Une exposition de photographies et de textes, ouverte à Alger, sur l’œuvre du Père Charles de Foucauld, retrace le parcours atypique de l’ermite et l’ethnologue, connu pour avoir voué sa vie au service des Touaregs dans le Grand Sud algérien, un statut qui cachait bien le «Saint de la colonisation» qu’il aura été.
Visible jusqu’au 10 décembre à la Basilique Notre-Dame d’Afrique à Alger, l’exposition se décline en 12 panneaux qui résument la «partie apparente» de la vie du Père Charles Eugène de Foucauld (Strasbourg 1856 – Tamanrasset 1916), ancien militaire, moine trappiste et prêtre ermite promu par Le Vatican à la canonisation en mai 2022 à Rome. Dressés à la salle des prières en forme de demi-cercle, les panneaux, reviennent en image appuyées par des textes authentiques sur le parcours «exemplaire» de l’ermite qui, à l’âge de cinq ans déjà, perdait ses parents, pour grandir chez son grand-père, le colonel De Morlet. Le père est ensuite montré à différentes étapes d’une jeunesse qualifiée d’«inquiétante», d’abord étudiant plutôt tourné vers la vie, puis sous-lieutenant au régiment de garnison à Pont-à-Mousson transféré à Sétif puis renvoyé pour ses fréquentations et ses attitudes légères, son entrée aux Ecoles, militaire de Saint-Cyr, et de Cavalerie de Saumur où il finit dernier de la liste. Reconverti à la foi chrétienne, Charles de Foucauld vouera sa vie au service d’autrui à Béni Abbèes notamment, avant de se retirer au sommet de l’Assekrem dans les montagnes du Hoggar au nord de Tamanrasset, où il s’est construit en 1911 son propre ermitage. L’ethnologue réalisera, entre autres, quatre tomes d’un «Dictionnaire touareg-français» et plusieurs recueils de Textes touaregs en prose et proverbes, de Poésies touarègues avec traduction historique, de 575 poésies en deux tomes, rassemblant plus de 6000 vers dans le parler local, ainsi que des «notes pouvant servir à un essai de grammaire touaregue». L’homme de foi s’avérera néanmoins, doublé d’un agent de renseignements qui collaborait avec l’armée coloniale française selon plusieurs témoignages qui ont permis de reconstituer «ce qu’a dû être l’image, assez éloignée de l’icône consacrée» qu’on se faisait de lui. La plupart des Touaregs savaient que les militaires tenaient à Charles De Foucauld, «homme au visage innocent, marqué par les privations et les jeunes, soucieux dans les petits détails de ce qui pourrait améliorer leur vie matérielle et ayant fait l’effort d’apprendre leur langue», alors qu’en réalité, il n’était qu’un relais de l’armée coloniale bien infiltré parmi la population autochtone. Il a attribué aux Touaregs sa propre admiration pour la culture française et mis dans leur bouche ce qui, au moment où il écrit, est devenu le portrait officiel du Père dans l’hagiographie coloniale. Charles de Foucauld, béatifié le 13 novembre 2005 par Benoît XVI, sera canonisé le 15 mai prochain à Rome avec six autres bienheureux. Organisée par la Basilique «Notre Dame d’Afrique», l’exposition retraçant le parcours du Père Charles de Foucauld est également programmée, selon le recteur de la basilique, pour marquer les 150 ans de «la consécration, à Alger, de la Basilique Notre Dame d’Afrique en juillet 1872».
M. Toumi /Ag.