Abderrahmane Mebtoul Professeur des universités, expert international directeur des études aux ministères de l’Industrie et de l’Énergie 1974/2016.
En tant que jeune conseiller auprès du Ministre de l’Industrie entre 1974/1979, nous avons étudié déjà sérieusement de projet et cette présente contribution est une brève synthèse réactualisée d’un important dossier réalisé sous ma direction
1.Élément chimique utilisé depuis la préhistoire, le fer compose 5% de la croûte terrestre, les alliages contenant du fer étant utiles dans l’alimentation, les médicaments mais surtout pour la fonte et tous les produits de la sidérurgie, environ 98% étant destiné à l’acier, dont 70% de matières premières brutes et 30% à partir de la ferraille. Le gisement du fer de Gara Djebilet est classé le 2e au niveau mondial, en termes de réserves, avec 3,5 milliards de tonnes, dont 1,7 exploitable avec une teneur élevé de 58,67% derrière l’Australie 5,1 milliards de tonnes, devant le Brésil 3,4 milliards de tonnes, la Russie 2,9 milliards de tonnes et la Chine 2 milliards de tonnes. L’exploitation de ce gisement permettrait, selon le ministère de l’Énergie et des Mines, d’économiser deux milliards de dollars en intrants, d’exporter et de favoriser l’intégration de l’économie algérienne. La mine de fer de Gara Djebilet est composée de trois zones d’exploitation: Gara Djebilet-Ouest, Gara Djebilet-Centre et Gara Djebilet-Est et le projet date de plusieurs décennies. Le lancement du projet est tributaire de la disponibilité de quantités suffisantes d’eau dans la région, les infrastructures ferroviaires et énergétiques et la solution avancée s’articule autour de la mise en place de réseaux intelligents d’énergie de l’intégration de l’énergie renouvelable pour l’extraction du minerai, à travers le procédé photovoltaïque. A cela s’ajoute pour la réduction de coûts, l’option des camions éclectiques pour le transport. Ce projet outre des unités de transformation prévues à Bechar devrait alimenter également les unités localisés à Oran et l’usine géante d’acier localisée à Jijel ainsi que le complexe sidérurgique d’Annaba Tout cela sera tributaire de la réalisation de la ligne ferroviaire La ligne minière Ouest : est d’environ 1650 km au total dont la section Oran-Béchar (700 km) en exploitation, la section Béchar-Tindouf-Gara Djebilet (950 km) étant divisée en plusieurs tronçons Tindouf-Gara Djebilet (135 km) dont les travaux achevés, Béchar-Abadla, tronçon inauguré en avril 2025, Hammaguir-Oum El Assel (440 km) le plus complexe, en voie d’achèvement fin 2025, la réception selon les responsables du projet étant prévue janvier 2026 avec le début de la production minière et devant tenir compte du cout de la maintenance avec les vents de sable réguliers dans cette zone La minimisation du coût du transport est fondamentale pour déterminer la rentabilité du projet . Reste la résolution des difficultés techniques en cours notamment celles liées à la teneur élevée du minerai en phosphore et en arsenic en parvenant à réduire le taux du phosphore dans le fer pour le porter de 0,8% à 0,03%.
2.-Quel est la rentabilité du fer de Gara Djebilet et quel taux de participation maximal pour l’Algérie avec l’application de la nouvelle loi minière, devant tenir compte du prix au niveau international, du vecteur coût d’exploitation, du coût du transport, de l’évolution vecteur prix au niveau international, des coûts supplémentaires pour protéger l’environnement. avec la décarbonisation et une formation pointue. Dans l’actuelle loi la part du partenaire étranger dans les bénéfices puisque est appliquée la règle des 49/51% mais la nouvelle loi sur les activités minières, prévoit l’abrogation de la règle des 51/49 qui imposait aux investisseurs étrangers de s’associer à un partenaire algérien majoritaire en instaurant la règle des 20/8O% à condition que le partenaire étranger contribue à la valeur ajoutée interne. L’exploitation selon les données officielles du gouvernement algérien se déroulera en plusieurs phases sur une période qui ira de 2022 à 2040. La première phase (2022-2025) connaîtra une production de 2 à 3 millions tonnes/an de minerai de fer , pour arriver, à partir de 2026, à une production annuelle oscillant entre 40 et 50 millions de tonnes. Le 09 mai 2022, le ministre des Mines (source APS) avait annoncé officiellement que la réalisation du projet de Gara Djebilet nécessitera plusieurs installations, ayant un coût variant entre 1 et 1,5 milliard de dollars par an sur une période allant de 8 à 10 ans donnant entre 12 et 15 milliards de dollars dont le retour en capital se fera entre 7/8 ans donc vers 2030 .2035. Cela n’est pas propre à ce projet , après le début d’exploitation en T0 la rentabilité d’une PMI/PME sous réserve de la levée des contraintes bureaucratiques, se situe entre ¾ ans et pour les projets capitalistiques entre 7/8 ans. En 2025, le cours du fer brut (minerai) a connu des fluctuations, se situant autour de 90-110 dollars la tonne . En prenant l’hypothèse optimiste, d’’un cours de 100 dollars la tonne de fer brut , c’est une hypothèse , pour la phase préliminaire de trois millions de tonnes le chiffre d’affaires serait de 300 millions de dollars, pour le profit net, devant retirer les coûts importants de 50% selon les normes internationales restant 15O millions de dollars .En prenant la part du partenaire étranger 5O%, il reste à l’Algérie en termes de profit net 75 millions de dollars. La seconde phase entre 2026/2030 verrait une production maximum de 50 millions de tonnes avec une augmentation progressive entre 2030/2040, ce qui donnerait en termes de chiffre d’affaires 5 milliards de dollars et 2,5 milliards de dollars de profit net, restant pour l’Algérie 1,25 milliards de dollars . Il n’est donc pas rentable d’exporter le fer à l’état brut de Gara Djebilet, le cout du transport étant exorbitant, et donc il y a nécessité de descendre à l’aval pour avoir un important taux de profit dont avec la production de l’acier dont les cours en 2025 varient selon les gammes : entre 67O/68O dollars la tonne moyenne générale , mais pour le prix des aciers inoxydables variant beaucoup selon la nuance et le marché (neuf/ferraille), : l’inox 304L (1.4307) se négocie autour de 3OOO dollars la tonne , le 316L (1.4404) autour de 47OO dollars la tonne tandis que les ferrailles d’inox se vendent entre 56O et 68O dollars la tonne selon la qualité (inox 18/8, 18/10). Les nuances spéciales comme le 2205 ou le 904L coûtent beaucoup plus cher, de l’ordre de 4 500 à 6 000 dollars la tonne
En conclusion, l’on doit éviter des discours contraires à la réalité économique : l’exploitation du fer de Gara Djebilet à l’état brut ne doit pas être comparé en termes de rentabilité financière à l’exploitation des hydrocarbures Il faudra être réaliste, l’exploitation du fer de Gara Djebilet ne procurera pas de rente contrairement au segment hydrocarbures, mais un taux de profit moyen. il s’agit de trouver une solution mutuellement acceptable , l’Accord reconnaissant à l’Algérie un droit de prendre des mesures de protection, dont l’article 24 qui lui donne le droit de prendre des mesures de sauvegarde, en arrêtant l’importation d’une catégorie de produits si elle porte préjudice à la production nationale, mesures qui doivent être renégociés pour rendre son champ d’application plus efficace et avantageux. Pour l’Algérie, l’objectif de cet accord est de « densifier » cette coopération, dont la démarche d’évaluation réclamée ne vise nullement à remettre en cause le cadre global de l’’Accord, mais, bien au contraire, à l’utiliser pleinement dans le sens d’une interprétation positive de ses dispositions permettant un rééquilibrage des liens de coopération et que seules des négociations constructives permettraient de relancer la coopération entre l’Algérie et l’UE dans le but de mettre les relations économiques au centre de cette coopération, de donner à cet accord toute son importance et d’utiliser tout son énorme potentiel dans ses trois composantes: politique, économique et humaine. Par contre au niveau interne , cela contribuera à densifier le tissu industriel avec des économies de devises mais sous réserve d’avoir un bon partenaire étranger, cette filière étant contrôlée par quelques firmes multinationales et de descendre à l’aval de l’arbre généalogique, pour avoir une grande valeur ajoutée, nécessitant de lourds investissements.
A.M






