La journée ordinaire du jeûneur

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Le ramadhan  a ceci de particulier, c’est qu’il a l’art de surprendre les grappes de citoyens qui trainent les guêtres dès le petit matin, déjà harassés par une longue journée qui s’annonce. Les cafés sont fermés et hormis quelques volaillers et marchands de légumes, les rues commerçantes sont toujours d’une désolante tranquillité. Il faudra attendre que le jour s’installe solidement pour voir toutes les venelles d’animer aux cris des marchands vantant leurs marchandises. L’autre particularité du ramadhan, c’est l’horaire dévolu aux courses. On commence toujours par les viandes et volailles, on passe ensuite aux légumes et en ce qui concerne le pain, on préfère l’acheter en milieu de journée pour le garder bien frais. Ensuite le commun des pères de famille s’en rentre piquer une sieste bien méritée avant de ressortir acheter les fruits – en général une bonne pastèque – et quelques douceurs dont l’inévitable quelb-ellouz. En chemin il  prendra une Hamoud Boualem et attendra dans sa  blanche gandoura l’heure de la rupture du jeûne en regardant un feuilleton insipide où, grossièrement déguisés, de mauvais acteurs tentent de faire revivre la période dorée de l’Islam. Cela ne rate pas, les feuilletons religieux et les sketches-chorba se disputent le petit écran et les chaines de télévision parlent même de grilles spéciales en essayant d’attirer le maximum de téléspectateurs. Une guerre à l’audimat qu’on a du mal à comprendre puisqu’à voir les rues se remplir lors des longues soirées, c’est à se demander qui reste à la maison regarder la télé parce que même les enfants sont dehors à s’adonner à leurs jeux. C’est l’heure où la rue s’emplit de blanches et immaculées gandouras qui déambulent sereinement en attendant l’appel à la prière. Alors on n’entend plus que la voix chevrotante du récitant. Et la journée s’étire doucement en attendant demain.