Sans de profondes réformes et la stabilisation de la cotation du dinar, du blocage de certaines taxes sur le niveau de l’inflation et le pouvoir d’achat: Quels impacts ?

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Le caractère social de l’Etat ne doit pas reposer sur la rente des hydrocarbures et de versements de salaires ou de subventions sans contreparties productives mais sur le travail et l’intelligence pour un développement durable conciliant l’efficacité économique et une profonde justice sociale à laquelle je suis profondément attaché. On en peut comprendre le processus d’inflation et donc sa maîtrise, sans le replacer dans le cadre des mutations mondiales et du cadre macroéconomique et macro-social interne.

Par le Professeur expert international Abderrahmane Mebtoul

1 – Les dernières mesures du président de la République de geler certaines taxes s’assimilent à des subventions dont le montant sera plus élevé que celui prévu dans la loi de finances 2022. Selon les prévisions de la loi de finances 2022, les subventions implicites, constituées notamment de subventions aux produits énergétiques et des subventions de nature fiscale, représentent environ 80 % du total des subventions et que les subventions explicites représentent un cinquième du total des subventions, étant dominées par le soutien aux prix des produits alimentaires et aux logements étant prévu 1942 milliards de dinars, soit 14,17 milliards de dollars et 19,7 % du budget de l’État. C’est là un dossier très complexe devant éviter la précipitation, sociale pouvant avoir des effets pervers ce qui explique la décision du président de la République afin d’éviter de vives tensions sociales. Comme j’avais mis en garde le gouvernement, sans maîtrise du système d’information et la quantification de la sphère informelle, afin de quantifier les revenus informels, cette réforme de subventions ciblées est impossible à réaliser, surtout en cette période avec le retour de l’inflation qui encourage les activités spéculatives. risquant d’accroître les inégalités sociales, certes atténuées par la crise du logement qui renforce la solidarité familiale (même marmite, mêmes charges), assurant une paix sociale éphémère. Le problème est identique pour l’allocation chômage où le président de la République s’exprimant, dans le cadre de ses rencontres avec les représentants des médias nationaux et retransmise, le 15 février 2022 a affirmé que le montant de l’allocation chômage aux primo-demandeurs dont la tranche d’âge est entre 19/40 ans, est fixée à 13.000 DA par mois et les chômeurs primo-demandeurs bénéficieront d’une couverture sociale à partir du mois de mars 2022 concernant 620.000 chômeurs inscrits. Certes, l’État va procéder au contrôle au cas par cas, les bénéficiaires devant s’inscrire à l’Agence locale de l’emploi de sa résidence et que l’allocation sera automatiquement annulée dans le cas où le demandeur obtient un emploi dans le secteur privé ou public, ou s’il refuse deux offres d’emploi. Si l’on prend l’hypothèse que les 620 000 bénéficient de cette allocation le montant total annuel dépasse les 96 milliards de dinars et avec la couverture sociale plus de 100 milliards de dinars. Le grand problème: est-ce des emplois administratifs/rente ce qui amplifie les tensions budgétaires ou des emplois créateurs de valeur ajoutée ? Par ailleurs, en dehors des produits subventionnés pour la majorité des autres produits, pour que cette mesure atténue l’inflation, puisque 85% des produits de consommation et des matières premières pour les entreprises sont importées, le taux de dévaluation du dinar doit être inférieur au taux de baisse des taxes , sinon cette mesure n’aura aucun effet. Il faudra évaluer le montant de cette décision sur le déficit budgétaire évalué à plus de 30 milliards de dollars pour 2022, atténué certes artificiellement par la dévaluation du dinar réalisant une épargne forcée, avec une certaine marge avec des recettes des hydrocarbures plus importantes si le cours durant l’année 2022 se maintient à plus de 80 dollars le baril. Il est urgent de réévaluer l’indice des prix à la consommation car le consommateur algérien n’est pas un tube digestif, le besoin étant historiquement daté ; aujourd’hui avoir un portable ou un ordinateur et même une voiture moyenne n’est pas un luxe. Et cela touche surtout les couches moyennes qui se paupérisent et dont les meilleurs cadres s’exilent à la fois pour des raisons de considérations mais également pour un salaire dérisoire. Dans ce cadre, une politique strictement monétariste sans vision stratégique en symbiose avec la sphère réelle et sociale ne peut que conduire le pays à l’impasse. Deux expériences à méditer pour l’Algérie : la politique économique de l’ère communiste de la Roumanie avec un endettement zéro, une restriction drastique des importations pour préserver les réserves de change et une économie en ruine avec une inflation laminant la population qui a conduit à l’implosion sociale et l’expérience vénézuélienne première réserve mondiales de pétrole avant l’Arabie saoudite, une omniprésence de la gestion bureaucratique étatique, ayant recours au financement non conventionnel, à une dévaluation accélérée de sa monnaie n’ayant pas permis de relancer les sections hors rente, puisque destinée aux activités ne créant pas de valeur, avec comme conséquence une paralysie de l’économie et une hyperinflation de plus de 1000%. Pour l’Algérie comme démontré dans plusieurs contributions nationales et internationales, la dévaluation accélérée du dinar de 1974 à février 2022 contrairement aux théories classiques libérales que toute dévaluation dynamise les exportations , thèse abandonnée même par le FMI qui pour les pays en transition vers l’économie de marché, souffre de rigidités structurelles avec une offre limitée et une demande en expansion avec la pression démographique, conditionne cet ajustement à de profondes réformes institutionnelles et micro économiques, n’ a pas permis de développer les exportations hors hydrocarbures. Pour preuve sur les 4 milliards de dollars annoncés par le ministère du commerce, Sonatrach sur un total de 34,5 milliards de dollars de recettes, annoncé au sein de ce montant plus de 2,5 milliards de dollars en 2021 pour les dérivés d’hydrocarbures. Pour ne pas induire en erreur l’opinion publique, sur le montant restant de 1,5 milliard de dollars, l’important étant de dresser la balance devises nette l’on doit soustraire les matières premières importées en devises, les subventions du gaz environ 10% par rapport au prix international pour les unités exportatrices fonctionnant au gaz ( ciment et les produits sidérurgiques) et les différentes exonérations fiscales.

2 – C’est dans ce contexte que doit s’inscrire la compréhension du processus inflationniste devant le relier au retour de l’inflation mondiale aux équilibres macroéconomiques et macro-sociaux, selon une vision dynamique. Dans ce contexte, quelle est l’évolution la cotation du dinar, des réserves de change et du taux d’inflation ?

Premièrement, l’évolution du cours officiel du dinar corrélé aux réserves de change via les recettes d’hydrocarbures à plus de 70% pour la période de 2001 à février 2022 est la suivante. 2001 : 77,26 DA un dollar et 69,20 DA un euro – 2005 : 73,36 DA un dollar et 91,32 DA un euro – 2010 : 74,31 DA un dollar et 103,49 dinars un euro – 2015 : 100,46 DA un dollar et 111,44 DA un euro – 2016 : 100,46 DA un dollar et 111,44 DA un euro – 2017 : 110,96 DA un dollar et 125,31 DA un euro – 2018 : 116,62 DA un dollar et 137,69 DA un euro – 2019 : 119,36 DA un dollar et 133,71 DA un euro – 2020 : 128,31 DA un dollar et 161,85 DA un euro. -2021- une moyenne de 139 DA un dollar et 160 DA un euro et le 16 février 2022 140,36 DA un dollar et 159,64 DA un euro avec une prévision de dévaluation du dinar par rapport au dollar, entre 5/10% selon la loi de finances 2022 entre 2023/2024. Cette dépréciation du dinar par rapport au dollar et à l’euro accélère la méfiance du citoyen vis-à-vis du dinar, en plus du manque de liquidités, amplifiant la sphère informelle où selon la Banque d’Algérie entre 2019/2020, la masse monétaire circulant en dehors du circuit bancaire, a atteint 6140,7 milliards de dinars (près de 47,23 milliards de dollars au cours de 130 dinars un dollar ) à la fin de l’année 2020 soit une hausse de 12,93% par rapport à 2019. Le président Abdelmadjid Tebboune, lors de sa rencontre avec la presse le 4 avril 2021, a indiqué que le chiffre oscillerait entre 6.000 et 10.000 milliards de dinars entre 33 et 47% du PIB, le président, soulignant des données contradictoires et un système d’information non fiable. Malgré des discours, nous avons des mesures adoptées pour drainer une partie de cet argent, comme la finance islamique, qui a permis de drainer fin 2021 selon la déclaration du Premier ministre , seulement 100 milliards de dinars soit à peine 1% si l’on prend le montant de 10.000 milliards de dollars. (voir étude sous la direction du Pr Abderrahmane Mebtoul pour l’Institut français des relations internationales (IFRI Paris) décembre 2013, les enjeux géostratégiques de la sphère informelle au Maghreb et revue stratégique de défense nationale MDN IMDEP octobre 2019 ). L’effet d’anticipation d’une dévaluation rampante du dinar a un effet négatif sur les sphères économique et sociale. Le taux d’intérêt des banques devrait le relever de plusieurs points, s’ajustant aux taux d’inflation réelle, freinant à terme le taux d’investissement à valeur ajoutée. La déthésaurisation des ménages face à la détérioration de leur pouvoir d’achat, met des montants importants sur le marché, alimentant l’inflation, plaçant leur capital-argent dans l’immobilier, des biens durables à forte demande comme les pièces détachées facilement stockables, l’achat d’or ou de devises fortes. Cette dévaluation du dinar a permis d’augmenter artificiellement la fiscalité hydrocarbures (reconversion des exportation hydrocarbures en dinars) et la fiscalité ordinaire (via les importations tant en dollars qu’en euros convertis en dinar dévalué), cette dernière accentuant l’inflation des produits importés (équipements), matières premières, biens finaux, montant accentué par la taxe à la douane s’appliquant à la valeur dinar, étant supportée en fin de parcours, par le consommateur comme un impôt indirect, l’entreprise ne pouvant supporter ces mesures que si elle améliore sa productivité.

A. M.

A suivre…