Accréditation d’agents diplomatiques et consulaires et problème de visas: L’Algérie dénonce le chantage des autorités françaises

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Le chargé d’affaires de l’ambassade de la République française à Alger a été convoqué, hier, au siège du ministère des Affaires étrangères (MAE) par le directeur général du protocole. Cette convocation intervient suite au communiqué rendu public par la représentation diplomatique française au sujet de l’accréditation d’agents diplomatiques et consulaires français en Algérie.

L’attention du diplomate français a été fermement attirée sur le grave manquement aux usages diplomatiques, les plus solidement établis, qui caractérise ledit communiqué. Dans ce contexte, il lui a été indiqué que par sa forme autant que par son fond, ce communiqué était inacceptable en ce qu’il contenait une présentation tendancieuse des faits et qu’il s’adressait directement à l’opinion publique algérienne pour incriminer devant elle une prétendue responsabilité exclusive et entière du ministère des Affaires étrangères dans la non accréditation d’agents diplomatiques et consulaires français en Algérie.

Du point de vue de la forme, cette manière d’agir de l’Ambassade n’est pas tolérable, en ce qu’elle viole l’esprit et la lettre de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques de 1961 et du point de vue du fond, il a été rappelé au diplomate français qu’il était personnellement le mieux informé des tenants et aboutissants de cette situation.

A cet égard, le communiqué fait remarquer qu’en effet, la non-accréditation d’agents diplomatiques et consulaires français en Algérie est intervenue bien après une décision française similaire et après épuisement, à l’initiative de la partie algérienne, de toutes les possibilités de règlement de ce différend à la satisfaction des deux pays. Il s’agissait là, ni plus ni moins, que de l’application stricte du principe de réciprocité.

C’est le gouvernement français qui a été à l’origine, depuis plus de deux ans, du refus d’accréditation de Chefs de Poste et d’agents consulaires algériens en France. En conséquence de cette situation, trois Consuls Généraux et six Consuls algériens n’ont pas reçu leurs accréditations sollicitées depuis plus de six mois.

De même, 46 agents diplomatiques et consulaires algériens n’ont pu rejoindre leur lieu d’affectation en France du fait du silence observé par la partie française quant à leurs demandes d’accréditation et cette situation créée, de manière délibérée et calculée, par les autorités françaises, lèse gravement les ressortissants algériens établis en France dans la double mesure où elle impacte les prestations consulaires à leur bénéfice et affecte la qualité de la protection consulaire qui leur est due.

En somme, il a été fortement souligné à l’attention du diplomate français qu’il est lui-même conscient de ce que la problématique des visas n’est pas limitativement liée à la question des accréditations et qu’il est de notoriété publique que son gouvernement a érigé cette problématique en levier central du bras de fer qu’il veut imposer à l’Algérie. Le MAE observe que le chantage aux visas continue de la part du gouvernement français et la première phase de ce chantage s’est achevée avec la dénonciation par l’Algérie de l’Accord algéro-français de 2013 sur l’exemption réciproque de visas aux détenteurs de passeports diplomatiques et de service. Aujourd’hui, les autorités françaises ouvrent une seconde phase qui concerne les passeports ordinaires qu’elles entendent gérer par le chantage, le marchandage et l’intimidation,

Les autorités algériennes avaient examiné avec beaucoup d’attention la lettre adressée par le Président français à son Premier ministre, ainsi que les explications fournies le 7 août dernier au Chargé d’affaires de l’ambassade d’Algérie en France par le Quai d’Orsay, alors que l’examen de ladite lettre et des explications qui l’ont accompagnée autorisent des observations préalables importantes.

En tout premier lieu, et s’agissant de la dégradation des rapports algéro-français, cette lettre exonère la France de l’intégralité de ses responsabilités et fait porter tous les torts à la partie algérienne.

Rien n’est plus loin de la vérité et de la réalité. Dans toutes ses phases, la crise actuelle a régulièrement donné lieu à des communiqués officiels du ministère algérien des Affaires étrangères.

Ces communiqués ont systématiquement établi les responsabilités dans l’escalade et révèlent que les réactions et les contre-mesures que les autorités algériennes ont pu adopter s’inscrivaient strictement et rigoureusement dans le cadre de l’application du principe de réciprocité.

En deuxième lieu, la lettre s’emploie à projeter de la France l’image d’un pays hautement soucieux du respect de ses obligations bilatérales et internationales et de l’Algérie celle d’un Etat en violation continue des siennes. Là également rien n’est plus éloigné de la vérité et de la réalité.

En l’espèce, c’est la France qui a contrevenu à sa propre législation interne, qui a manqué au respect de ses engagements au triple titre de l’accord algéro-français de 1968 relatif à la circulation, à l’emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, de la convention consulaire algéro-française de 1974 et de l’accord algéro-français de 2013 relatif à l’exemption des visas pour les détenteurs de passeports diplomatiques et de service et c’est elle aussi qui s’est donnée pour seule et unique objet de fixation l’accord algéro-français de 1994 relatif à la réadmission des ressortissants algériens vivants en situation irrégulière en France, accord dont elle a dénaturé la raison d’être et détourné les objectifs véritables.

C’est la France, enfin, qui s’est affranchie de ses devoirs contractés au titre de la convention européenne des droits de l’homme de 1950. L’ensemble de ces manquements français n’ont eu pour but que de passer outre le respect des droits acquis des ressortissants algériens éloignés souvent arbitrairement et abusivement du territoire français, leur privation des possibilités de recours administratifs et judiciaires que leur garantit pourtant la législation française elle-même et de vider de tout contenu le devoir de protection consulaire de l’Etat algérien à l’égard de ses ressortissants en tous lieux et en tout temps.

En troisième lieu, la France, dès la survenance de cette crise de son propre fait, a posé sa gestion en termes de rapports de force. C’est elle qui a procédé par injonctions, ultimatums et sommations. C’était ignorer, bien légèrement, que l’Algérie ne cède pas à la pression, à la menace et au chantage quels qu’ils soient.

Ce sont ces constats qui dictent aujourd’hui la réponse algérienne à la lettre adressée par le Chef d’Etat français au Chef de son exécutif. L’Algérie tient à rappeler, une fois de plus, qu’elle n’a été historiquement à l’origine d’aucune demande de conclusion d’un accord bilatéral d’exemption de visas au profit des titulaires de passeports diplomatiques et de service.

A maintes reprises, c’est la France, et elle seule, qui a été à l’origine d’une telle demande.

En décidant la suspension de cet accord, la France offre à l’Algérie l’opportunité idoine d’annoncer, quant à elle, la dénonciation pure et simple de ce même accord.

Conformément aux dispositions de l’article 08 dudit accord, le Gouvernement algérien notifiera incessamment au Gouvernement français cette dénonciation par la voie diplomatique.

Désormais, les visas qui seront accordés aux titulaires français de passeports diplomatiques et de service obéiront, en tous points, aux mêmes conditions que celles que la partie française imposera à leurs homologues algériens.

En relation avec l’annonce de la réactivation du levier visa-réadmission, le Gouvernement algérien tient à constater que ce levier est en flagrante violation de l’accord algéro-français de 1968 et de la convention européenne des droits de l’homme de 1950. La protection consulaire de l’Algérie à l’égard de ses ressortissants en France sera sans faille. Elle les aidera à faire valoir leurs droits et à faire respecter tout ce que les législations française et européenne leur garantissent comme défense contre l’abus et l’arbitraire.

La lettre du Chef de l’Etat français à son Premier ministre fait une présentation biaisée de la problématique des accréditations du personnel diplomatique et consulaire dans les deux pays. Depuis plus de deux années, c’est la France qui a pris l’initiative de ne pas accorder les accréditations en question au personnel consulaire algérien, dont trois Consuls Généraux et Cinq Consuls. A ce sujet, comme dans d’autres, l’Algérie n’a fait qu’appliquer le principe de réciprocité. Dès lors que les entraves françaises seront levées, l’Algérie répondra par des mesures similaires. Cette position a été déjà notifiée aux autorités françaises, elle demeure en vigueur. Dans ses dispositions finales, la lettre du Chef de l’Etat français à son Premier ministre énumère un certain nombre de contentieux bilatéraux devant faire l’objet d’une recherche de règlements. L’Algérie entend, elle-aussi, saisir, par la voie diplomatique, la partie française d’autres contentieux devant faire l’objet d’une même recherche de règlements. Dans la même optique, le Chargé d’Affaires de l’ambassade de la République française en Algérie a été convoqué jeudi dernier au siège du ministère des Affaires étrangères par le Directeur des Immunités et Privilèges où deux notes verbales lui ont été remises. La première note verbale a eu pour objet de notifier formellement la dénonciation par la partie algérienne de l’Accord algéro-français de 2013 relatif à l’exemption réciproque des visas pour les titulaires de passeports diplomatiques et de service. Cette dénonciation va plus loin que la simple suspension notifiée par la partie française et met définitivement un terme à l’existence même de cet accord. A cet égard, et sans préjudice des délais prévus dans l’accord, le Gouvernement algérien a décidé de soumettre, avec effet immédiat, les titulaires de passeports diplomatiques et de service français à l’obligation de visas. Il se réserve, par ailleurs, le droit de soumettre l’octroi de ces visas aux mêmes conditions que celles que le Gouvernement français arrêtera pour les ressortissants algériens. Il s’agit là d’une stricte application du principe de réciprocité qui exprime, avant tout, le rejet par l’Algérie des velléités françaises de provocation, d’intimidation et de marchandage. La seconde note verbale vise, quant à elle, à informer la partie française de la décision des autorités algériennes de mettre fin à la mise à disposition, à titre gracieux, de biens immobiliers appartenant à l’Etat algérien au profit de l’ambassade de France en Algérie. Cette note annonce, également, le réexamen des baux, considérablement avantageux, contractés par l’ambassade avec les OPGI d’Algérie et invite la partie française à dépêcher une délégation à Alger pour entamer les discussions à ce sujet. Il y a lieu de rappeler que la représentation diplomatique algérienne en France ne bénéficie d’aucun avantage de cette même nature. En conséquence, l’action algérienne ainsi décidée vise là également à introduire l’équilibre et la réciprocité dans la relation algéro-française globale.

T. Benslimane

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