7e Sommet du Forum des pays exportateurs de gaz à Alger: Un rendez-vous crucial pour la stabilité du marché

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Le 7e Sommet du Forum des pays exportateurs de gaz (GECF), prévu à Alger du 29 février au 2 mars prochain, revêt une importance cruciale dans le contexte actuel et pourrait contribuer à restaurer la confiance entre les pays exportateurs et acheteurs afin d‘assurer la stabilité sur le marché, a affirmé Didier Holleaux, expert énergétique européen.

M. Holleaux, également président d’Eurogas (association représentant le secteur de la vente et de la distribution de gaz en Europe), a souligné le rôle du GECF dans la stabilité du marché gazier et dans la restauration de la confiance avec les pays acheteurs, en insistant sur «l’importance du respect des contrats à long terme pour assurer la stabilité et la prévisibilité des approvisionnements». «Il n’y a pas de développement possible des exportations de gaz sans sécurité d’approvisionnement garantie aux acheteurs», a-t-il ajouté en rappelant que des incidents, notamment géopolitiques, survenus ces dernières années ont provoqué des interruptions de livraisons. «Le GECF peut contribuer à résoudre le problème d’approvisionnement en appelant les pays membres au respect des contrats de long terme en vue de préserver la réputation des exportateurs et plus profondément celle du gaz naturel», a estimé M. Holleaux, auteur du livre «La vraie histoire du gaz», publié en 2024. Au sujet des prévisions de l’Agence internationale d’énergie (AIE) sur la hausse de la demande gazière, il a assuré que la croissance de la consommation viendra, à moyen terme, surtout de l’Asie. «En Europe, on assistera plutôt à une stabilisation de la consommation et probablement à un niveau aussi bas que celui constaté en 2023 en raison, entre autres, des efforts de sobriété et d’efficacité qu’on espère durables», a-t-il ajouté. Quant à la demande asiatique, elle dépendra, selon lui, de la compétitivité du prix du gaz par rapport au charbon, tout en relevant que l’un des usages du gaz, notamment en Chine, est de se substituer au charbon dans la production d’électricité. S’agissant de l’avenir du gaz en tant qu’énergie du futur, il a rappelé qu’Eurogas a toujours considéré que cette énergie était indispensable à la transition, notamment pour éliminer le charbon et accompagner la transition vers les énergies vertes, en gérant par exemple l’intermittence des énergies éoliennes et solaires.

«Nous devons montrer en même temps que le gaz engage sa propre transition.

A ce titre, l’industrie du gaz, notamment dans les pays exportateurs, doit lutter plus activement que dans le passé contre les fuites de méthane et le torchage», a-t-il préconisé, précisant que les pays acheteurs seront de plus en plus exigeants sur ce point, particulièrement sous la pression de la réglementation européenne. «Même certains pays producteurs qui ne font pas partie du GECF, comme les Etats-Unis ont lancé leurs propres initiatives pour assurer la réduction des émissions de méthane, qui, si elles réussissent, vont servir de référence sur lesquelles tous les autres devront s’aligner», a-t-il encore souligné. En outre, l’industrie du gaz doit encourager le développement des gaz renouvelables ou bas carbone (biométhane, gazéification des déchets, e-méthane et hydrogène), a-t-il encore recommandé, assurant que des pays du GECF pourraient aussi se positionner comme des producteurs de ces gaz, en particulier les productions de méthane bas carbone qui peuvent être exportées par les mêmes infrastructures que celles du gaz naturel. En ce qui concerne les difficultés d’accès aux financements pour les projets gaziers, M. Holleaux a assuré que les contrats à long terme sont toujours indispensables pour assurer le financement de ces investissements, qu’il s’agisse de ceux du GNL ou d’exportation par gazoduc. Des projets qui dépendant, a-t-il poursuivi, du prix de marché du gaz naturel pour assurer leur amortissement et rentabilité. Le président d’Eurogas a soutenu également que beaucoup d’acheteurs asiatiques sont prêts à conclure des contrats de 25 ans. «Mais pour les acheteurs européens, il est difficile de signer pour plus de 15 à 20 ans», a-t-il mentionné, estimant que «c’est une réalité que les nouveaux projets doivent prendre en compte, soit en amortissant les investissements sur des durées plus courtes, soit en assumant le risque de prix et de volume sur la production postérieure à la fin du contrat». Pour sa part, l’expert algérien Mostefa Ouki, chercheur principal à l’Oxford Institute for Energy Studies (OIES), a estimé que les pays exportateurs sont devant des «défis complexes» pour que le rôle du gaz naturel «ne soit pas remis en cause». «En ce qui concerne la question de la transition énergétique, le GECF est naturellement bien placé pour promouvoir le développement durable du gaz naturel en tant que carburant de transition», a-t-il déclaré, ajoutant que «le cadre de coopération qu’offre le GECF pourrait aussi faciliter le partage d’expériences et de meilleures pratiques concernant les projets de réduction des empreintes carbone déjà initiés par certains pays membres du Forum». Relevant l’importance du Sommet d’Alger pour l’Algérie et pour les autres pays exportateurs de gaz, M. Ouki considère que «les pays exportateurs de gaz doivent se préparer à relever des défis complexes pour que le rôle du gaz naturel ne soit pas remis en cause», même si «la déclaration finale de la COP28 reconnait indirectement le rôle du gaz naturel dans la transition énergétique». La tenue du sommet et ses réunions connexes coïncident pratiquement avec le 60e anniversaire de l’arrivée en 1964 à Canvey-Island au Royaume Uni de la première cargaison de gaz naturel liquéfié (GNL) algérien, un évènement historique, puisqu’il marquait le lancement du commerce international de GNL, rappelle cet expert. La rencontre intervient aussi dans un contexte particulier aussi bien sur les plans géopolitiques qu’énergétiques souligne M. Ouki, citant en ce sens la crise en Ukraine, la nouvelle politique européenne interventionniste dans la gestion des marchés du gaz, l’émergence des Etats-Unis comme le plus gros exportateur de GNL, ainsi que les mesures européennes de décarbonation. Le chercheur affirme que le gaz naturel «continuera à jouer un rôle important dans le mix énergétique de plusieurs pays, surtout dans des régions comme l’Afrique, le Moyen Orient et l’Asie», notant néanmoins que l’exploration/production, le traitement, le transport et la commercialisation du gaz naturel «devront être en adéquation avec les conditions de durabilité et de réduction d’empreinte carbone». «La transition énergétique prendra du temps et se manifestera sous différentes formes et horizons dans différentes régions du monde», a-t-il estimé. A une question sur le rôle grandissant de l’Algérie sur la scène internationale, en tant que fournisseur sûr et fiable, l’expert énergétique souligne que l’Algérie «peut continuer à jouer un rôle prépondérant dans l’approvisionnement de l’Europe en gaz naturel» compte tenu de ses avantages dont sa proximité géographique des marchés européens consommateurs, et l‘existence de gazoducs transfrontaliers liant l’Algérie à l’Europe». Il s’agit aussi de la disponibilité des complexes de GNL à l’Ouest et l’Est du pays, a-t-il ajouté, relevant que l’Algérie aura besoin d’augmenter les volumes de gaz naturel disponibles à l’exportation tout en continuant à satisfaire la demande nationale de gaz. Ceci nécessite, entre autres, un «accroissement des investissements en amont, une maitrise de la croissance rapide de la demande nationale de gaz et une réduction de l’empreinte carbone de la chaîne de valeur de l’industrie gazière, indique l’expert gazier. La consommation des ménages, des tertiaires (bâtiments administratifs, hôpitaux, hôtels et écoles) et du secteur agricole représente 66% de la consommation nationale de gaz naturel, a indiqué le directeur de l’efficacité énergétique au niveau du Commissariat aux énergies renouvelables et à l’efficacité énergétique (CEREFE), Mourad Issiakhem, en se référant au bilan énergétique national du ministère de l’Energie et des Mines. Selon l’analyse et l’évaluation faite au niveau du CEREFE des données mentionnées dans le bilan établi par le ministère, 66% de la consommation de gaz du pays, au cours de l’année 2022, soit plus de 12,7 millions de TEP (tonne équivalent pétrole), ont servi à couvrir les besoins des secteurs des ménages, tertiaires et de l’agriculture. Cette quantité de gaz est utilisée pour le chauffage, la cuisson et le chauffage de l’eau sanitaire (chaudière et autres chauffe-bain), a-t-il détaillé, estimant que ce ratio restait important malgré les conditions climatiques plutôt clémentes en hiver ces dernières années. Cette demande a été tirée, selon lui, par la livraison des différents programmes de logement, d’où la nécessité de la mise en œuvre effective de la règlementation technique du bâtiment (DTR), notamment en matière d’isolation thermique pour assurer le confort à la fois en été et en hiver sans provoquer des consommations excessives d’énergie.

Le secteur de l’industrie représente, pour sa part, 33% de la consommation finale de gaz naturel, avec une quantité estimée à un peu plus de 6,4 millions de TEP, a-t-il ajouté.

M. Issiakhem qui a tenu à préciser que la consommation nationale de gaz naturel, en 2022, s’était élevée à plus de 51,7 millions de TEP (englobant la consommation directe, les besoins d’électricité et le GPL extrait aux champs), ce qui représentait 54% de la production primaire du gaz naturel, au cours de cette même année, laquelle avait avoisiné les 95,8 millions de TEP. Cette consommation nationale de gaz se répartit, a-t-il expliqué, en une consommation directe, qui avoisine les 27,56 millions de TEP (soit 53,31%), et une consommation dédiée à la production d’électricité qui dépasse les 21,63 millions de TEP (soit 41,84%), alors que 2,51 millions de TEP (soit 4,85%) est destiné à la production de GPL extrait au champ. La consommation interne de gaz a enregistré une hausse de 5% par rapport à 2021, a-t-il souligné, insistant sur l’urgence de mettre en œuvre les mesures nécessaires pour maitriser et rationnaliser la consommation de cette ressource devenue très prisée au niveau mondial. D’autant plus, a-t-il soutenu, que cette ressource est appelée à être de plus en plus sollicitée afin de suivre la croissance économique du pays et répondre aux besoins générés par le secteur industriel en expansion, grâce au nouveau code de l’investissement, l’augmentation de la population et du parc immobilier, en plus de l’arrivée de plus en plus de véhicules convertis au GPL/c». M. Issiakhem a, en outre, expliqué qu’en matière de répartition de la consommation nationale globale d’énergie (y compris celle des centrales électriques et des champs pétroliers), le gaz naturel représente 40% de la part de cette consommation, alors que l‘électricité se taille une part de 30%, les produits pétroliers en génèrent 22%, le GPL y contribue à hauteur de 5%, devant le GNL qui a un ratio de 0,33%, alors que le reste est issu des condensats et du coke de la sidérurgie. Il a précisé que les secteurs des ménages et tertiaires (47,5%) et transports (28,8%) représentaient 76,3% de la consommation finale d’énergie (c’est à dire celle des consommateurs finaux, à savoir les secteurs utilisateurs), contre 23,7% pour l’industrie, en 2022, selon le même bilan énergétique, et en vue de maitriser cette croissance effrénée de la consommation d’énergie. Le responsable a ainsi préconise d’adopter des comportements en faveur de la rationalisation de la consommation d’énergie en évitant le gaspillage de cette ressource subventionnée par l’Etat, dans tous les domaines (résidentiel, tertiaires, transport, agriculture, industrie), relevant que le prix du gaz en Algérie «est le deuxième moins cher au monde, après l’Iran». Il a appelé, également, à adopter les solutions d’efficacité énergétique dans les différents secteurs, et l’intégration des énergies renouvelables dans le secteur du bâtiment à travers l’installation des chauffe-eau solaires pour la production de l’eau chaude sanitaire et les systèmes de toits solaires photovoltaïques pour la production de l’électricité, ce qui permettra de faire des économies substantielles en gaz naturel. Il ajoute qu’il est important que les équipements électrodomestiques soient bien contrôlés sur le volet consommation d’énergie, d’où l’importance de l’étiquetage énergétique. Alors que dans le domaine industriel, il a évoqué le système de CO- ou tri-génération qui consiste en la production de l’électricité et de la chaleur ou même de froid à partir d’une source primaire qui peut être du gaz ou du biogaz, avec notamment la nouvelle technologie de pompes à chaleur, avec la climatisation à gaz, installée dans plus de 300 structures relevant du secteur tertiaire (hôpitaux, cliniques et autres hôtels et les sièges administratifs) en Algérie.

T. Benslimane

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