La technologie de l’ARN messager, au cœur des vaccins contre la Covid-19, consiste à envoyer aux cellules une instruction temporaire pour produire une protéine et déclencher une réponse immunitaire.
Dans cette étude, ce même mécanisme semble avoir « réveillé le système immunitaire des patients, renforçant l’efficacité de leur traitement anticancer. En stimulant le système immunitaire, le vaccin à ARNm contre la Covid-19 a produit un effet inattendu : il a boosté la réponse antitumorale de patients atteints de cancers avancés. Une piste vers un futur vaccin anticancer ? Conçu pour protéger du virus, le vaccin à ARNm contre la Covid-19 pourrait avoir des effets bien plus larges qu’on ne l’imaginait. C’est la surprenante conclusion d’une étude américaine, présentée au congrès de la Société européenne d’oncologie médicale (Esmo 2025) et publiée dans Nature. Elle montre que, chez des patients atteints d’un cancer, recevoir un vaccin à ARNm contre la Covid-19 dans les 100 jours suivant le début de l’immunothérapie est associé à une nette amélioration de la survie.
Une survie doublée et des réponses immunitaires amplifiées
L’étude, menée conjointement par le MD Anderson Cancer Center au Texas et l’Université de Floride, a analysé plus de 1 000 dossiers de patients traités entre août 2019 et août 2023. Chez ceux atteints d’un cancer du poumon non à petites cellules avancé, la survie médiane est passée de 20,6 mois pour les non-vaccinés à 37,3 mois après vaccination. Pour le mélanome métastatique, la survie médiane atteignait 26,7 mois sans vaccination, mais n’avait pas encore été atteinte chez les patients vaccinés au moment de la collecte des données, ce qui suggère une amélioration significative. Les chercheurs ont observé un impact particulièrement fort chez les personnes qui souffraient de tumeurs dites « froides », c’est-à-dire peu sensibles à l’immunothérapie classique. Pour ces patients, la survie à trois ans a quasiment quintuplé. « Cette étude démontre que les vaccins à ARNm contre la Covid-19 disponibles dans le commerce peuvent entraîner le système immunitaire des patients à éliminer le cancer, explique le Dr Adam Grippin, radio-oncologue et co-auteur de l’étude. Associés à des inhibiteurs de points de contrôle immunitaires, ces vaccins produisent de puissantes réponses immunitaires antitumorales et améliorent considérablement la survie. » Les patients atteints de cancer qui ont reçu un vaccin à ARNm contre la Covid-19 dans les 100 jours suivant le début d’un traitement d’immunothérapie pour des formes avancées de cancer du poumon ou de mélanome ont vécu significativement plus longtemps que ceux qui n’ont pas reçu le vaccin, selon une nouvelle étude de l’Université de Floride.
Quand le vaccin joue le rôle d’alarme immunitaire
Pour comprendre pourquoi les vaccins à ARNm semblaient améliorer la survie des patients, les chercheurs des laboratoires Lin et Sayour ont mené des expériences sur des modèles biologiques. Ils ont constaté que ces vaccins agissent comme une alarme interne : ils mettent le système immunitaire en état d’alerte maximale, l’incitant à repérer et attaquer les cellules cancéreuses.
Face à cette activation, les tumeurs réagissent en produisant davantage de PD-L1, une molécule qui leur sert habituellement de bouclier contre les défenses du corps. Mais les traitements d’immunothérapie ciblent justement ce mécanisme : ils bloquent PD-L1 et permettent aux cellules immunitaires d’attaquer librement. Ainsi, vaccin et immunothérapie se renforcent mutuellement. « Les implications sont extraordinaires : cela pourrait révolutionner l’ensemble du domaine des soins oncologiques, a déclaré le co-auteur principal, le Dr Elias Sayour , Ph. D., oncologue pédiatrique. Nous pourrions concevoir un vaccin non spécifique encore plus performant pour mobiliser et réinitialiser la réponse immunitaire, ce qui pourrait constituer un vaccin anticancéreux universel et prêt à l’emploi pour tous les patients atteints de cancer. »
Fort de ces résultats, un essai clinique de phase III multicentrique et randomisé est en préparation pour vérifier si la vaccination à ARNm contre la Covid-19 pourrait être intégrée à la norme de soins pour les patients recevant une immunothérapie. Si ces résultats se confirment, ils pourraient marquer un tournant majeur : les vaccins à ARNm, conçus initialement pour prévenir les infections virales, deviendraient aussi des alliés inattendus dans la lutte contre le cancer.






