Hirak-Mouloud Hamrouche : « il est temps  pour que l’armée passe à l’étape attendue par le peuple »

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L’ancien chef de gouvernement, Mouloud Hamrouche,  a jugé hier « primordial » pour les Algériens d’obtenir un accord sur « le  schéma final de l’organisation de l’Etat et ses pouvoirs régaliens »,  appelant l’armée qui a adhéré aux revendications légitimes du peuple à  « contribuer au parachèvement de l’édification de l’Etat national ».

 » (…) il serait primordial d’obtenir des tenants du système, de l’armée  et des partis un accord, sur le schéma final de l’organisation de l’Etat et  ses pouvoirs régaliens, la place de l’armée comme structure étatique de  défense et de sécurité, la forme démocratique de gouvernement, de contrôle  politique et institutionnel qui seront en œuvre à l’avenir », a-t-il écrit  dans une contribution intitulée « Impasses, menaces et issues » publiée sur  les colonnes du quotidien El-Watan.  Pour Mouloud Hamrouche, « la question n’est pas de savoir qui détient  aujourd’hui plus de capacité, suffisamment d’intelligibilité et de ressort  pour sauver le pays et son armée », mais « comment contribuer à canaliser  cette vitalité et ce génie d’un peuple puissant par sa jeunesse et par son  émigration, en Europe et par le monde, qui tient à faire aboutir son projet  Algérie ». Il a estimé, à ce titre, qu’il serait « exagéré de croire que la démission  de Bouteflika, la désignation du chef de l’Etat intérimaire, l’organisation  d’une présidentielle vont colmater toutes les failles, faire disparaître  tous les griefs, soigner tous les stigmates et concrétiser toutes les  espérances ». Pour cet homme d’Etat, « cela risque de nous faire perdre de vue des leçons  précieuses de l’histoire de notre jeune gouvernance à l’algérienne qui nous  a conduit là où nous sommes aujourd’hui et nous faire oublier de ruineux  gaspillages en temps et en ressources humaines et financières ». L’ancien chef de gouvernement a regretté, dans ce contexte, « l’incapacité,  aujourd’hui, comme hier, des élites gouvernantes à faire aboutir un  processus d’édification de l’Etat national ou d’imaginer et de mettre en  place des instruments et mécanismes légaux d’une gouvernance résiliente et  légitime ».  Ces échecs, a-t-il poursuivi, « sont à l’origine de beaucoup de nos revers,  gâchis, retards et impasses ».  « Ils constituent, à eux seuls, de redoutables menaces sur nos minces et  précieux acquis de liberté et de souveraineté arrachés au prix du sang  d’innombrables martyrs et d’immenses sacrifices », a-t-il souligné. Selon Mouloud Hamrouche, « les contributions et suggestions avancées et  proposées par nos politiques, penseurs, experts et exégètes sont dignes  d’intérêt, mais restent sans effet ».  « Elles calent toutes, par-delà les avantages et les limites intrinsèques  de chacune, par l’absence cruelle de cette puissante mécanique qui  gouvernerait l’élaboration d’une solution, sa mise en œuvre et le contrôle  de son exécution jusqu’à son aboutissement final. Elles calent aussi par  l’absence de détermination au préalable d’un schéma final. C’est le schéma  final qui indique le modèle, détermine les processus et définit les champs  et les temps », a-t-il expliqué. Il a soutenu que les semaines à venir « seront « critiques et décisives pour  démontrer si les élites politiques seront capables d’aller de l’avant en  mettant à l’abri l’Etat et l’armée par le développement de vrais  instruments et mécanismes d’une démocratie gouvernante et d’un vrai  contrôle par de vraies institutions et de vrais élus ». Il a mis en garde contre « l’absence d’issues et de difficulté  d’agrégations et de convergences à la hauteur de la mobilisation unitaire  des Algériens, qui risquent de ternir encore plus l’image et la réputation  de nos élites gouvernantes et de faire croire qu’elles n’arrivent pas à  s’entendre sur un partage des pouvoirs, des privilèges ou pour des raisons  chauvines ».  L’ancien chef de gouvernement a prévenu, à ce propos, qu' »une course au  pouvoir et aux postes risque de faire échouer toutes les bonnes volontés et  gâcher toutes les opportunités », soulignant, d’autre part, que « le  commandement (de l’ANP, NDLR) en rejoignant le peuple dans ses  revendications légitimes a su sauvegarder le statut national de l’armée ».  Néanmoins, il a estimé qu’il lui reste à « contribuer au parachèvement de  l’édification de l’Etat national par la mise en place d’une Constitution et  d’institutions de vrais pouvoirs d’autorisations, de régulations,  d’habilitations et de contrôles ».  « Cela mettra l’armée définitivement à l’abri des conflits politiques  partisans, permettra de servir de base politique au gouvernement ou d’être  un outil entre les mains d’un omnipotent », a-t-il justifié. Détaillant sa vision, Mouloud Hamrouche a estimé qu' »une mobilisation  populaire, quelles que soient sa dimension et sa profondeur, ne donnera pas  facilement de prolongements humains, politiques et institutionnels, même à  travers des instances transitoires ou des conférences nationales ».  « Cela reste de la responsabilité et du devoir de l’armée et de toutes les  élites nationales », a-t-il soutenu, soulignant que  ce mouvement populaire offre à l’armée et aux partis des « possibilités  certaines ».  Ce mouvement du peuple, a-t-il relevé, « attend d’eux des perspectives  prometteuses avant qu’il ne s’estompe ou sombre dans des violences  primaires ». Pour Mouloud Hamrouche, « le hirak pacifique a produit des acquis  appréciables », soutenant que ce mouvement populaire « a empêché une  confrontation sanglante entre clans par l’intermédiaire des réseaux  d’allégeance et d’obédience ».  « Par son ampleur unitaire, le mouvement a évité à l’armée d’intervenir et  de garder sa cohésion intacte. Ensuite avec l’évolution de la situation au  sein du sérail, l’armée a pris naturellement et formellement position avec  le peuple. Ce qui lui permet de ne pas être en contradiction avec son  statut d’armée nationale et de ne pas être une cible fragile à détruire par  d’autres puissances étatiques étrangères, particulièrement méditerranéennes  ou de l’OTAN, à l’instar de celles de l’Irak, de la Libye et de la Syrie »,  a-t-il ajouté.

T.M/ Ag