Cela fait 27 ans que Kateb Yacine a rendu son dernier soupir. 27 ans, c’est aussi l’âge qu’il avait quand il avait publié son roman-testament Nedjma comme un hymne au pays oppressé. En 1956, le livre sort en pleine guerre de Libération nationale et il provoquera immédiatement une interminable polémique. Rares sont les intellectuels français qui ont pris le parti du jeune écrivain, tel ce Jean-Paul Sartre qui lui confia les clés de son appartement à Saint-Germain et lui fit table ouverte au restaurant d’en face. Cet écrivain atypique a défrayé la chronique. D’abord, par son immense talent puisque son œuvre majeure Nedjma fait toujours l’objet de savantes thèses universitaires. Ensuite, par la multitude de ses écritures, théâtre dialectal, poésie. Par ses errances à travers le monde, par son parcours lors de l’histoire de son pays, puisqu’il fut emprisonné à 16 ans lors des événements tragiques du 8 Mai 45 à Sétif. Homme du peuple, Kateb Yacine a toujours fui les mondanités et les néons des salons feutrés des consécrations, il préférait ces lieux-dits des hameaux perdus de cet immense pays, Sedrata, Guelma et ailleurs ou, avec ses amis paysans, il faisait d’interminables parties de dominos. Ecrivain à part, Kateb ne laissait personne indifférent et il déclencha de nombreuses polémiques depuis son premier ouvrage Soliloques où, imaginant son propre enterrement, il écrivit «Seul le Coran m’accompagna au cimetière». Cela n’empêcha pas ses nombreux détracteurs parmi les tenants des constantes nationales, de déclarer persona non grata jusqu’à cet imam importé d’Egypte qui le décréta indigne de reposer en terre d’Algérie. L’histoire est depuis passée par là : l’imam est enterré chez lui en Egypte après qu’on eût découvert toutes ses forfaitures et Kateb Yacine a, comme à son habitude, fait un immense pied de nez à l’histoire. Son enterrement a eu lieu un 1er Novembre au cimetière d’El Alia en présence d’une foule compacte. Que pouvait espérer de mieux ce digne fils d’Algérie ?