Face aux tensions géostratégiques: Nouvelle configuration énergétique et les huit conditions pour accroître l’approvisionnement en gaz de l’Europe par l’Algérie

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Face aux tensions géostratégiques, nous devrions assister à une nouvelle configuration énergétique 2022/2030. La forte hausse du prix du gaz et du pétrole, liée aux tensions internationales et aux conflits entre la Russie et l’Ukraine mettent en évidence la grande dépendance de l’Europe au gaz russe qui représente en 2021 entre 45/47% de sa consommation, où l’apport du nucléaire refait surface.

Par Abderrahmane Mebtoul Professeur des universités, Expert international Docteur d’Etat 1974

Face à cette situation, nous assistons à un non-consensus à court terme en matière d’approvisionnement contrairement aux discours. Ainsi , la Chine renforce ses relations avec la Russie sans compter l’Inde ; la présidente de l’union européenne vient de signer le 18 juillet 2022 un contrat pour les livraisons de gaz de l’Azerbaïdjan à l’UE qui devrait doubler, disposant du gigantesque champ gazier Shah Deniz en mer Caspienne ; la France qui vient à la fois de signer avec les Emiraties un contrat d’importation de pétrole et de gaz ; l’Espagne qui se tourne vers les USA et paradoxe vers la Russie en GNL première et deuxième position suivie de l’Algérie avec un grand contrat récemment avec le Qatar ; l’Allemagne fortement dépendante se tourne vers le charbon et vient de signer un contrat avec l’Egypte, rappelant l’existence du grand gisement en Méditerranée, environ 20.000 milliards de mètres cubes gazeux ; l’Italie renforce ses relations avec l’Algérie avec l’important accord signé le 19 juillet 2022 entre trois grandes firmes à savoir Occidental, ENI et Total, d’un montant de 4 milliards de dollars. Pour l’Italie pendant toute la période de 2010 à 2020, le volume de gaz russe importé était pratiquement stable, avec une moyenne de 28 milliards de m3, une dépendance en 2021 de 40% et selon l’AFP en date du 24/06/2022, une forte réduction ramenée à 25% à juin 2022, donc cherchant d’autres sources d’approvisionnement. D’une manière générale, l’Europe pourrait – elle s’affranchir à court terme du gaz russe en se tournant vers d’autres partenaires comme l’Algérie, qui, dans ce conflit a adopté une position de neutralité, étant considérée comme un acteur stratégique tant dans le domaine énergétique que sécuritaire, objet de cette présente contribution.

1 – Selon le FMI, si les tensions persistent, nous devrions assister à une récession de l’économie mondiale avec une forte inflation et un impact négatif sur le cours du pétrole/gaz entre fin 2022/2023. A court terme, l’Algérie peut profiter sur le plan financier de ces tensions du fait de l’important déficit budgétaire de l’Europe et de l’inflation le cours euro/dollar étant de 0,99 en date du 18 juillet 2022. Cela permet un pouvoir d’achat plus important pour les recettes de Sonatrach libellées en dollars et du fait que plus de 50% des importations provient de l’Europe, cela a un impact positif sur la valeur importations, par rapport à la cotation de 2021, une baisse proportionnelle, pour le même volume, mais sous réserve d’une stabilisation des prix internationaux. Cela aura également un impact positif sur les réserves de change qui ont évolué en 2013 à 194,0 milliards de dollars et fin 2021, à 44 milliards de dollars.. Il est prévu par le FMI sous réserve du maintien du cours du pétrole supérieur à 110 $ le baril, un cours du gaz supérieur à 15/20 $ le MBTU, une recette de Sonatrach d’environ 58 milliards de dollars pour fin 2022. Tenant compte que le gaz représente environ 33/35% des recettes de Sonatrach, environ 70% pour les canalisations et 30% pour le GNL permettant une plus grande flexibilité, d’un cours entre 90/100 $ pour le pétrole et d’un prix de cession du gaz à environ 10 $ le MBTU, du fait que les contrats pour le gaz sont à moyen et long terme, la révision des prix, prévue dans les contrats tous les deux à trois ans soit à la hausse ou à la baisse, selon le cours du marché, mais demandant des négociations, prenant des précautions, selon le PDG de Sonatrach les recettes des exportations algériennes en hydrocarbures devraient atteindre les 50 milliards de dollars vers la fin 2022. Mais attention il faudra dresser la balance devises dans la mesure où avec l’inflation, outre le lancement de nouveaux projets qui nécessitent des devises, il faut pondérer la valeur importations de biens et services, de 2021 d’environ 46 milliards de dollars pour le FMI dont 6 milliards de dollars pour les services, entre 30/40%. Donc, il ne faut pas être utopique, Sonatrach sera pour longtemps, la principale société pourvoyeur de devises d’où l’importance d’une vision stratégique de la transition énergétique, efficacité énergétique et énergies renouvelables représentant moins de 1% en 2021 de la consommation interne, faute d’une vision stratégique.

2 – C’est dans le cadre du renforcement de ses capacités d’exportation vers l’Italie dont le but est de remplacer les volumes russes d’Algérie et suite aux entretiens récents entre le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, avec son homologue italien, Sergio Matarella, et le président du Conseil, Mario Draghi, où les deux parties avaient convenus de booster le partenariat énergétique entre les deux pays, selon l’APS en date du 15 juillet 2022, l’Algérie augmentera de 4 milliards de m3 ses livraisons de gaz à l’Italie. Toujours, selon l’APS, l’Algérie, qui entretient des relations privilégiées avec l’Italie, a déjà livré à ce pays depuis le début de l’année 13,9 milliards de m3 dépassant de 113% les volumes prévisionnels, prévoit encore de livrer d’ici la fin de l’année 2022, six milliards de m3 supplémentaires de gaz algérien à l’Italie. Selon le site Energy Magazine en date du 15 juillet 2022, aucune précision n’a été fournie sur l’origine de cette augmentation dans un délai aussi court ainsi que son indexation en matière de prix, ce site rappelant que les exportations de gaz vers l’Italie ont atteint leur pic en 2010 avec 28,3 milliards de m3, puis ont chuté régulièrement et pratiquement de plus de 50% pour atteindre entre 6 et 7 milliards de m3 entre 2014 et 2015. Une légère reprise a eu lieu de 2016 en atteignant de nouveau entre 16 et 17 milliards de m3, avant de chuter à nouveau à partir de 2019 et 2020 avec respectivement 11,3 et 13,1 milliards de m3, les exportations de gaz citées ci-dessus comprenant une faible part de GNL voisine de 2 milliards de m3. A court terme, les capacités d’exportation vers l’Italie via la Tunisie à travers le Transmed, le Medgaz vers l’Espagne ayant une capacité depuis février 2022 d’environ 10,5 milliards de mètres cubes gazeux), sont soumis à différentes contraintes bien que le Transmed, a une capacité d’environ 32 milliards de mètres cubes gazeux. La décision récente nécessite une augmentation de la production surtout du gisement existant de Hassi R’Mel, les autres gisements étant marginaux, mais attention aux erreurs du passé sans précautions techniques pouvant conduire à l’épuisement des puits à terme. C’est que les exportations (à ne pas confondre avec la production) sont d’environ 500 000 barils de pétrole/j contre plus de 1 million de barils entre 2006/2007, et pour le gaz 65/70 milliards de mètres cubes gazeux entre 2006/2007 et seulement 43 milliards de mètres cubes gazeux en 2021. La consommation intérieure est presque le même volume que les exportations actuelles et sans de nouveaux investissements avec des découvertes rentables et une nouvelle politique énergétique (mix énergétique) dont celle des subventions , la consommation intérieure absorbera à horizon 2030, environ 80% de la production actuelle.

3 – Cependant sous réserve de huit conditions, notamment d’un nouveau modèle de consommation énergétique, d’un flux d’investissement important dont l’attrait des investissements étrangers –IDE, Sonatrach ayant prévu 40 milliards de dollars pour les cinq prochaines années dont huit pour 2022, l’Algérie peut devenir un acteur stratégique de l’approvisionnement de l’Europe, en passant de 11% à 20/25% entre 2025/2027: La première condition concerne l’amélioration de l’efficacité énergétique et une nouvelle politique des prix renvoyant au dossier de subventions. (voir l’audit sous notre direction assisté du bureau d’études américain Ernst & Young et des cadres de Sonatrach pour une nouvelle politique des carburants MEM Alger 8 volumes 780 pages 2008). Par exemple, en cédant le gaz à environ 10/20% du prix international à certaines unités fortement consommatrice d’énergie, on leur donne une rente, au détriment du Trésor public, et donc ne pouvant pas savoir si elles sont véritablement concurrentielles au niveau international et si en termes de balance devises elles sont rentables ; autre exemple, il n’existe pas de coordination entre le ministère de l’Habitat et celui de l’Énergie : où avec deux millions de logements annoncés, selon les méthodes traditionnelles, il faudra au moins deux climatiseurs ce qui donnerait 4 millions de nouveaux climatiseurs alors que les nouvelles techniques de construction peuvent économiser 30/40% d’énergie.

La deuxième condition est relative à l’investissement à l’amont pour de nouvelles découvertes d’hydrocarbures traditionnels, Sonatrach ayant acquis un savoir-faire, devant investir à l’international ; la troisième condition, est liée au développement des énergies renouvelables (actuellement dérisoire moins de 1% de la consommation globale) devant combiner le thermique et le photovoltaïque le coût de production mondial a diminué de plus de 50% et il le sera plus à l’avenir. Avec plus de 3000 heures d’ensoleillement par an, l’Algérie a tout ce qu’il faut pour développer l’utilisation de l’énergie solaire, l’objectif étant de couvrir par cette énergie 30/40% de la consommation interne à l’ horizon 2030/2035. Mais pour atteindre cet objectif il faudra, selon certaines études techniques investir environ 60 milliards de dollars, d’où l’importance d’un partenariat gagnant-gagnant afin de pouvoir à travers des interconnexions exporter vers l’Europe et l’Afrique espace naturel de l’Algérie ; la quatrième condition, selon la déclaration de plusieurs ministres de l’Énergie entre 2013/2020, l’Algérie compte construire sa première centrale nucléaire en 2025 à des fins pacifiques, pour faire face à une demande d’électricité galopante. Mais cela nécessitera, pour éviter des effets pervers une formation pointue ; la cinquième condition, est le développement du pétrole/gaz de schiste, (voir audit sous la direction du Pr Mebtoul opportunités et risques 8 volumes 1050 pages premier ministère 2015) , l’Algérie possédant le troisième réservoir mondial, d’environ 19 500 milliards de mètres cubes gazeux. Mais cela nécessite, outre un consensus social interne, de lourds investissements, la maîtrise des nouvelles technologies qui protègent l’environnement et des partenariats avec des firmes de renom (voir audit sous ma direction pétrole/gaz de schiste opportunités et risques) ; la sixième condition est la réactivation du projet gazoduc Algérie-Sardaigne-Italie, qui devait être mis en service en 2012 d’une capacité de 8 milliards de mètres cubes gazeux (voir ma conférence google.com 2012 à la chambre de commerce de Corse suite à ma mission ne Sardaigne pour défendre ce projet et qui a été gelé par la partie italienne) ; la septième condition est l’accélération de la réalisation du gazoduc Nigeria-Europe via l’Algérie, où l’idée de projet date vers les années 1980, d’une capacité de plus de 33 milliards de mètres cubes gazeux, mais nécessitant, environ 20 milliards de dollars et l’accord de l’Europe principal client. Mais le gouvernement nigérien doit éviter des discours contradictoires de ses différents responsables soit le Maroc dont le coût avoisine 30 milliards de dollars et celui de l’Algérie environ 20 milliards de dollars, estimation entre 2019/2020 et dont le coût pourrait évoluer ; la huitième condition est le développement de l’hydrogène comme énergie du futur horizon 2030/2040, l’atout de l’hydrogène est sa grande densité énergétique, un kg permettant de stocker trois fois plus d’énergie qu’un kilo d’essence, et cent fois plus que les meilleures batteries électriques.

En résumé, les tensions actuelles préfigurent un profond bouleversement géostratégique. Dans le domaine énergétique, selon nos informations de Bruxelles, un plan opérationnel vient d’être mis en place afin d’accélérer la transition énergétique entre 2025/2030, seule condition à la fois pour dépendre moins des énergies traditionnelles et lutter contre le réchauffement climatique. La future stratégie numérique avec le danger des cyberattaques et énergétique mondiale, affecte les recompositions politiques à l’intérieur des États comme à l’échelle des espaces régionaux. Aucun pays dans le monde ne s’étant développé grâce aux matières premières, l’objectif pour l’Algérie est que cette rente, évitant les erreurs du passé, (plus de 1000 milliards de dollars de recettes en devises entre 2000/2021) serve à asseoir une économie diversifiée hors hydrocarbures dans le cadre des avantages comparatifs mondiaux, impliquant une autre gouvernance.

  1. M.