Au 13ème vendredi de la mobilisation populaire: Les Algériens réclament le rejet de l’élection présidentielle du 4 juillet

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13ème vendredi de protestation.(Photo / Fateh Guidoum)

 

Au 13ème vendredi depuis le début du « Hirak », le 22 février dernier, les Algériens ont repris les mêmes slogans réclamant le départ de tous les symboles du système et le rejet de l’élection présidentielle prévue le 4 juillet prochain.

Ils ont, en outre, insisté sur l’indépendance de la justice et le jugement de tous les corrompus qui se sont rendus coupables de la dilapidation et du détournement des deniers publics et de l’argent du peuple. La mobilisation populaire et les manifestations massives organisées depuis cette date pour réclamer un changement radical du système politique, ont suscité l’admiration du monde entier par leur civisme et leur déroulement pacifique dans tout le pays.  Le peuple algérien a fait montre d’un degré élevé de conscience politique et un attachement profond à l’action politique pacifique lors de ces manifestations exemptes d’affrontements et se déroulant dans une ambiance conviviale, solidaire et d’entre-aide. Les Algériens ont manifesté en familles et toutes les tranches d’âge et les catégories professionnelles étaient représentées. La communauté algérienne à l’étranger a également participé au « Hirak » illustrant ainsi son attachement viscéral à la patrie. Parmi les slogans scandés par les manifestants, ceux qui reviennent le plus sont « djeich chaab khawa khawa » (l’armée et le peuple sont frères ») et « silmiya, silmiya » (« pacifique, pacifique »). Des slogans entendus sur tout le territoire national et traduisant la volonté de réformer profondément le pays mais en veillant jalousement à préserver sa stabilité et son unité. Les images de jeunes nettoyants les rues à la fin des manifestations et la foule de milliers de personnes cédant rapidement et dans l’ordre le passage à une ambulance ont fait le tour du monde.  Le peuple algérien se révèle tel qu’il est: fier, digne et attaché à la paix. Le commandement de l’Armée nationale populaire (ANP) a tenu, de son côté, à souligner « la forte cohésion entre le peuple et son Armée ». Il a, dans ce sens, exprimé avec force son « refus catégorique de verser une seule goutte de sang du peuple, depuis le début des marches pacifiques et sa détermination à faire barrage à tous ceux qui tenteraient d’ébranler la stabilité du pays et d’attenter à l’unité du peuple ». Il a affirmé aussi son « alignement aux côtés du peuple afin d’atteindre ses objectifs visant à opérer le changement escompté ». Avec le rejet de la majorité des partis de l’opposition de l’appel au dialogue lancé par le chef de l’Etat, Abdelkader Bensalah en vue de parvenir à un consensus qui soit le plus large possible, d’aucuns parmi les observateurs pensent que l’on s’achemine vers le report de l’élection présidentielle du 4 juillet prochain.

Cette revendication a été maintes fois réitérée par de nombreux partis, comme ce fut le cas du  FFS qui note que « la cheville ouvrière des simulacres de dialogue, de la normalisation autoritaire et constitutionnelle, fraudeur des élections électorales depuis plus d’un quart de siècle et le très contestable chef de l’état issus des deux béquilles illégitimes et impopulaires du régime, a prononcé hier soir son discours ».

Et d’ajouter : « Alors que les plus crédules parmi les observateurs non-initiés aux soubassements des pratiques ténébreuses du régime algérien, s’attendaient à voir et à entendre des décisions salutaires de la part de la nouvelle façade du système, ils se sont aux finals rendus à l’évidence de leur grande déroute ».    

Le plus vieux parti de l’opposition relève, en outre,  que « les décideurs actuels, qui sont visiblement exclusivement issus du cercle fermé de l’état-major de l’armée, au lieu de répondre au sursaut historique de la dignité du peuple algérien, sont radicalement résolus à exécuter et à imposer leur propre feuille de route ».

Revenant à la crise politique, le FFS soutient « qu’un vrai dialogue ne peut pas et ne doit pas se faire avec ou à travers des personnages qui sont viscéralement et radicalement désavoués par la majorité du peuple algérien. Pas plus qu’un vrai « débat ne peut pas trouver une viabilité ou une quelconque crédibilité dans un environnement parasité par les influences néfastes des institutions illégitimes et impopulaires».

Le Parti des travailleurs n’a pas, pour sa part, apprécié le discours de Bensalah qui intervient dans un contexte d’  « aggravation de la crise du système».

Réuni en session hebdomadaire, le Secrétariat permanent de son bureau politique a qualifié le discours de du chef d’Etat qui évoquait des «manigances» et des «complots», «d’insulte intolérable» à la révolution populaire.

Le parti de Louisa Hanoune estime que le discours de Bensalah « sonne comme une fin de non-recevoir aux aspirations de l’écrasante majorité qui veut se libérer du carcan du système décomposé et du régime présidentialiste autoritaire et anti-démocratique».

«Ainsi, Mr Bensalah, sur un ton martial et contre l’avis de l’écrasante majorité, annonce le maintien de l’élection présidentielle du 4 juillet prochain, confisquant le droit du peuple de trancher sur la nature du régime et donc des institutions à mettre en place», assène le PT.

Le parti des travailleurs en veut d’autant plus que «la majorité du peuple exige le départ de tout le système d’abord pour, ensuite, dans le cadre d’une justice indépendante, juger tous les responsables et hommes d’affaires concernés, pour précisément éviter les règlements de compte, la sélectivité des décisions, en période révolutionnaire et alors que le démantèlement du système n’est pas parachevé».

C’est pourquoi et compte tenu de ces développements, le PT pense que « seule la poursuite de la mobilisation massive et unitaire, est capable de stopper la contre révolution en marche et d’imposer la victoire de la révolution du 22 février ».

Récemment, les partis et personnalités ayant pris part à une rencontre de concertation des « Forces du changement en faveur du choix du peuple », ont appelé à l’organisation d’une « rencontre nationale » afin de trouver une solution à la crise politique que traverse le pays.

L’accent a été mis lors de cette rencontre sur la nécessité de « former une commission qui se chargera d’organiser une rencontre nationale des Forces du changement qui soit ouverte à tous les acteurs de la société, à l’exception des parties ayant été à l’origine de la crise actuelle, et ce afin de rechercher une solution qui puisse répondre aux revendications pacifiques du peuple ».

Se disant ouverts à toute initiative pouvant contribuer à satisfaire les revendications populaires, les participants à cette rencontre ont réitéré leur attachement au dialogue en tant que principe à même de trouver une issue à cette situation.

Ils ont salué, par la même occasion, l’appel au dialogue exprimé par l’Armée nationale populaire (ANP) dans son communiqué rendu public mercredi.

 

Après avoir réitéré leur soutien au Hirak populaire et à la sauvegarde de la cohésion de l’élan populaire pacifique, les participants ont souligné l’impératif préservation de l’indépendance de la justice dans le traitement de tous les dossiers ainsi que le respect des règles de la justice, de l’impartialité et de l’équité.

Ils ont également appelé à prendre des mesures « urgentes » pour récupérer l’argent public détourné et protéger la richesse populaire, mettant l’accent sur la nécessité d’informer l’opinion publique sur les poursuites judiciaires lancées dans les dossiers de corruption.

 

Pour de nombreux acteurs politiques, la conjoncture sensible que traverse le pays exige un rapprochement entre toutes les franges du peuple algérien et la classe politique en vue de relever les défis qui se posent, dont notamment la préservation de la sécurité, la stabilité, l’unité nationale et les intérêts suprêmes du pays, tout en affirmant que la stabilité du pays est quelque chose de sacré et qu’elle constitue une ligne rouge à ne pas franchir.

A ce titre, les idées proposées sur la scène nationale sont à même de concrétiser le rapprochement entre les différentes franges de la société populaire et d’ouvrir d’autres perspectives permettant de surmonter fin de sortir sain et sauf de la situation actuelle, ont-ils souligné, mettant l’accent sur l’impératif de faire preuve de sagesse et faire prévaloir l’intérêt suprême du pays et du citoyen.

 

Dans un discours à la Nation à l’occasion du mois sacré de Ramadhan, le chef de l’Etat, Abdelkader Bensalah, a appelé à un dialogue « intelligent, constructif et de bonne foi » qui reste « l’unique moyen pour construire un consensus fécond, le plus large possible, de nature à permettre la réunion des conditions appropriées pour l’organisation, dans les délais convenus, de l’élection présidentielle ».

Il a indiqué que cette élection est « seule à même de permettre au pays de sortir définitivement et durablement de l’instabilité politique et institutionnelle ». Cet appel, souligne le chef de l’Etat, s’adresse à « tous les acteurs nationaux, à l’ensemble des composantes de la classe politique, aux mouvances qui structurent la société civile et à tous ceux qui sont considérés comme exprimant les sentiments d’une frange de la société, ou de ses élites, à l’intérieur comme à l’extérieur du pays, notamment les jeunes et les femmes, de se mobiliser pour la réalisation de cet objectif stratégique national, seul à même de mener notre pays vers des lendemains sûrs et prospères ».

 

Un président de la République issu d’une élection incontestable, aura, en effet, « toute la légitimité nécessaire et toutes les prérogatives requises pour concrétiser l’aspiration profonde au changement et satisfaire l’ensemble des revendications populaires légitimes », a-t-il mentionné.

Pour M. Bensalah, les modalités d’organisation, de contrôle et de supervision de ces élections dans toutes les phases de préparation, déroulement et de dénouement, « doivent être au cœur de ce dialogue et faire l’objet d’un large consensus ».

Il a assuré que cet objectif « est le seul à même de mener notre pays vers des lendemains sûrs et prospères pour notre peuple et seul à même de lui permettre de déjouer les dangers et les desseins hostiles visant à le conduire vers le vide constitutionnel et l’absence de l’État et à l’entrainer ainsi dans la spirale de l’anarchie et la déstabilisation ».

 

Le chef de l’Etat a salué, par la même occasion, les efforts de l’ANP pour « préserver la conception constitutionnelle de l’État, assurer sa continuité et garantir la sécurité et la stabilité du pays ». Il a ainsi rendu un « vibrant hommage » à son Commandement pour « la lucidité de son engagement aux côtés de notre peuple, dans cette phase cruciale de son histoire, et sa détermination à faire face aux agissements hostiles à la patrie, à son intégrité territoriale ainsi qu’aux tentatives visant à porter atteinte à la sécurité nationale du pays et à mettre en danger son unité nationale ».

Evoquant les marches populaires, M. Bensalah a indiqué qu’il s’agit d’une étape « qualitativement nouvelle, qui se déroule dans le calme et de façon pacifique, une étape durant laquelle notre peuple a fait montre d’un haut niveau de conscience et de maturité, manifestant ses revendications et ambitions légitimes à travers un comportement civilisé, qui a forcé l’admiration du monde entier ». Il a ajouté que « la voix du peuple a été entendue »

 

Elle a trouvé en l’État réactivité positive, promptitude et compréhension à l’égard des revendications, aspirations et attentes de notre population », soulignant que « le processus de changement connaît, au quotidien, des avancées incontestables ». « Au cœur des revendications populaires, la lutte contre la corruption et la dilapidation des deniers publics, a ainsi connu une accélération qui laisse entrevoir une prise en main déterminée par la Justice des dossiers qui ont défrayé la chronique, mais aussi et surtout une action méthodique, inscrite dans la durée et induisant un impact salutaire sur l’économie nationale, débarrassée de l’impact néfaste des pratiques qui ont profondément gangréné son fonctionnement », a encore relevé M. Bensalah dans son message. « Il va sans dire, cependant, que l’intérêt suprême du pays, impose la préservation de l’État, le respect des Institutions, ainsi que la sauvegarde de la sécurité et de la stabilité du pays et ce quelles que soient les circonstances », a-t-il insisté, estimant que « l’affaiblissement et la déstabilisation de l’Algérie constitue, pour certaines parties, une option stratégique ». « Nier cette réalité ou tenter d’en minimiser la dangerosité, serait au mieux faire preuve de naïveté et au pire de complicité », a-t-il conclu.

T. Benslimane