L’initiative est périlleuse, compte tenu de la complexité de la situation libyenne, pays riche en pétrole qui a sombré dans le chaos depuis la chute du colonel Kadhafi fin 2011: plusieurs autorités rivales et des myriades de milices se disputent le pouvoir, la menace djihadiste reste présente, et les trafics d’armes et d’êtres humains prospèrent. Le président du Conseil présidentiel du gouvernement libyen d’union nationale, Fayez Al Sarraj, et le maréchal Khalifa Hafter se sont rencontrés, ce mardi après-midi, à La Celle SaintCloud, près de Paris, pour tenter de trouver un accord prévoyant l’arrêt des hostilités en Libye.
Organisée à l’initiative française et en présence du nouveau Représentant spécial du secrétaire général des Nations unies, Ghassan Salamé, cette rencontre se veut une recherche d’une solution politique en Libye. La présidence française a indiqué que cette rencontre a été organisée dans un contexte sécuritaire et politique qui reste «extrêmement préoccupant et instable» en Libye, en proie à des affrontements armés depuis six ans, soulignant que l’instabilité de la Libye est «propice à l’accroissement de la menace terroriste», dans un pays qui occupe une position géographique clé, au carrefour du bassin méditerranéen, de l’Afrique et aux portes de l’Europe. La rencontre, qui est placée sous les auspices de l’ONU, constitue, précise-t-on, le prolongement des efforts internationaux qui ont été menés jusqu’à présent par l’Union européenne, l’Union africaine, mais aussi par les pays de la région, dont l’Algérie. Les deux responsables libyens se pencheront durant les pourparlers sur la création d’un cadre propice à la tenue des élections anticipées en Libye en 2018, les questions sécuritaires et militaires, le respect des Droits de l’Homme et les perspectives de développement économique en Libye, a-t-on précisé, indiquant que si un accord couronne la rencontre, une déclaration conjointe sera rendue publique. Dans la conjoncture actuelle, Fayez Al Sarraj, chef du gouvernement d’entente nationale (GNA) de Tripoli, est reconnu par la communauté internationale, mais peine à asseoir son autorité depuis plus d’un an.
Le maréchal Khalifa Haftar, chef de l’autoproclamée armée nationale libyenne, répond aux autorités de l’est qui ne reconnaissent pas la légitimité de Sarraj, et ses forces accumulent les gains militaires sur le terrain. «Un panorama incroyablement éclaté sur le plan politique et militaire», résume un diplomate étranger. D’autres sources diplomatiques ou humanitaires sur le terrain s’interrogent sur la fiabilité du maréchal Haftar et sur ses ambitions. De son côté, l’Elysée répète que la rencontre est en elle-même un «signal fort». Le nouveau président français a d’ailleurs fait du dossier libyen une de ses priorités, et avalisé la ligne «pragmatique» de son chef de la diplomatie Jean-Yves Le Drian, ancien ministre de la Défense, qui «prend en compte la réalité du terrain», et considère le maréchal Haftar comme le principal rempart à la menace djihadiste. Les deux principaux protagonistes de la crise libyenne se sont déjà rencontrés début mai à Abou Dhabi, sans grand résultat. La présidence française a reconnu que la réunion ne règlerait pas le conflit, mais espère, au minimum, leur faire signer une déclaration conjointe pour définir les principes de sortie de crise. Les deux principaux rivaux dans la crise libyenne, le chef du gouvernement de Tripoli Fayez Al Sarraj et l’homme fort de l’est Khalifa Haftar, s’engagent à un cessez-le-feu et à l’organisation d’élections dès que possible, selon un projet de déclaration diffusé mardi par la présidence française.
Ce «document de travail» a été diffusé avant la rencontre entre Al Sarraj et Haftar prévue dans l’après-midi à la Celle-Saint-Cloud, en région parisienne, sous les auspices du président français Emmanuel Macron. Le projet de déclaration, en dix points, réaffirme que seule une solution politique permettra de sortir de la crise libyenne. Le cessez-le-feu ne s’appliquerait pas à la lutte antiterroriste, précise le texte, qui appelle également à la démobilisation des combattants des milices et à la constitution d’une armée libyenne régulière. Il insiste aussi sur la construction d’un Etat de droit en Libye, et au respect des Droits de l’Homme. Selon des sources diplomatiques, les deux frères ennemis se sont accordés sur une déclaration, mais le texte diffusé n’est pas la version définitive, même s’il reprend les principaux points évoqués depuis quelques jours. Le projet de déclaration, en dix points, réaffirme que seule une solution politique permettra de sortir de la crise libyenne, et réitère la validité des Accords de Skhirat, signés en 2015 sous l’égide de l’ONU. Le cessez-le-feu ne s’appliquerait pas à la lutte antiterroriste, précise le texte, qui appelle également à la démobilisation des combattants des milices et à la constitution d’une armée libyenne régulière. Il insiste aussi sur la construction d’un Etat de droit en Libye, et au respect des Droits de l’Homme. Mais, estime l’Elysée, cette rencontre entre les deux protagonistes est en elle-même un «signal fort». Selon des sources diplomatiques, la déclaration répèterait qu’il n’y a pas de solution militaire possible pour la Libye, reconnaîtrait la légitimité politique de Fayez Al Sarraj et militaire de Khalifa Haftar, et pourrait mentionner de futures élections. Al Sarraj a récemment proposé des élections présidentielles et parlementaires en mars 2018.
La France entend, par cette initiative, faciliter une entente politique entre le président du Conseil libyen et le commandant de l’Armée nationale libyenne, au moment où le nouveau représentant spécial du secrétaire général des Nations unies pour la Libye, Ghassan Salamé, qui participe aux échanges, prend ses fonctions de médiateur des Nations unies», a indiqué la présidence de la République dans un communiqué. «En concertation avec tous ses partenaires, la France entend marquer son appui aux efforts pour construire un compromis politique, sous l’égide des Nations unies, qui réunisse sur une base inclusive l’ensemble des différents acteurs libyens», poursuit le communiqué. «L’enjeu est de bâtir un Etat capable de répondre aux besoins fondamentaux des Libyens et doté d’une armée régulière unifiée sous l’autorité du pouvoir civil», indique l’Elysée. «C’est une nécessité pour le contrôle du territoire libyen et de ses frontières pour lutter contre les groupes terroristes et les trafics d’armes et de migrants, mais aussi en vue du retour à une vie institutionnelle stable». Ahsene Saaid