Hacène Begriche, poète et militant : «La poésie, un moyen important pour archiver l’Histoire»

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Hacène Begriche est un poète et militant engagé. Il a avait des relations intimes avec les moudjahidine durant la Guerre de Libération, une période qui a marqué sa vie. Le poète trouve en la poésie historique, un moyen de relater des faits de l’Histoire nationale. Il a consacré ses poèmes, depuis l’an 2000 pour servir de témoignages historiques. Begriche arrime à merveille ses vers à travers trois langue : le Kabyle, le Français et l’Arabe dialectal. Begriche nous a accordé un entretien avec beaucoup d’émotion et de sensibilité à l’occasion de la célébration du 61e anniversaire du Déclenchement de la guerre de Libération, cette date phare de l’Histoire nationale. L’homme prépare un livre dédié à la 1ère étincelle de la Révolution.

L’Echo d’Algérie : Qui est Ahcène Begriche ?

M. Begriche : Je suis un autodidacte qui a appris à lire et à écrire en côtoyant des intellectuels moudjahidine pendant la Révolution algérienne. J’ai commencé mes premiers poèmes en 2000. J’ai eu l’occasion de participer dans différentes rencontres culturelles à travers le territoire national. Je suis membre de l’établissement Arts et Culture d’Alger et je participe à des émissions de la Radio et Télévision algérienne.

Il s’avère que la Guerre de Libération vous a marqué et cela se reflète dans vos écrits. Comment vulgarisez-vous cette phase historique décisive de l’Algérie ?

A cette époque, j’étais très jeune. J’avais 9 ans seulement. Mais, j’ai accompli des tâches ménagères pour les Moudjahidine  lorsqu’ils se rendirent au maquis. Je portais à manger dans les refuges et transmis les missives. Je me rappelle qu’une fois, j’ai transmis un message entre un moudjahid et une femme qui soignait les blessés. Beaucoup de fait m’ont marqué également. Je me souviens également que lorsque l’Armée française redoute la présence des Moudjahidine, elle passait les lieux à peigne fin, et elle interrogeaient tous les villageois . Aucun d’eux ne lâche une information  concernant les combattants de la libération . A l’heure de la mobilisation et l’appel à l’Armée, ma mère me mettait les vêtements de fille afin que je ne sois pas pris par l’Armée française, qui après la fin de la Deuxième Guerre mondiale, a fait subir au peuple algérien les pires des tragédies.

Dans ce climat morose, les Algériens étaient unis et déterminés à lutter pour une seule cause: celle de la Libération. Je vous raconte quelque chose ; une fois à l’école française, j’avais le courage de frapper un militaire français avec un coup de pied. Je me cachais dans une foule d’élèves, personne ne m’a dénoncé. Ils étaient tous complices avec moi. Je garde toujours l’image des Moudjahidine  entrain de faire la prière collectif.

Etes-vous un écrivain engagé et en quoi militez-vous ?

J’écris des poèmes et des livres. Ma poésie retrace l’Histoire de notre identité, notre islamité et algérianneté. Je rédige en trois langues : le kabyle, le français et l’arabe dialectal. Ma poésie a pour objectif de narrer l’Histoire, de la vulgariser à travers des mots rimés. La poésie historique consiste à transmettre des faits réels à travers la bonne parole. J’ai réalisé un DVD en 2011 qui retrace certaines dates de l’Histoire de l’Algérie depuis l’ère romaine jusqu’au 1er Novembre 1954. Il contient 17 poèmes en langue amazigh, d’une durée de 21 minutes,  illustrés  d’images réelles de la Révolution dont la source est le musée du Moudjahid de Tizi-Ouzou. Parmi les thèmes retenus dans ce travail, il y a les ruines romaines, les atrocités de l’Armée française, la rencontre des 22, le Congrès de la Soummam….etc.

Je lutte pour l’humanité, la préservation de notre culture, et l’environnement.

Quelles sont vos sources de documentation ?

Tous les  ouvrages ou écrits concernant la Révolution. Je fais mes recherches dans les bibliothèques, les musées, je sélectionne le thème et ensuite je compose ma poésie. Dans ma quête, j’ai eu l’occasion de visiter le musée de France, là j’ai trouvé un nombre de photo et des documents concernant le 1er Novembre, des visages connus de la Révolution…etc.

Comme vous le saviez,  la poésie révolutionnaire dans la majorité est orale. Elle s’est  transmise par la voie orale entre  les générations. Le moment est venu pour qu’elle soit rédigée, préservée afin qu’elle soit un moyen d’archiver notre Histoire.

Que préparez-vous pour les prochaines échéances ?

Je suis entrain de préparer un livre sur la Révolution, la préface s’intitule «le Serment», qui veut dire l’unanimité de tout le peuple algérien pour une seule cause : la liberté. Pour le moment je pense lui donner comme titre : «le parcours d’un adolescent pendant la Guerre de Libération», pour mettre la lumière sur des faits que j’ai vécu pendant la Révolution et mettre en envergure les différentes batailles qui se sont déroulées dans mon village à cette époque. A titre d’exemple, la bataille d’Ezemmourène, où plus de 136 martyrs sont tombés au champ d’honneur. Une stèle symbolise cette bataille à été inaugurée à Aït Khelili. Je signale également que le communiqué du 1er Novembre a été tapé  à Ighil Imoula dans la maison d’Ali Zaâmoum. D’ailleurs, quand le texte se rédigeait en dactylo, on faisait du bruit pour que l’Armée française ne découvre pas ce qu’on faisait.

Quel message pourriez-vous lancer à l’occasion de la célébration du 1er Novembre ?

Malgré les souffrances subies, avec l’aide du Dieu, nous avons pu faire face à une des plus puissante force coloniale. Je lance un appel au peuple algérien, notamment la jeunesse à œuvrer pour l’édification de ce pays, sa prospérité. Notre bataille actuelle est une bataille économique et culturelle, elle nous oblige à retrousser nos manches pour travailler afin que l’Algérie indépendante retrouve le chemin du développement et de la prospérité.

Je trouve que la poésie étant un art, peut jouer un rôle important dans la transmission des informations et des faits liés à notre Histoire et notre patrimoine et culture. Elle sert à archiver des faits réels et peut servir à un gisement d’information, puisque la Guerre de Libération une Révolution où chacun a essayé  à sa manière de contribuer à la liberté du pays, même avec la parole.

Il détient des photos historiques sur les opérations de ratissage menées par l’administration coloniale, comme il possède à la première levée du drapeau algérien après la déclaration de l’indépendance en 1962 au village d’Akerrou.

Bio Express :       

Hacène Begriche est un poète et militant engagé. Né le 23 juillet 1945 dans une famille modeste de haute Kabylie et précisément au village d’Akerrou situé dans la commune d’Aït Khelili, daïra de Mekla. Beghriche a perdu son père dès son jeune âge (à 7ans), son premier apprentissage s’est fait avec sa mère et son petit frère autour de Kanoun, qui est un apprentissage des histoires de la vie au sein de la famille.

Après ses études à la mosquée du village, il a fait ses premiers pas dans un contexte difficile pour les Algériens du temps du colonisation  française. Au déclenchement de la Révolution, M. Begriche n’avait que neuf ans et c’est à partir de là qu’il a vu le vent de la liberté souffler.

Entretien réalisé par Hakima Hadjam