Face à l’instabilité de la région sahélienne, la médiation de l’Algérie pour la résolution des tensions au Niger: Six propositions

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La situation actuelle au Niger non maîtrisée pourrait conduire à une déstabilisation à la fois régionale mais également mondiale, devant éviter les expériences de l’Irak et de la Libye.

L’Afrique connaît une instabilité politique avec des conflits qui nuisent à son développement avec des interférences étrangères, ne devant pas oublier le drame humain au Soudan. Soucieux de sa sécurité et de la sécurité régionale, selon un communiqué en date 02 octobre 2023 «le gouvernement algérien a reçu par le canal du ministère nigérien des Affaires étrangères une acceptation de la médiation de l’Algérie», proposition qui, au départ, était articulée autour de six axes avec un plan de transition de six mois Entre 2012 et 2023 plusieurs de mes contributions ont abordé les tensions en Afrique et particulièrement l‘instabilité de la région sahélienne. Références du Pr Abderrahmane Mebtoul sur les enjeux géostratégiques au Maghreb et en Afrique 11 interventions au niveau national et international (www.google.com 2012/2023): la première à l’invitation des fondations –Bill Gates- Rockefeller New York USA en novembre. 2012 sur USA/Maghreb-Afrique, la seconde à Malte à l’invitation de la commission européenne avril 2014 sur les enjeux géostratégiques en Méditerranée, la troisième en mars 2015 au Sénat français à l’invitation de Jean Pierre Chevènement sur les relations Maghreb Europe, la quatrième de l’association internationale africaine ARGA en mai 2015 sur les enjeux du développement de l’Afrique, la cinquième à l’invitation de l’Institut militaire de documentation et de prospective ministère de la Défense nationale – IMDEP en octobre 2019 sur les enjeux au Sahel et le trafic aux frontières, la sixième à l’invitation de l’Ecole supérieure de guerre, l’Algérie, la rente de hydrocarbures et les enjeux géostratégiques juin 2019, idem au siège de l’ambassade US devant les attachés politiques des ambassades, la septième au siège de l’ambassade de l’Union européenne à Alger en 2021 où étaient présents la majorité des ambassades étrangers accrédités à Alger sur les enjeux énergétiques mondiaux, la huitième à l’invitation ministère de la Défense nationale –état-major de la Gendarmerie nationale 23/24 février 2022 sur le thème, évasion fiscale, trafics aux frontières, fuite des capitaux et corruption; la neuvième est une intervention parue dans la revue de la direction générale  de la Sûreté nationale (DGSN), le réchauffement climatique et la sécurité de l’Afrique, paru dans le numéro de Chorta de juillet 2023; la dixième contribution parue dans la revue internationale le Pont des Idées Paris France-LCP le 30 août 2023, où le Pr A. Mebtoul est membre du Conseil scientifique avec d’importantes personnalités internationales les répercussion régionales du cout d’Etat au Niger; la onzième contribution revue mensuelle Politis EL Moudjahid 24 septembre 2023, le G7, les Brics, le groupe de Shanghai et le nouvel ordre mondial.

1- Le poids économique de la CEDEAO et la situation du Niger

Le Niger s’étend sur 1 267 000 km2, ayant une position géographique stratégique partageant ses frontières avec sept pays à savoir : l’Algérie 956 km, le Bénin 266 km; le Burkina Faso 628 km de frontière; la Libye 354 km de frontières; le Nigeria 1497 km de frontière; le Tchad une frontière de 1175 km et le Mali, frontière de 821 km. Quant à la CEDEAO, elle est composée de 15 membres à savoir : le Bénin ; le Burkina Faso ; la Côte d’Ivoire, la Gambie ; le Quinée ; la Guinée Bissau ; le Liberia ; le Mali ; la Mauritanie ; le Niger ; le Nigeria ; le Sénégal, la Sierra Leone et le Togo. En 2021, deux États membres ont été suspendus de la communauté à la suite de coups d’État, le Mali en mai, à la suite d’un deuxième coup d’État en neuf mois, et la Guinée en septembre. Récemment ont été suspendus le Niger et le Gabon après le coup d’Etat ainsi de l’organisation de l’Union africaine. La Mauritanie, qui s’est retirée de la CEDEAO depuis 2000, a plutôt choisi de rester en retrait, cependant, se dit «prête à étudier toute demande de participation. Cette instabilité en Afrique est à replacer dans le contexte géostratégique turbulent de la région et les rivalités entre grandes puissances USA, Chine, Russie, Europe et certains pays émergents. Dans une note du Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest, il est mis en relief que l’arc sahélien, sans compter le reste du continent, riche en ressources, sel, or, pétrole, gaz, fer, phosphate, cuivre, étain et uranium autant de richesses nourrissant les convoitises de puissances. Selon le FMI en janvier 2021, le produit intérieur brut global des États membres avec d’importantes disparités par pays s’élève à 686 milliards de dollars américains, le PIB PPA global des États membres s’élevant à 564,86 milliards de dollars ce qui en fait la 25e puissance économique mondiale. Pour quelques pays nous avons le indicateurs suivants en 2022: le Niger a un PIB de 14 milliards de dollars, un PIB par tête d’habitant de 545 dollars pour une population de 25 millions d’habitants; le Bénin a un PIB de 17 milliards de dollars, un PIB par tête d’habitant de 1256 pour une population de 13 millions ; le Burkina Faso a un PIB de 19 milliards de dollars, un PIB par tête d’habitant de 732 dollars pour une population de 22 millions; -le Nigeria a un PIB de 447 milliards de dollars, un PIB par tête d’habitants de 2450 dollars pour une population de 224 millions d’habitants; – le Mali, un PIB de 17,8 milliards de dollars, un PIB par tête d’habitant de 816 dollars, la Mauritanie qui a un PIB de 9,96 milliards de dollars pour une population de 4, 60 millions d’habitants et un PIB par tête d’habitant de 2165 dollars. la Côte d’Ivoire, une population de 27 millions, un PIB de 67 milliards de dollars et un PIB par tête d’habitant de 2420 dollars, la Gambie, une population de 2,6 millions, un PIB de 2,15 milliards de dollars, un PIB par tête d’habitant de 818 dollars, la Guinée 13,5 millions pour un PIB de 20,15 milliards dollars, un PIB par tête d’habitant de 1490 dollars, la Guinée-Bissau une population de 2,06 millions, un PIB de 1,55 milliards de dollars et un PBI par tête d’habitant de 753 dollars; la Sierra Leone une population de 8,14 millions, un PIB de 3,77 milliards de dollars, un PIB par tête d’habitant de 463 dollars, le Sénégal, une population de 17 millions, un PIB de 26,3 milliards de dollars, un PIB par tête d’habitant de 833 dollars ; le Liberia, une population de 5,19 millions, un PIB de 3,8 milliards de dollars, un PIB par tête d’habitant de 732 dollars,  le Togo une population de 8,6 millions, un PIB de 7,7 milliards de dollars, un PIB par tête d’habitant de 893 dollars, le Ghana une population de de 31 millions, un PIB de 71 milliards de dollars, un PIB par tête d’habitant de 2259 dollars. Suite au coup d’Etat au Niger, le sommet de la Cédéao (y compris la majorité des pays occidentaux) a gelé toute coopération économique ce qui a induit un processus inflationniste, le risque d’une misère croissante avec le risque d’importants flux migratoires. Selon la sous-secrétaire générale adjointe de l’ONU aux affaires humanitaires, 2,9 millions de personnes ont besoin d’aide humanitaire en 2020, une augmentation de 26% par rapport à 2019, la situation sociale restant précaire avec un taux de pauvreté extrême d’environ 42 % en 2021, soit plus de 10 millions d’habitants. Entre 1991 et 2021, le budget de la dette du Niger a varié entre 478,0 millions et 5,5 milliards de dollars et en 2021, dernière année évaluée, le montant a été de 5,46 milliards de dollars le plus élevé des 30 dernières années et rapporté au nombre d’habitants, cela correspond au Niger à un endettement de 216 dollars par personne.

2 – Les six propositions de l’Algérie

La situation étant complexe et à enjeux géostratégiques multiples, l’Algérie privilégie le dialogue, mettant en garde contre toute intervention miliaire qui accentuerait les tensions au niveau de la région dont le terrorisme, où en plus dans un communiqué commun, le Burkina Faso et le Mali, ont affirmé qu’une intervention militaire au Niger, serait considérée comme une déclaration de guerre à leurs pays. L’Algérie est guidée par des principes fondamentaux hérités de sa longue histoire de libération nationale : la mise en place d’un dispositif de sécurité aux frontières et la restructuration des forces armées et de sécurité; l’amorce de processus bilatéraux de coopération avec les pays voisins; le développement d’un processus multilatéral à travers l’initiative des pays du Champ et la non-ingérence dans les affaires intérieures des Etats. Car l’Algérie partage des frontières avec des pays instables où sa sécurité est posée dont la Libye 982 km, le Mali 1329 km, la Mauritanie, 461 km, le Maroc 1739 km, le Niger 961 km, la Tunisie 1010 km et le Sahara occidental 39 km. La sécurité de l’Algérie pourrait être touchée indirectement via le Mali et la Libye qui partagent des frontières communes à la fois avec le Niger et l’Algérie. C’est pour éviter une déflagration régionale avec de prolongements en Europe, notamment, que doit se situer l’initiative de l’Algérie qui le 29 août 2023 (source APS) a défini les six de sortie de crise du Niger. Premièrement, rejet de tout changement anticonstitutionnel au Niger, conformément aux exigences du cadre juridique africain qui interdit et rejette les changements anticonstitutionnels de gouvernement et exige le retour à l’ordre constitutionnel et au respect des institutions démocratiques du pays. Deuxièmement, la définition d’un délai de six mois pour la mise en œuvre d’une solution politique devant aboutir au rétablissement de l’ordre constitutionnel et démocratique au Niger, à travers la reprise de l’action politique dans le cadre de l’Etat de droit. Troisièmement, l’impératif association et aval de toutes les parties au Niger, sans exclusion aucune, ces arrangements devant être conduits dans un délai ne dépassant pas les six mois, sous le contrôle d’une autorité civile, conduite par une personnalité consensuelle, acceptée par toutes les factions de la classe politique. Quatrièmement, accorder les garanties adéquates à toutes les parties concernées dans la perspective d’assurer la durabilité de la solution politique et son acceptation de tous. Pour la mise en œuvre de ces arrangements politiques, l’Algérie entamera des contacts et des consultations approfondies avec toutes les parties concernées qui peuvent contribuer et aider au règlement politique de la crise ou soutenir les efforts fournis en ce sens. Cinquièmement, ces contacts seront engagés également avec toutes les parties concernées au Niger, avec les pays voisins, ainsi qu’avec les pays membres de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), particulièrement le Nigeria qui préside le groupe, en sus des pays qui souhaitent soutenir le processus politique de sortie de crise au Niger. Sixièmement, l’Algérie se propose d’organiser une conférence internationale sur le développement au Sahel, dans le souci d’encourager l’approche de développement et de mobiliser les financements nécessaires à la mise en œuvre des programmes de développement dans cette région qui a cruellement besoin d’infrastructures sociales et économiques à même de garantir la durabilité de la stabilité et de la sécurité.

En conclusion, la proposition de l’Algérie est la dernière chance, car une guerre commence mais on ne sait jamais comment elle se termine, avec les risques d’une déstabilisation régionale. Les défis collectifs nouveaux pour l’Afrique sont d’ordre régional et global avec des sources de menaces nouveaux ayant pour noms : les ressources hydriques, la pauvreté, les épidémies, la transition énergétique et la protection de l’environnement, le terrorisme, la prolifération des armes de destruction massive, la maîtrise des cybersattaques par la maîtrise des nouvelles technologies et la révolution numérique, le développement des drones sur le plan militaire, etc. (voir notre contribution internationale dans Financial Afrik 03 octobre 2023 ). Le développement de Afrique, existant des Afriques et non une Afrique, face à un monde en crise en perpétuel mouvement, les mutations actuelles préfigurant un profond bouleversement mondial, avec le danger du réchauffement, bien que l’Afrique est non responsable participant à moins de 5% des effets de serre au niveau mondial, sera ce que les Africains voudront qu’elle soit.

A. M.