La CPI a ouvert, ce jeudi, un bureau à Kiev, «le plus grand» en dehors de La Haye, afin de poursuivre les enquêtes sur place pour les différents crimes de guerre dont est accusée la Russie.
«Une étape cruciale». Le procureur général ukrainien Andriy Kostin a salué , ce jeudi, sur X, anciennement Twitter, l’ouverture à Kiev d’un bureau de la Cour pénale internationale (CPI), «le plus grand» en dehors de La Haye. «Aujourd’hui marque une étape cruciale dans notre cheminement vers le rétablissement de la justice», écrit-il. Ce bureau de la CPI doit, notamment permettre de faire avancer les enquêtes sur les crimes de guerre en Ukraine dont sont accusées les autorités russes. L’ouverture de cet avant-poste était actée depuis mars. «Nous sommes très reconnaissants de la coopération, du soutien et de l’assistance que nous avons reçus du gouvernement de l’Ukraine et nous nous réjouissons de renforcer notre coopération à l’avenir», avait alors déclaré le Greffier de la CPI, Peter Lewis. Pour rappel, la CPI est compétente pour mener des enquêtes sur les «crimes les plus graves qui touchent l’ensemble de la communauté internationale : génocide, crimes de guerre, crimes contre l’humanité et crime d’agression». Le cas échéant, elle juge les personnes accusées, les responsables au plus haut niveau de ces actes.
Pourquoi ouvrir un bureau à Kiev ?
Si le siège de la CPI se situe à La Haye (Pays-Bas), il lui est possible de «siéger ailleurs chaque fois que les juges considèrent que c’est souhaitable», précise le site de l’institution. La Cour peut ainsi ouvrir des bureaux «dans les zones où elle mène des enquêtes», comme c’est le cas en Ukraine. La CPI dispose d’ailleurs de plusieurs autres bureaux dans le monde à l’image de celui de Kiev : en République démocratique du Congo, en Ouganda, en République centrafricaine, en Côte d’Ivoire, en Géorgie ou au Mali. Ce détachement s’opère «quand il y a besoin d’enquêter sur place» et d’être au plus proche du terrain, explique au Parisien Mathilde Philip-Gay, professeure de droit à l’université Lyon 3, autrice de «Peut-on juger Poutine ?». «C’est une question d’efficacité, de meilleure collaboration», mais aussi la marque que «l’on met vraiment les moyens». «Pour se prononcer, nous devons être plus proches des communautés», rappelle d’ailleurs la CPI sur X. «Désormais, notre coopération sera encore plus efficace et efficiente», déclare également Andriy Kostin. «Nous faisons tout notre possible pour que les experts de la CPI puissent constater de leurs propres yeux les conséquences des crimes de l’agresseur et tirer des conclusions indépendantes.»
Qu’est-ce que cela change ?
Dès mai 2022, la CPI avait dépêché 42 enquêteurs et experts en criminalistique en Ukraine, «la plus importante mission en termes d’effectifs jamais déployée sur le terrain en une seule fois», notait alors la Cour internationale. La création officielle d’un bureau sur place «formalise cette mission», indique Mathilde Philip-Gay. Cela ne change donc pas beaucoup sur le fond, mais envoie un signal fort à l’Ukraine et prolonge la présence de cette juridiction internationale sur place. Et si ce bureau s’ouvre maintenant, ce n’est toutefois pas la première action de la CPI dans la guerre en Ukraine. En mars dernier, elle avait émis un mandat d’arrêt contre le président russe Vladimir Poutine pour le crime de guerre de «déportation illégale» d’enfants ukrainiens, puis contre sa commissaire aux droits de l’enfant Maria Lvova-Belova. De son côté, l’Ukraine a déjà condamné des soldats russes pour crimes de guerre. La difficulté des enquêtes actuelles, et à venir, est que la guerre en Ukraine est toujours en cours. «Des crimes sont encore en train d’être commis», rappelle Mathilde Philip-Gay. En ce sens, le travail de documentation des autorités ukrainiennes sur les crimes de guerre «en temps réel» est «pratiquement sans précédent dans le monde», écrivait une rapporteuse de l’ONU début septembre. D’après Kiev, plus de 103 000 poursuites pour crimes de guerre ont déjà été enregistrées dans le cadre du conflit en Ukraine. D’autres devraient suivre.






