Des combats particulièrement meurtriers font rage lundi dans la ville portuaire de Hodeida, dans l’ouest du Yémen, au moment où Washington et Londres accentuent la pression sur l’Arabie saoudite pour que la coalition qu’elle commande dans ce pays cesse rapidement les hostilités.
Au moins 110 rebelles, 32 loyalistes et sept civils ont été tués ces dernières 24 heures dans les affrontements, dont certains se déroulent dans des quartiers résidentiels, ont indiqué lundi à l’AFP des sources militaires et hospitalières. Ce bilan a été donné alors que les rebelles Houthis, soutenus par l’Iran, opposent une farouche résistance à la progression des forces progouvernementales appuyées par l’Arabie saoudite, a admis une source militaire loyaliste. Une source de la coalition anti rebelles a indiqué que les Houthis avaient repoussé une offensive loyaliste en direction du port. La coalition a de son côté visé les rebelles avec de multiples frappes aériennes, selon des sources militaires loyalistes. Dans la nuit, des corps carbonisés ont été amenés à l’hôpital militaire Al-Alfi, contrôlé par les rebelles depuis 2014, ont indiqué des sources de cet établissement. Hodeida, grande ville de la côte occidentale du Yémen sur la mer Rouge, revêt une importance stratégique car c’est le point d’entrée de plus des trois-quarts des importations et de l’aide humanitaire internationale dans le pays en guerre. L’offensive des forces progouvernementales sur Hodeida avait été lancée en juin, mais elle s’est nettement intensifiée depuis le 1er novembre avec un bilan d’au moins 592 morts jusqu’ici (460 rebelles, 125 loyalistes et 7 civils), selon des sources militaires et des médecins.
Pompeo et Hunt montent au créneau
Tour à tour, le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo et son homologue britannique Jeremy Hunt ont estimé que le temps de la négociation était venu. Lors d’un entretien dimanche avec le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane, également ministre de la Défense, M. Pompeo a explicitement appelé à « la fin des hostilités » au Yémen, demandant que « toutes les parties viennent à la table pour négocier une solution pacifique au conflit ». L’administration américaine de Donald Trump, visiblement sous la pression du Congrès, a confirmé l’annonce samedi par Ryad que la coalition sous commandement saoudien au Yémen allait désormais effectuer elle-même le ravitaillement en vol de ses avions, assuré jusqu’ici par les Etats-Unis. De son côté, Jeremy Hunt a évoqué le coût humain « incalculable » du conflit yéménite, estimant que sa résolution passe par une solution « politique ». Le ministre britannique, qui doit être reçu au plus haut niveau lundi en Arabie saoudite, est favorable à une « nouvelle action » au Conseil de sécurité pour soutenir les efforts du médiateur de l’ONU au Yémen Martin Griffiths qui cherche à organiser un nouveau round de négociations « d’ici la fin de l’année ». Dimanche, des premiers combats de rue ont éclaté dans un quartier résidentiel de l’est de Hodeida. Un responsable militaire progouvernemental a affirmé que l’objectif était de « purger » ces rues de toute présence rebelle, tandis qu’une responsable humanitaire présente à Hodeida a indiqué qu’il y avait de plus en plus de civils blessés.
Inquiétudes pour les civils
Les Houthis ont positionné des snipers sur les toits des bâtiments et ont posé de nombreuses mines pour freiner l’avancée de leurs adversaires, tandis que des avions de combat et des hélicoptères d’attaque de la coalition sous commandement saoudien pilonnent régulièrement les positions rebelles. Paradoxe de la situation, le port de Hodeida, situé dans le nord de la ville, est « jusqu’à présent ouvert » et opère « normalement », selon son directeur adjoint Yahya Sharafeddine. De son côté, Hervé Verhoosel, porte-parole du Programme alimentaire mondial (PAM), a indiqué que les combats n’avaient pas affecté jusqu’ici les opérations du PAM. « Bien que ciblés par plus de 50 obus ces derniers jours, les silos (du port) sont intacts et nous n’avons apparemment rien perdu de notre stock de plus de 50.000 tonnes de blé », a-t-il dit. Le Yémen est le théâtre de la pire crise humanitaire au monde, rappelle régulièrement l’ONU, qui précise que 14 millions de civils sont en situation de pré-famine. « La situation est vraiment mauvaise », a déclaré à l’AFP Mariam Aldogani, coordinatrice des opérations de terrain de l’organisation humanitaire Save the Children à Hodeida. « Il y a beaucoup de peur parmi les habitants » et les installations médicales « reçoivent un nombre croissant de civils blessés », a-t-elle dit.