La situation au Niger et l’instabilité régionale: 956 Km de frontière à surveiller comme le lait sur feu

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D’une manière générale nous vivons  dans un monde déséquilibré où opulence   cotie la misère au niveau mondial et au sein des Nations,  le fossé entre les riches et les pauvres se creusant  davantage où   l’écart des revenus renforce les inégalités dans , l’éducation, la santé  avec des conséquences pernicieuses du chômage.

En ce mois d’août  2023 étant à l’orée d’une période d’incertitude croissante, aux racines ancrées dans la polarisation des sociétés, avec l’ampleur de la récession mondiale et des gouvernances mitigées, nous assistons à des cicatrices profondes, spécialement parmi la jeunesse totalement désorientée surtout en Afrique.   Cette  contribution est un rappel depuis plusieurs décennies  de six (06) de mes  interventions : la  première à l’invitation   des fondations –Bill Gates- Rockefeller  New York USA   en novembre 2012  USA/Maghreb-Afrique,  la seconde  à Malte à l’invitation de la commission européenne avril 2014 sur les enjeux géostratégiques en Méditerranée,    la troisième  en mars 2015 au sénat français à l’invitation de Jean Pierre Chevènement sur les relations Maghreb Europe,   la quatrième   de l’association internationale africaine ARGA en mai 2015 sur les enjeux du développement  de l’Afrique ,  la cinquième à l’invitation de l’Institut militaire de documentation et de prospective Ministère de la défense nationale – IMDEP Algérie en octobre 2019  sur les enjeux au Sahel et le trafic aux frontières et la   sixième à l’invitation simultanément à l’école Supérieur de Guerre  ESG/MDN  et au siège de l’ambassade de l’Union européenne à Alger en 2021 où étaient présents  la majorité des ambassades étrangers  accrédités à Alger sur les enjeux énergétiques mondiaux .

1.- Le Niger s’étend  sur 1.267.000 km2, ayant une position géographique stratégique  partageant  ses frontières avec sept pays à savoir l’Algérie 956 km, le Bénin 266 km, le Burkina Faso 628 km, la Libye 354 km, le Mali 821 km, le Nigeria 1497 et le Tchad 1175 soit au total 5697 km .L’instabilité du Niger risque d’avoir une répercussion sur toute la stabilité régionale notamment sur le Nigeria qui partage la plus longue frontière  confronté à la lutte contre les djihadistes , ayant  une position stratégique au Sahel étant un carrefour d’échanges entre l’Afrique du Nord  et l’Afrique du Sud au Sahara.   Face à la  situation au Niger,   le sommet de la Cédéao  qui a gelé toute coopération économique  bien que privilégiant le dialogue, avant toute intervention militaire  a donné un ultimatum d’une semaine aux putschistes nigériens pour rétablir à son poste le président Mohamed Bazoum,  encore que cela ne fait pas l’unanimité  du fait de relations complexes  tribales entre une fraction de militaires  du Niger et certains pays de la Cédéao. Aussi la situation est complexe et toute intervention militaire, en plus des révoltes des populations locales qui y verraient une atteinte à la souveraineté nationale  pourrait conduire à une escalade incontrôlée dans l’ensemble de la région. Dans un communiqué commun  le Burkina Faso , le Mali, rejoints par la Guinée ont affirmé qu’une intervention militaire au Niger , serait considérée comme une déclaration de guerre à leurs  pays. Dans ce contexte, selon la Sous-Secrétaire général adjointe de l’ONU aux affaires humanitaires, 2,9 millions de personnes ont  besoin d’aide humanitaire en 2020,  une augmentation de 26% par rapport à 2019., la situation sociale restant  précaire avec un taux de pauvreté extrême d’environ 42 % en 2021, soit plus de 10 millions d’habitants. Entre 1991 et 2021, le budget de la dette du Niger a varié entre 478,0 millions et 5,5 milliards d’euros et en  2021, dernière année évaluée, le montant a été de 5,46 milliards d’euros le plus élevé des 30 dernières années et  rapporté au nombre d’habitants, cela correspond au Niger à un endettement de 216 euros par personne.  En réaction, la France principal pourvoyeur de fonds a décidé de suspendre son aide au développement et pour le   chef de la diplomatie de l’Union Européenne et la Banque mondiale  toutes les actions de coopération sont suspendues, le Nigeria en plus ayant coupé les exportations énergétiques ,  ce qui risque d’accroître les tensions sociales et un sentiment anti-occidental de la population. Paradoxe, le Niger recèle d’importantes richesses.. Les quatre principales provinces métallogéniques sont : AIR (or, étain, coltan, le cuivre, le vanadium, le titane et les pierres précieuses, l’uranium), Liptako (Or, argent, le platine, le nickel, le lithium, le plomb, le zinc, le cuivre, le molybdène, le manganèse, le vanadium, chrome), Sud Maradi et Damagaram- Monio (or, argent, cuivre, plomb, zinc) et les bassins de lllumenden (uranium, charbon, le gypse, le calcaire, le sel, les phosphates, fer, cuivre, argent).Or,  c’est un des pays  avec  10 autres  les plus pauvres du monde. avec un produit intérieure brut PIB  de 14,91 milliards de dollars  en 2021 pour une population de 25,25 millions d’habitants  et selon le rapport du PNUD de 2022, en  2021, le Niger est à la dernière place mondiale  selon l’Indice de développement humain (IDH), le  PIB à parité de pouvoir d’achat (PPA) par habitant étant de 761 de dollars. Cependant l’instabilité  du Niger est à replacer dans le contexte géostratégique turbulent  de la région. . Dans une note du Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest de l’OCDE , il est mis en relief que l’arc sahélien, sans compter le reste du continent, est riche en ressources, sel, or, pétrole, gaz, fer, phosphate, cuivre, étain et uranium autant de richesses nourrissant les convoitises de puissances. Ce qui explique les sommets réguliers, USA/Afrique, Chine/ Afrique, Europe/Afrique, Japon/Afrique Turquie/Afrique. La situation actuelle au Niger risque d’accroitre les tensions régionales. Car,  les   relations entre les deux rives du Sahara et les dynamiques de la conflictualité saharienne actuelle interpellent la communauté internationale qui doit être attentive aux tensions en Afrique subsaharienne qui connaît une misère inégalée où seulement en trois ans, 2020/2022, le nombre de personnes qui se rapprochent de la famine est passé de 3,6 millions à 10,5 millions dans cinq pays – le Burkina Faso, le Tchad, le Mali, la Mauritanie et le Niger avec un flux migratoire selon le PAM de 400%. Nous avons assisté dans la région à de profondes mutations de la géopolitique saharienne après l’effondrement du régime libyen avec des conséquences pour la région. De plus en plus nombreux, des migrants subsahariens s’installent désormais dans les pays du Maghreb avec l’intensification de la contrebande. Bien avant et surtout depuis la chute du régime de Kadhafi, le Sahel est l’un de ces espaces échappant à toute autorité centrale, où se sont installés groupes armés et contrebandiers. Kadhafi disparu, des centaines de milliers d’armes, dont 15 000 missiles sol-air qui étaient dans les entrepôts de l’armée libyenne, ont équipé les rebelles au fur et à mesure de leur avancée et dont une partie a été accaparée par différents groupes qui opèrent au Sahel

2.-Pourtant l’Afrique possède d’importantes potentialités et il faut éviter le tout sinistrose sur son avenir  . Selon les prévisions de la Banque mondiale, le PIB de l’Afrique devrait passer de 2980 milliards de dollars en 2022 à 4288 en 2027 soit une hausse de 43,89%, ces projections de croissance du FMI pour l’Afrique dépendent d’une série d’hypothèses qui peuvent se réaliser ou pas , bonne gouvernance dont la lutte contre la corruption, réformes, sous intégrations régionales, et stabilité politique. C’est une croissance modeste car le commerce mondial a augmenté de 25% en rythme annuel en 2021 pour atteindre un record de 28.500 milliards de dollars et même si les exportations africaines de biens et services ont enregistré une croissance particulièrement rapide au cours des dix dernières années, elles représentent à peine 3 % du commerce mondial, loin de ses importantes potentialités, l’Afrique étant caractérisée par la faiblesse de son intégration qui est de l’ordre de 11/12 % alors que le flux des échanges entre pays européens est de plus de 60 %. Il est utopique pour l’instant de parler d’intégration de tout le continent Afrique, mais de sous intégrations régionales, l’important étant de dynamiser la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf afin de stimuler la croissance, de réduire la pauvreté et d’élargir l’inclusion économique dans les pays concernés. La mise en œuvre de la zone de libre échange permettrait selon un rapport de l’OUA de sortir 30 millions d’Africains de l’extrême pauvreté, d’augmenter les revenus de près de 68 millions d’autres personnes qui vivent avec moins de 5,50 dollars par jour et d’augmenter les revenus de l’Afrique de 450 milliards de dollars d’ici à 2035.Et c’est dans ce cadre que rentre les rivalités entre grandes puissances Usa, Chine, Europe, certains pays émergents. Pour la Russie les échanges économiques sont marginaux  environ 14 milliards de dollars moins de 2% des échanges globaux de l’Afrique,  concernant surtout l’aspect militaire. Les échanges entre les USA et l’Afrique sont passés de 142 milliards de dollars en 2008 à seulement 64 en 2021, et selon les données récentes entendant tripler ce montant . La Chine représente ,72% du PIB des BRICS  et 18/20% du PIB mondial  bouleversant les relations économiques internationales et distance largement les USA  qui selon l’agence chinoise des douanes ont augmenté de 35,3% au cours de l’année 2021, atteignant un montant record de 254,3 milliards de dollars, en n’oubliant pas les échanges avec le monde arabe en 2021 de 330 milliards de dollars, extrapolé entre 2023/205 à 500 milliards de dollars. Des pays font une percée en Afrique comme la Turquie où le volume des échanges devrait atteindre 45 milliards de dollars en 2022. L’Europe reste le premier partenaire de l’Afrique, la valeur des échanges entre  2020/2021, selon la commission européenne  en 2021 a atteint  288 milliards d’euros, contre une valeur de 225 milliards d’euros en 2020, le  déficit commercial en faveur de l’UE ayant  diminué, passant de 24 milliards d’euros en 2020 à 4 milliards d’euros en 2021.

3.-. . Privilégiant en premier lieu ses intérêts stratégiques propres, l’Afrique dont un sentiment anti-occidental se développe particulièrement au niveau de la jeunesse, à la fois pour des raisons historiques ( colonisation), d’un non  changement du logiciel dans les relations internationales  voulant imposer son modèle ignorant la riche anthropologie de l’Afrique,  et  de l’accroissement du chômage  qui touche même les  diplômés  favorisant l’exode de cerveaux, ce qui ne doit pas  écarter la   responsabilité des dirigeants africains  qui doivent améliorer leur gouvernance ( lutte contre la corruption) se doit d’agir en fonction  à partir d’une volonté avérée de contribuer à la promotion de la sécurité et de la stabilité dans la région, car sans sécurité , point de développement. Entre la lointaine et très présente Amérique et la proche et bien lointaine Europe, avec la percée de la Chine, de la Russie, ce dernier surtout dans le domaine militaire,  et accessoirement bon nombre de pays émergents ;   entre une stratégie globale et hégémonique, qui possède tous les moyens de sa mise en œuvre et de sa projection et une stratégie à vocation globale qui se construit laborieusement et peine à s’autonomiser et à se projeter dans son environnement géopolitique immédiat, quelle attitude adopter et quels choix faire pour l’Afrique ? Sollicitée, l’Afrique  qui a adopté une position de neutralité dans les conflits, privilégiant le dialogue productif, s’interroge légitimement sur le rôle, la place ou l’intérêt que telle option ou que tel cadre lui réserve ou lui offre, qu’il s’agisse du Dialogue méditerranéen de l’Otan, du partenariat euro-méditerranéen, des traités stratégiques de certains pays  qui la lient à la Russie et à la Chine où les nouveaux défis dépassent en importance et en ampleur les défis qu’elle a eu à relever jusqu’à présent.. L’Afrique doit  défendre avant tout ses intérêts propres  et pour consolider sa position au niveau régional, le grand défi de l’Afrique sera  entre  2023/2030 son développement économique. la relance économique pour atténuer les tensions sociales. . Le constat dans bon nombre de pays d’Afrique, existent des Afriques et non une  Afrique, est que le fossé entre les riches et les pauvres se creuse davantage, tandis que l’écart des revenus renforce les inégalités en matière de richesse, l’éducation, la santé et la mobilité sociale sont menacées avec des conséquences pernicieuses du chômage. En ce mois d’août  2023 étant à l’orée d’une période d’incertitude croissante, aux racines ancrées dans la polarisation des sociétés, avec l’ampleur de la récession mondiale et des gouvernances mitigées, nous assistons à des cicatrices profondes, spécialement parmi la jeunesse totalement désorientée surtout en Afrique.  D’une manière générale, l’on devra différencier tactiques  à court terme et stratégie à moyen et long terme et les  défis collectifs nouveaux sont une autre source de menace :  ils  ont pour noms terrorisme, prolifération des armes de destruction massive, cybers attaques et maitrise des technologies, développement des drones sur le plan miliaire,  crises régionales et délitement de certains Etats ,  les ressources hydriques, la pauvreté, les épidémies, l’environnement. Ils sont d’ordre régional et global.

En conclusion, qu’en est-il pour  qui l’Algérie ,reconnue par la majorité de la communauté internationale  pays pivot  de la stabilité de la  région méditerranéenne et africaine , qui a mis  en garde, tout en respectant la légalité internationale,  contre les  effets négatifs  d’une intervention militaire. Car  l’Algérie partage  des frontières avec des pays instables  où sa la sécurité  est posée  dont  la Libye 982 km, le Mali 1329, la Mauritanie, 461,   le Maroc 1739, le Niger 961, la Tunisie   1010  et  le Sahara occidental 39 km  (dossier au niveau de l’ONU pour sa résolution), soit un total de 6511 km (source Wikipédia),  étant souhaitable à l’avenir une mutualisation des dépenses et une large coopération internationale  car cette insécurité menace également l’Europe. D’une manière générale, face  à un monde en crise en perpétuel mouvement, les tensions géostratégiques actuelles  préfigurant un profond  bouleversement mondial,  avec le danger du réchauffement climatique qui menace l’humanité, impose à  l’Afrique, une gouvernance rénovée  tant en matière de politique étrangère, économique que sécuritaire, le terrorisme étant une menace planétaire afin d’agir sur les événements majeurs et faire du Bassin méditerranéen et de l’Afrique un lac de paix et de prospérité partagée. En bref, le continent Afrique qui recèle d’importantes richesses et  la ressource humaine pivot de tout processus de développement, avec un exode de cerveaux inquiétant, une véritable hémorragie, pour une  population en 2022 ,de 1,4 milliards d’habitants en 2022, soit 18% de la population, mondiale, sera ce que les Africains voudront qu’il soit.

A.M