler les besoins spécifiques, la stabilité juridique et monétaire par la maîtrise du processus inflationniste, la refonte du système financier dont les banques publiques accaparent plus de 85% des crédits octroyés et que si l’écart de la cotation entre l’officiel et le marché parallèle est entre 5/10% minimum, car un écart de plus de 15/20% serait contre productif car dans la pratique des affaires n’existent pas de sentiments, Car imaginons que 20 millions d’Algériens qui ont passeport sur 45 millions percevaient 1000 euros par an (il suffira de 24h de voyage en Tunisie pour permettre ce transfert), le montant de sortie de devises par an serait de 20.000.000.000 euros (20 milliards d’euros soit 20% des réserves de change à fin août 2023).
En conclusion, les deux maladies apparentes du corps social sont l’inflation et le chômage que l’on ne combat par des mesures administratives bureaucratiques, devant s’attaquer à l’essence, le fonctionnement de la société. L’économie comme nous l’ont enseigné les classiques, Ibn Khaldoun, Adam Smith, David Ricardo, Karl Marx Joseph Schumpeter et plus près de nous entre 1950/2023 les institutionnalistes, prix Nobel, dont North Douglass, est avant tout politique. La valeur d’une monnaie dépend avant tout de la production et de la productivité et l’influence en ce XXIe siècle d’une Nation dans les relations internationales repose avant tout sur sa puissance économique, comme c’est le cas de la Chine et de certains pays émergents (voir nos contributions sur la géostratégie mondiale parues dans la revue El-Moudjahid Politis du 24 décembre 2023). Comprendre le processus inflationniste en Algérie implique, à la fois, de le relier à l’inflation mondiale, aux équilibres macro-économiques et macro- sociaux internes, selon une vision pluridisciplinaire dynamique, à la répartition du revenu par couches sociales, l’évolution des salaires et traitements pour déterminer le réel pouvoir d’achat. C’est un problème complexe où chaque gouvernement essaie de concilier l’efficacité économique et la nécessaire cohésion sociale, qui ne touche pas seulement l’Algérie, mais la majorité des pays comme en témoignent les nombreuses revendications salariales à travers le monde. Mais existe une loi économique universelle, une Nation ne peut distribuer plus que ce qu’elle produit quitte à aller vers une dérive sociale et politique.
A. M.