Ethiopie

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Le conflit s’accentue sur fond d’état d’urgence et de déclarations opposées

Le conflit opposant le gouvernement éthiopien au Front de libération du peuple du Tigré (TPLF) s’est accentué ces derniers jours, sur fond d’état d’urgence décrété par les autorités sur l’ensemble du territoire et des échos faisant part de la prise par les éléments du TPLF de deux villes.

Addis-Abeba, capitale du pays, les autorités ont appelé, mardi, la population (5 millions d’habitants) à s’organiser et à se préparer à défendre leurs quartiers, leur demandant d’enregistrer particulièrement leurs armes. «Tous les habitants doivent s’organiser par blocs et quartiers pour protéger la paix et la sécurité dans leur zone, en coordination avec les forces de sécurité», a déclaré le responsable du département de la paix et de la sécurité de la capitale, Kenea Yadeta. Ailleurs, les communications sont coupées et les denrées alimentaires se font déjà rares. Le Premier ministre, Abiy Ahmed, a exhorté, quant à lui, mardi soir, sur Twitter les citoyens à «assumer leur rôle et à coopérer avec les forces de l’ordre». «C’est une période éprouvante où tous ces problèmes se sont empilés simultanément. Jusqu’à ce qu’ils soient derrière nous, chacun va devoir les affronter», a-t-il ajouté. Dans un discours lundi, M. Abiy a déclaré que «des étrangers combattaient aux côtés du TPLF». Parallèlement, le TPLF a revendiqué la prise de Dessie et de Kombolcha, deux villes situées à un carrefour routier stratégique à quelque 400 km au nord d’Addis-Abeba, sans exclure de marcher sur la capitale. Selon un groupe rebelle de l’ethnie oromo, allié aux Tigréens du TPLF qui combattent des forces progouvernementales dans le nord de l’Ethiopie, «la prise de la capitale Addis-Abeba est une question de mois, si ce n’est de semaines». Pour sa part, l’Armée de libération oromo (OLA), qui a fait alliance en août avec le TPLF, a annoncé être entrée dans plusieurs localités au sud de Kombolcha, dont Kemissie, à 320 km d’Addis-Abeba. Le gouvernement éthiopien, qui a démenti les déclarations du TPLF, a affirmé, mercredi, que les forces de l’aviation éthiopienne ont visé «un centre d’entraînement militaire du groupe terroriste TPLF» à Adi Buray, dans le nord du Tigré. Jeudi dernier, l’aviation éthiopienne avait mené une autre frappe sur la capitale de Tigré, Mekele, faisant dix morts, selon une source hospitalière.

Appel au calme et au dialogue inclusifLe secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, qui a fait part de «sa grande inquiétude», a appelé, mardi, par la voix de son porte-parole, Stéphane Dujarric, le gouvernement éthiopien et le TPLF à la «cessation immédiate des hostilités» et à l’ouverture d’un «dialogue national inclusif». «Antonio Guterres a réitéré son appel à une cessation immédiate des hostilités et un accès humanitaire sans entrave afin de fournir une aide vitale urgente», a indiqué Stéphane Dujarric dans un communiqué, ajoutant que «Guterres plaide pour un dialogue national inclusif pour résoudre cette crise et créer les bases de la paix et de la stabilité dans tout le pays». Pour sa part, la Haute Commissaire de l’ONU aux Droits de l’Homme, Michelle Bachelet, a dénoncé, mardi depuis Genève, les hostilités entre les deux parties. «La gravité des violations et des atteintes que nous avons recensées, souligne la nécessité de tenir leurs auteurs responsables, quel que soit leur camp», a estimé Michelle Bachelet à Genève. L’émissaire américain pour la Corne de l’Afrique, Jeffrey Feltman, a pointé du doigt «l’entrave de la livraison d’aide humanitaire aux régions disputées». «Aucun gouvernement ne peut tolérer d’insurrection armée, nous comprenons cela, mais aucun gouvernement ne devrait adopter des mesures ou autoriser des pratiques conduisant à massivement affamer ses propres citoyens», a-t-il lancé. Le président américain, Joe Biden, a annoncé, mardi, qu’il annulait d’importants avantages commerciaux accordés à l’Ethiopie, en raison de violations des droits humains perpétrées dans le cadre de la campagne militaire autour de la région dissidente du Tigré. Dans une note au Congrès, il a expliqué priver Addis-Abeba des avantages prévus par une loi américaine qui exempte la plupart des exportations des pays d’Afrique subsaharienne de frais américains de douane.