Le président français Emmanuel Macron a affirmé hier que le militant Maurice Audin « avait été torturé puis exécuté ou torturé à mort » par l’armée française, durant la guerre de libération nationale (1954-1962).
Dans un hommage à Josette Audin, veuve du mathématicien et militant de la cause algérienne, enlevé et assassiné par l’armée française en juin 1957, le président Macron a rappelé, qu’arrêté à son domicile par des militaires français le 11 juin 1957, Maurice Audin « ne revint jamais ». « Il avait été torturé puis exécuté ou torturé à mort par ceux qui l’avaient arrêté », a-t-il affirmé, soulignant que la plainte pour enlèvement et séquestration que Josette Audin déposa alors « achoppa, comme d’autres, sur le silence ou le mensonge des témoins-clés ». Il a encore rappelé que « l’enquête fut définitivement close en 1962 par un non-lieu, en raison des décrets d’amnistie pris à la fin de la guerre d’Algérie, qui mirent fin à toute possibilité de poursuite ». « Déplaçant alors son combat pour la justice sur le terrain de l’établissement et de la reconnaissance de la vérité, des faits historiques et des responsabilités politiques, Josette Audin continua à se battre avec une détermination inébranlable pour savoir ce qui était arrivé à son époux, puis pour que cette histoire soit connue, et, plus généralement, pour que l’histoire complexe et douloureuse de la guerre d’Algérie soit regardée avec courage et lucidité », a-t-il ajouté. Il a également évoqué son combat de plus de soixante ans, en compagnie de ses enfants, au sein de l’Association Maurice-Audin, avec le soutien d’historiens comme Pierre Vidal-Naquet, de mathématiciens et de journalistes. « Josette Audin s’est inlassablement mobilisée pour que jamais le souvenir de Maurice Audin et la mémoire de son sort ne s’éteignent », a-t-il mentionné. Ce combat, a-t-il poursuivi, a été également mené pour que « l’Etat reconnaisse la responsabilité des gouvernements français qui, durant la guerre d’Algérie, échouèrent à prévenir et à punir le recours à la torture, faillirent à cette mission fondamentale qui incombe à toute autorité démocratique d’assurer la sauvegarde des droits humains et, en premier lieu, l’intégrité physique de celles et de ceux qui sont détenus sous leur souveraineté ». « La vie de Madame Audin fut une vie d’amour et de combat pour son mari et pour la vérité. C’est son viatique et la source de notre profond respect », a-t-il conclu. Le 13 septembre dernier, le président Macron, en rendant visite à Josette Audin, avait reconnu le rôle de la France dans l’assassinat de son mari et la pratique de la torture durant la Guerre de libération nationale. Josette Audin est décédée samedi à Bagnolet (Paris) à l’âge de 87 ans.
Josette Audin est décédée « quelques mois après avoir gagné le combat de sa vie »
Dès l’annonce du décès de Josette Audin, en début d’après-midi de dimanche par le journal l’Humanité, les hommages n’ont pas cessé d’être rendu sur le combat de cette femme courage qui a passé 61 années pour demander la vérité sur la mort de Maurice Audin, torturé et assassiné par l’armée française après son enlèvement en juin 1957. La veuve de Maurice est décédée samedi à Paris (Bagnolet) à l’âge de 87 ans, presque cinq mois après la reconnaissance officielle du président Emmanuel Macron de la responsabilité de l’Etat français dans l’assassinat de son époux. L’ambassadeur d’Algérie en France, Abdelkader Mesdoua, a écrit sur son compte Twitter : « Comme son mari, la défunte a consacré sa vie à défendre l’Algérie et soutenir son peuple face au colonialisme », adressant ses condoléances les « plus sincères » et sa « profonde » compassion à sa famille et à ses proches. L’un des proches de la famille Audin, le député Cédric Villani a indiqué dans un tweet qu’il garde en lui « le souvenir vif de chacune de mes rencontres avec Josette Audin, forte de soixante ans de combat pour la vérité, inspiration pour une vie entière », soulignant que la défunte « indignée ou confiante, meurtrie ou sereine », elle est « apaisée enfin ». Le sénateur Pierre Laurent a quant à lui estimé que la disparition de Josette Audin est « associée pour toujours au combat pour la vérité sur l’assassinat de son mari Maurice. Une femme de courage et de dignité », tandis que le député communiste Sébastien Jumel Sébastien Jumel a affirmé que « son combat inlassable pour la vérité et la justice nous oblige ». « Sa persévérance, la reconnaissance obtenue du président de la République de la responsabilité de l’Etat français nous montrent la voie : ne rien lâcher », a-t-il écrit sur Twitter. Pour Christian Favier, président du Conseil départemental du Val-de-Marne, a considéré que le combat de Josette Audin contre l’injustice et le colonialisme « restera un exemple », soulignant qu’il est de « notre responsabilité de le faire connaître largement et notamment auprès des jeunes générations ». Par ailleurs, la presse française a, dans son ensemble, rapporté la nouvelle en mettant en relief le combat de cette dame patience, rappelant les conditions d’assassinat de Maurice Audin en pleine guerre de libération nationale durant laquelle la torture a été instituée par l’Etat français en donnant les pouvoirs spéciaux à l’armée française. L’Humanité a écrit qu’elle emporte avec elle « l’histoire intime de la grande Histoire, celle qu’elle aura contribué à écrire par sa persévérance et son courage ».
Yasmine Derbal / Ag