Par Abderrahmane Mebtoul – Professeur des universités
Un code n’est qu’un moyen juridique, afin de faciliter la mise en œuvre des affaires, devant s’insérer dans le cadre d’une vision stratégique tenant compte tant des mutations tant internes qu’internationales, évitant les perpétuels changements du cadre juridique et l’instabilité monétaire
1- Le code de l’investissement et le nouveau cadre institutionnel
L’économique étant avant tout politique sous réserve d’une mobilisation générale, tenant compte des différentes sensibilités, face aux tensions géostratégiques et la crise économique mondiale, d’une lutte implacable contre la corruption et la bureaucratie le nouveau code d’investissement lève bon nombre de verrous et apporte certaines solutions pour attirer les investisseurs et dynamiser la croissance où je recense sept facteurs positifs. Premièrement, la révision du rôle du CNI, en réhabilitant les missions et attributions organiques prévues lors de sa création, notamment pour les aspects portant approbation de stratégies et de politiques de promotion de l’investissement et sur la reconfiguration de l’ANDI qui portera la dénomination «Invest Algeria» afin qu’elle soit plus visible à l’international, tout en lui accordant le rôle d’un vrai promoteur et accompagnateur des investisseurs. Deuxièmement, la mise en place d’une plateforme numérique de l’investisseur au niveau de l’Agence algérienne de promotion de l’investissement, à l’effet d’assurer une interconnexion avec les organismes et administrations concernés par l’acte d’investir. Troisièmement, la création auprès de l’agence d’un guichet unique dédié aux grands projets d’investissement et des investissements étrangers, permettant une meilleure prise en charge pour la concrétisation de ces projets d’investissement avec des centres créés au niveau des guichets uniques décentralisés, abritant l’ensemble des services habilités à fournir les prestations nécessaires à la création des entreprises, à leur soutien, à leur développement ainsi qu’à la réalisation des projets, par leur adaptation à la situation de chaque wilaya. Quatrièmement, l’orientation des avantages et incitations exclusivement vers les investissements dans les secteurs prioritaires, notamment les projets d’investissement stratégiques et/ou structurants pour le pays, et ceux implantés dans des zones nécessitant un accompagnement particulier de l’État et la mise en place, par voie réglementaire, de grilles d’évaluation des en fonction des critères liés, d’une part, à l’importance et la priorité des projets, et, d’autre part, à leur lieu d’implantation. Cinquièmement, la fixation des délais de réalisation des projets d’investissement, à l’effet d’inciter les promoteurs à accélérer la concrétisation de ces projets, avec possibilité de prolongation de délai à une année renouvelable une seule fois à condition d’être entériné, étant proposé «l’établissement des procès-verbaux d’entrée en phase d’exploitation par l’agence et la mise en place des services fiscaux, pour permettre aux porteurs de projets d’investissement de s’orienter dans leurs démarches vers un seul interlocuteur, l’application d’un taux modulable de la TVA pour les investissements réalisés dans le régime des secteurs prioritaires. Sixièmement, l’intégration d’une disposition se rapportant à l’information sur l’offre foncière en matière d’octroi et de disponibilité des terrains relevant du domaine privé de l’État destinés à la réalisation des projets d’investissement et les avantages à octroyer au profit des projets d’investissement et en accordant les pleins pouvoirs de décision aux représentants des organismes et des administrations au sein des guichets uniques, de façon à leur permettre de délivrer et d’octroyer l’ensemble des décisions, documents et autorisations en lien avec la concrétisation et l’exploitation du projet d’investissement. Septièmement, l’exemption des formalités du commerce extérieur et de domiciliation bancaire pour les biens neufs constituant un apport extérieur en nature» et la garantie de transfert de l’investisseur étranger ainsi que le montant transférable étant déterminés en fonction de sa part de financement dans le coût total de l’investissement.
2- Le nouveau code d‘investissement et les secteurs prioritaires pour dynamiser la croissance
Le nouveau code d’investissement structure les projets prioritaires, mettant en place trois régimes d’incitation : le régime d’incitation aux secteurs prioritaires est dénommé «régime des secteurs», celui des zones auxquelles l’Etat accorde un intérêt particulier est désigné «régime des zones», tandis que celui dédié aux investissements revêtant un caractère structurant est appelé «régime des investissements structurants». Ainsi, sont éligibles au «régime des secteurs» les investissements réalisés dans les domaines des mines et carrières, l’agriculture, l’aquaculture et pêche, l’industrie, l’industrie agro-alimentaire, l’industrie pharmaceutique et pétrochimique, les services et tourisme, les énergies nouvelles et renouvelables, ainsi que celui de l’économie de la connaissance et des TIC. Au titre de la phase réalisation, ces investissements peuvent bénéficier, outre les incitations fiscales, parafiscales et douanières prévues dans le cadre du droit commun, d’exonération des droits de douane pour les biens importés et de franchise de la TVA pour les biens et services. Sont éligibles au «régime des zones», les investissements réalisés dans des localités des Hauts-Plateaux, du Sud et du Grand Sud, dans des localités dont le développement nécessite un accompagnement particulier de l’Etat ou encore des localités disposant de potentialités en ressources naturelles à valoriser. Outre les incitations fiscales, parafiscales et douanières prévues dans le cadre du droit commun et les avantages attribués aux investissements relevant du «régime des secteurs» à la phase réalisation, les investissements du «régime des zones», dont les activités ne sont pas exclues, peuvent également bénéficier, au titre de la phase exploitation, d’exonération de l’IBS et de la TAP pour une durée allant de cinq ans à dix ans à compter de la date d’entrée en exploitation du projet et enfin sont éligibles «au régime structurant», les investissements à haut potentiel de création de richesse et d’emploi, susceptibles d’augmenter l’attractivité du territoire et de créer un effet d’entraînement sur l’activité économique pour un développement durable, selon le document. Ces projets peuvent jouir des incitations fiscales, parafiscales et douanières prévues dans le cadre du droit commun, ainsi que les avantages accordés aux «régime des secteurs» et «régime des zones» au titre de la phase réalisation, les avantages de réalisation pouvant être transférées aux contractants de l’investisseur bénéficiaire chargés de la réalisation de l’investissement pour le compte de ce dernier. Au titre de la phase d’exploitation, ils bénéficient également de d’exonération de l’IBS et de la TAP pour une durée allant de cinq ans à dix ans à compter de la date d’entrée en exploitation du projet.
3- L’efficacité du nouveau code d’investissement doit s’inscrire dans le cadre d’une vision stratégique
Une croissance économique plus forte et plus inclusive, en ciblant et facilitant les investissements stratégiques nationaux et étrangers dans le pays, implique une cohérence dans la politique socioéconomique devant assurer un environnement des affaires sain et stable et une réglementation efficace pour stimuler et encourager l’émergence des partenariats entre les différents acteurs économiques. Il faut être réaliste cela demandera du temps car pour le PMI/PME si le projet entre en production en 2023, il lui faudra deux à trois ans pour atteindre le seuil de rentabilité et pour les grands projets entre 5/7 ans, c’est une loi économique applicable à tous les pays. Pour l‘instant, en 2022, les entrées en devises pour 97/98% proviennent des Sonatrach y compris les dérivées qui sont comptabilisés dans la rubrique hors hydrocarbures pour un ratio en valeur, selon les statistiques douanières entre 60/70%. Cependant, si le gouvernement veut que le nouveau code d’investissement ait un impact réel, il y a urgence de s’attaquer aux freins réels c’est à dire à l’écosystème dont la bureaucratie centrale et locale paralysante, impliquant de profondes réformes structurelles devant synchroniser la sphère réelle et la sphère financière, la dynamique économique et la dynamique sociale. Le retour à la confiance, sans laquelle aucun développement n’est possible, passe par une vision stratégique clairement définie évitant l’instabilité juridique, du taux de change avec la dépréciation officielle du dinar, la dominance de la sphère informelle qui selon le président de la République contrôle entre 6.000 et 10.000 milliards de dinars soit entre 33 et 45% du PIB, tout cela freine l’attrait de l’investissement à moyen et long terme avec le risque d’amplifier les actions spéculatives, tant dans la sphère réelle (stockage de produits durables) que par l’achat de devises. Ainsi, l’Algérie a besoin surtout d’une stratégie de sortie de crise, s’adaptant aux nouvelles mutations, devant selon le président de la République doubler voire tripler son PIB estimé en 2022 à 180 milliards de dollars pour être un acteur actif au niveau des BRICS dont sa candidature d’adhésion sera étudiée courant août 2023. Il est entendu que la croissance de l’Algérie comme la majorité des pays dépendra de la croissance de l’économie mondiale largement influencée par les tensions en Ukraine, des tensions entre les deux plus grandes puissances économiques mondiales, la Chine et les USA et l’impact du réchauffement climatique, une croissance qui devrait connaître une récession relative pour 2023 selon le FMI et la Banque mondiale. Cependant, évitons la sinistrose où contraires à ce qu’avance un ex-ambassadeur français, comme je viens de le démontrer dans une revue européenne et dans de nombreux médias algériens, début janvier 2023, l’Algérie n’est pas naufragée. Avec la crise qui touche tous les pays, ayant un endettement extérieur faible 6/7% du PIB, des réserves de change d’environ 60 milliards de dollars fin 2022, une population jeune et dynamique, avec du réalisme, une nouvelle gouvernance, de profondes réformes structurelles conciliant efficacité économique et la nécessaire cohésion sociale -supposant une profonde moralité de ceux qui dirigent la Cité, l’Algérie acteur stratégique de la stabilité de la région méditerranéenne et africaine grâce aux efforts de l’ANP et de nos forces de sécurité, peut devenir un pays émergent. Une croissance forte entre 2023/2025 est déterminante pour absorber le flux annuel de demandes d’emplois, 350 000/400 000 qui s’ajoute au taux de chômage actuel, condition de la nécessaire cohésion sociale et de la sécurité nationale. L’Algérie en a les potentialités.