Le groupe Sonatrach a signé le 23 mai 2024 à Alger, un Protocole d’Accord ( qui n’est pas un contrat définitif ) avec la compagnie américaine Exxon Mobil une des plus grandes compagnies mondiales, un chiffre d’affaires 147 milliards de dollars en 2020, de près de 382 milliards d’euros en 2022 , de 310 milliards de dollars en 2023 , représentant entre 2022/2023 75 e t62% du PIB de tous les pays du grand Maghreb réunis avoisinant 500 milliards de dollars, avec un bénéfice net de 36 milliards de dollars en 2023 contre 23 milliards de dollars en 2021,(source site zonebourse).
Ce protocole d’accord porte sur le développement en partenariat des ressources en hydrocarbures en Algérie, qui devrait permettre d’étudier les opportunités existantes en vue de développer les ressources en hydrocarbures dans le bassin de l’Ahnet et le bassin de Gourara, en mettant l’accent sur l’excellence opérationnelle, l’innovation technologique, le respect de l’environnement et les meilleures pratiques de durabilité Selon certaines sources Exxon Mobil miserait sur pour le développement du gaz de schiste en Algérie ce qui renvoie au dossier que j’ai eu l’honneur de diriger entre 2014/2015 ( étude réalisée sous la direction du professeur Abderrahmane Mebtoul assisté des cadres du Ministère de l’Energie , de Sonatrach et de 15 experts internationaux indépendants: « le développement du gaz de schiste opportunités et risques doit s’insérer dans le cadre du Mix énergétique »- 8 volumes 980 pages 2015 Premier Ministère). Pour l’Algérie, il s‘agit d’être ni contre ni pour, sans analyses objectives , les USA étant devenu en le premier producteur mondial avant la Russie et l’Arabie Saoudite grâce à cette ressource
1-. L’option du gaz de schiste a été introduite dans la nouvelle loi des hydrocarbures mais avec des garde-fous. Le problème stratégique de l’Algérie est d’éviter les débats stériles. Cette option est une opportunité face à l’épuisement des réserves -l’énergie étant au cœur de la sécurité nationale- mais doit passer par l’évaluation des risques et la formation, ce qui renvoie globalement à la gouvernance. Concernant ce dossier, l’Agence américaine sur l’Énergie a estimé que le monde aurait environ 207 billions de mètres cubes répartis comme suit : la Chine 32, l’Argentine 23, l’Algérie 20, les USA 19, le Canada 16, le Mexique 15, l’Australie 12, l’Afrique du Sud 11, la Russie 8 et le Brésil 7 billions de mètres cubes. Les gisements de gaz de schiste en Algérie sont situés essentiellement dans les bassins de Mouydir, Ahnet, Berkine-Ghadames, Timimoun, Reggane et Tindouf. Devant éviter de faux débats, le dossier élaboré sous ma direction, de l’avis de la majorité des experts, l’énergie étant au cœur de la sécurité nationale, c’est une opportunité pour l’Algérie, sous réserve de la protection de l’environnement et des nappes phréatiques d’eau du Sud et d’un dialogue social avec les populations des régions concernées Au préalable je voudrais dénoncer certains propos d’anti nationalistes que -certains voudraient faire porter aux populations du Sud. Ayant vécu durant les années 1972/1973 en tant qu’officier d’administration pour la route de l’unité africaine à El Goléa et In Salah, je peux affirmer que les populations du Sud tiennent à l’unité nationale et qu’il faut savoir uniquement dialoguer avec ces populations paisibles . La majorité des experts, ont mis en relief que ce dossier sensible nécessite une formation pointue, une bonne communication en direction de la société. Pour éviter de perturber la gestion de Sonatrach, société commerciale stratégique, où il a été préconisé que ses dirigeants évitent de s’exposer aux débats, devant laisser au ministre, seul habilité politiquement, à exposer ses arguments et aux experts de l’énergie et non aux généralistes qui ne connaissent pas ce dossier complexe et en associant la société civile… Les experts ont tenu à rappeler que le problème central est de définir le futur modèle de consommation énergétique allant vers un mix énergétique; ne devant pas privilégier une énergie aux dépens d’autres.
2- Neuf précisions sur le gaz de schiste s’imposent Premièrement la fracturation est obtenue par l’injection d’eau à haute pression (environ 300 bars à 2500/3000 mètres) contenant des additifs afin de rendre plus efficace la fracturation dont du sable de granulométrie adaptée, des biocides, des lubrifiants et des détergents afin d’augmenter la désorption du gaz. Deuxièmement, la rentabilité du gaz de schiste implique de la comparer à la structure des prix actuels au niveau international, prix très volatil ayant fluctué entre janvier et février 2024 entre 28 et 50 dollars le mégawattheure expliquant pour l’instant la préférence des contrats à moyen et long terme, ne pouvant pas parler d’un marché de gaz comme celui du pétrole,(marché segmenté géographiquement) les canalisations représentant en 2023 environ 65% de la commercialisation, mondiale, le GNL donnant plus d’autonomie dont le prix est supérieur de 2 à 3 dollars supérieur au GN allant vers 50% horizon 2030- Troisièmement, il le gaz de schiste est concurrencé par d’autres énergies substituables et que les normes internationales donnent un coefficient de récupération moyen de 15/20% et exceptionnellement 30%, pouvant découvrir des milliers de gisements mais non rentables financièrement, les réserves se calculent selon le couple prix international des énergies et coût- Quatrièmement, il faut perforer des centaines de puits pour avoir 1 à 2 milliards de mètres cubes gazeux par an, plus de 1000 puits pour dépasser plusieurs dizaines de milliards de mètres cubes gazeux, chaque puits ayant un volume de production spécifique – Cinquièmement, la durée de vie d’un puits ne dépasse pas cinq années, devant se déplacer vers d’autres sites assistant à un perforage sur un espace déterminé comme un morceau de gruyère. Sixièmement, pour s’aligner sur le prix de cession actuel, devant tenir compte de la profondeur pour la technique traditionnelle de la fracturation hydraulique , le coût n’est pas le même pour 600 mètres ou 2000/3000 mètres supposant le bétonnage Septièmement, l’exploitation de ce gaz, pour la fracturation hydraulique implique de prendre en compte la forte consommation d’eau douce, et en cas d’eau saumâtre, il faut des unités de dessalement extrêmement coûteuses, autant que les techniques de recyclage de l’eau- Huitièmement, il s’agit de prévoir les effets nocifs sur l’environnement, (émission de gaz à effet de serre), la fracturation des roches pouvant conduire à un déséquilibre spatial et écologique. Et en cas de non maîtrise technologique, elle peut infecter les nappes phréatiques au Sud, l’eau devenant impropre à la consommation avec des risques de maladies comme le cancer- Neuvièmement, peu de pays excepté les USA, maîtrisent, cette technologie et donc un co-partenariat incluant des clauses restrictives avec d’importantes pénalités en cas de non-respect de l’environnement et la formation des Algériens pour tout opérateur étranger.
3- Afin d’éviter les effets négatifs de la fracturation hydraulique, l’Algérie doit selon l’étude menée sous ma direction, négocier l’amélioration de la technique de la fracturation hydraulique et d’autres techniques maîtrisées seulement par les USA qui pourraient protéger l’environnement, économiser l’eau et les produits chimiques Aujourd’hui, pour récupérer le gaz de schiste, la technique utilisée est la fracturation hydraulique, consistant à injecter un fluide consistant d’environ 90% d’eau, 8 à 9,5% de « proppants » (sable ou billes de céramique) et 0,5 à 2% d’additifs chimiques – sous très haute pression. Au niveau tant de la communauté scientifique que des opérateurs, l’objectif premier est d’améliorer la fracturation hydraulique. Les recherches s’orientant sur la réduction de la consommation d’eau, le traitement des eaux de surface, l’empreinte au sol, ainsi que la gestion des risques sismiques induits. Concernant le problème de l’eau qui constitue l’enjeu géostratégique fondamental du XXIème siècle (l’or bleu), selon les experts, trois types de fluides peuvent être utilisés à la place de l’eau : le gaz de pétrole liquéfié (GPL), essentiellement du propane, les mousses (foams) d’azote (N2) ou de dioxyde de carbone (CO2) et l’azote ou le dioxyde de carbone liquides. L’utilisation des gaz liquides permet de se passer complètement ou en grande partie d’eau et d’additifs. Pour les mousses, par exemple la réduction est de 80 % du volume d’eau nécessaire étant gélifiées à l’aide de dérivés de la gomme de Guar. Ainsi sans être exhaustif, du fait de larges mouvements écologiques à travers le monde, des alternatives à la fracturation hydraulique sont encore à un stade expérimental et demandent à être plus largement testées, l’objectif étant de minimiser l’impact environnemental de la fracturation hydraulique tant pour les volumes traités que pour la qualité des eaux et de diminuer significativement la consommation d’eau et/ou d’augmenter la production de gaz. La fracturation au gel de propane est en cours d’utilisation sur environ 400 puits au Canada et aux États-Unis (plus de 1.000 fracturations déjà effectuées). L’eau pourrait aussi être remplacée par du propane pur (non-inflammable), ce qui permettrait d’éliminer l’utilisation de produits chimiques. Les premiers puits utilisant cette méthode ont été fracturés avec succès en décembre 2012 aux États-Unis. Nous avons la fracturation exothermique non-hydraulique (ou fracturation sèche) qui injecte de l’hélium liquide, des oxydes de métaux et des pierres ponce dans le puits, la fracturation à gaz pur peu nocive pour l’environnement surtout utilisée dans des formations de roche qui sont sensibles à l’eau à maximum 1500 m de profondeur ; la fracturation pneumatique qui injecte de l’air comprimé dans la roche-mère pour la désintégrer par ondes de chocs, n’utilisant pas d’eau, remplacée par l’air mais utilisant certains produits chimiques en nombre restreints ; enfin la stimulation par arc électrique (ou la fracturation hydroélectrique) qui libère le gaz en provoquant des microfissures dans la roche par ondes acoustiques, utilisant selon les experts pas ou très peu d’ eau, ni proppants ou produits chimiques, mais nécessitant beaucoup d’électricité. Selon certains experts, à l’horizon entre 2027/2030 2030/2040, l’hydrogène vert, bleu et blanc souvent oublié est une piste sérieuse enrichissant le « mix » ou le bouquet énergétique mondial, pour le transport et le stockage des énergies intermittentes et pourrait aussi permettre de produire directement de l’énergie tout en protégeant l’environnement. L’hydrogène en brûlant dans l’air n’émettant aucun polluant et ne produisant que de l’eau. Des études internationales à partir de tests expérimentaux montre qu’un (1) kg d’hydrogène libère environ trois fois plus d’énergie qu’un (1) kg d’essence, mais que pour produire autant d’énergie qu’un litre d’essence, il faut 4,6 litres d’hydrogène comprimé à 700 bars (700 fois la pression atmosphérique). Cette étude rappelle également qu’il suffit d’un kilo de d’hydrogène (H2), stocké sous pression, (représentant un coût d’environ huit euros) pour effectuer une centaine de kilomètres dans un véhicule équipé d’une pile à combustible. A terme, avec le développement conjoint des véhicules à hydrogène et des piles à combustible destinées aux bâtiments et logements, on peut tout à fait imaginer le développement d’un réseau de production et de distribution transversale et décentralisée d’énergie. Dans ce schéma, organisé à partir de réseaux intelligents « en grille », les immeubles de bureaux et les habitations produisaient ou stockaient leur chaleur et leur électricité sous forme d’hydrogène et pourraient également alimenter en partie le parc grandissant de véhicules à hydrogène. Mais ce concept fonctionnerait également dans l’autre sens et les voitures à hydrogène, lorsqu’elles ne seraient pas en circulation, deviendraient autant de microcentrales de production d’énergie qui pourraient à leur tour contribuer à l’alimentation électrique des bâtiments et logements.
En résumé, il faut éviter des débats stériles sur un sujet très sensible en clarifiant le rôle des institutions et seul le conseil national de l’Energie sous la haute autorité du président de la république est habilité à tracer la politique énergétique future du pays. L’objectif stratégique du développement du gaz de schiste est de l’insérer dans le cadre de la transition énergétique reposant sur un mix énergétique , développement des hydrocarbures traditionnels, efficacité énergétique pour des économies d‘énergie , développement des énergies renouvelables dont le solaire (3000 heures en Algérie) et l’hydrogène , pouvant être une opportunité mais devant évaluer les risques. Mais attention devant éviter toute utopie : le développement de l‘Algérie doit reposer non sur une rente éphémère, dont le prix échappe aux décisions internes, mais sur une économie diversifiée compétitive, s’adaptant aux nouvelles mutations technologiques mondiales, devant reposer sur une bonne gouvernance et la valorisation du savoir .
A.M