Statistiques morbides

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Le ministère du Commerce est catégorique : 98 % des appareils de chauffage mis en vente en Algérie sont conformes aux normes de sécurité. Qu’ils soient importés ou produits localement. Mais alors comment se fait-il qu’il y ait tant de victimes ? On pourra avancer l’argument de négligence puisque, nous dit-on, les normes de sécurité n’ont pas été respectées. Mais pourquoi parle-t-on d’appareils défectueux puisqu’il y a indéniablement des défauts de fabrication. C’est le tribut d’un libéralisme débridé qui a fait de n’importe quel margoulin un importateur attitré toujours prompt à acheter la marchandise bas de gamme pour en tirer le maximum de profit. Un appareil de chauffage qui fonctionne bien est censé sortir d’usine avec le maximum de mesures de sécurité et étrangement, arrivés à domicile, il se met à dégager son gaz mortel, tuant sur le coup des familles entières. Et au ministère de se féliciter: l’année dernière à pareille période, il y a eu plus de morts que cette année ! Quelques victimes de moins, nous sommes en progrès ! Alors qu’il fallut mettre sur place un système de contrôle rigoureux aux frontières et à la sortie d’usine pour passer au peigne fin tout appareil à gaz, radiateur, chauffe-bain, cuisinière, voilà qu’on joue sur les statistiques. De plus, ces drames n’atteignent généralement que des familles démunies, celles-là qui échappent aux messages d’avertissement sur les dangers du gaz, qui ne songent pas à vérifier leurs appareillages et qui dorment à plusieurs dans une même pièce fermée, multipliant ainsi les risques. C’est donc devenu une fatalité que de compter ses morts chaque hiver, ces victimes de «l’inhalation de monoxyde de carbone» selon la formule consacrée, comme on compte les noyés des barrages et des points d’eau en été. En attendant, on tergiverse sur les produits autorisés à l’importation et la liste des interdits n’est pas encore établie. Peut-être y verrons-nous ces appareils qui tuent figurer en bonne place.