Trente ans après la disparition de Kateb Yacine :  « Nedjma » brille toujours  

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Il y a trente ans disparaissait celui qui a  révélé le potentiel littéraire algérien au monde et renouvelé le théâtre  populaire, s’adressant aux Algériens sans distinction d’âge ni de niveau  d`instruction. Le romancier, dramaturge et metteur en scène Kateb Yacine  s’est éteint un 28 octobre 1989 à l’âge de soixante ans. 

Né en 1929 à Constantine, Kateb Yacine aura laissé une úuvre littéraire universelle, « Nedjma », publié en 1956 aux éditions françaises  « Le seuil ».  Ce roman qui va se propager en fragments sur toute l’oeuvre théâtrale de  son auteur, a fait l’objet de nombreuses thèses universitaires en Algérie  et en France, jusqu’aux Etats-Unis et le Japon, entre autres.   C`est à la prison de Sétif, où il s`est retrouvé après les  manifestations du 8 mai 1945, que le jeune Kateb Yacine a découvert  l`oppression, la mort, le vrai visage de la colonisation et surtout son  peuple, comme il le confiera lui-même. Suite à cette expérience, traumatisante pour un adolescent de 16  ans, Kateb entame en 1946 l`écriture de son premier recueil de poésie  « Soliloques ». « J’ai commencé à comprendre les gens qui étaient avec moi,  les gens du peuple (…). Devant la mort, on se comprend, on se parle plus  et mieux », écrira-t-il en préface. Au lendemain de l’indépendance, Kateb Yacine se tourne vers le théâtre  populaire, soucieux de s’adresser au peuple dans sa langue. « L`homme aux  sandales de caoutchouc » est jouée, pour la première en 1971, au Théâtre  national d`Alger. La pièce est le fruit d’une collaboration entre l’auteur,  l’homme de théâtre Mustapha Kateb, et la troupe du « Théâtre de la mer »  dirigée par Kaddour Naïmi.  Cette expérience donnera ensuite naissance à l’Action culturelle des  travailleurs (Act).  Sous la direction de Kateb Yacine, la troupe sillonnera pendant près de  dix ans villages et places publiques dans la région de Bel Abbas où elle a  élu domicile pour faire découvrir le théâtre à ceux qui n`y ont pas accès:  « On ne choisit pas son arme. La nôtre, c’est le théâtre », disait-il pour  souligner son engagement politique et social.    Durant toute cette période, Kateb Yacine n’aura de cesse de modifier ses  oeuvres, jouant avec les personnages, pour mieux coller à l`actualité et aux  préoccupations populaires. Définitivement focalisé sur l’écriture dramaturgique, traduite vers  l’arabe dialectal, ainsi que la mise en scène, Kateb Yacine produira « La  guerre de deux mille ans », une úuvre universelle, inspirée du théâtre grec  et qui a valu à la troupe une tournée de trois ans en France.  « A cette époque, Kateb était la coqueluche à Paris, ses pièces se jouant à  guichet fermé tous les soirs », se souvient encore un des comédiens de  l’Act, Ahcen Assous. Selon le comédien, cette pièce évolutive « pouvait se jouer plusieurs jours  de suite (…) et s’arrêter sur différentes stations importantes de  l’histoire de l’humanité ». En 1986, Kateb Yacine approche son idéal d’úuvre historique universelle en  écrivant un extrait de pièce sur Nelson Mandela, puis « Le bourgeois sans  culotte ou le spectre du parc Manceau ». Cette dernière était une commande  française pour marquer la célébration du bicentenaire de la révolution  française.

Se  réapproprier Kateb Yacine

 Au théâtre comme dans la littérature et la poésie, l’úuvre de Kateb Yacine  est « faite pour que la jeune génération se l’approprie, la revisite et la  retravaille », estime l’historien de l’art et romancier Benamar Mediene,  auteur de « Kateb Yacine, le cœur entre les dents ».  En fait, le dramaturge est « réfractaire » à la sacralisation de son úuvre,  appuie ce compagnon de langue date de l’écrivain.  Depuis la disparition de Kateb Yacine, son úuvre dramaturgique n’a jamais  cessé d’alimenter les planches algériennes. Des pièces ont été traduites vers Tamazight et l’Arabe littéraire, d’autres ont été montées en  fragments, alors que sa touche en matière de mise en scène garde toute sa  fraîcheur. Cependant, en dehors de « Le cadavre encerclé » ou de « Les ancêtres  redoublent de férocité », de nombreuses autres úuvres restent encore  méconnues du public et rares encore sont les troupes qui consentent à  s’attaquer à un texte de Kateb Yacine.   Au-delà de la recherche universitaire, le roman « Nedjma » a été adapté au  théâtre par le metteur en scène et comédien Ahmed Benaïssa qui souhaitait  « désacralisé ce roman, réputé inaccessible », alors qu’un collectif  d’artistes, étudiants et universitaire ont entamé la traduction du roman  vers l’arabe dialectal et son enregistrement en livre audio.   L’auteur de « Nedjma » a également laissé des interviews et des écrits où il  expose sa vision de l’Algérie. Une Algérie progressiste qu’il a toujours  souhaité « défendre contre toutes les formes d’intégrisme », ainsi qu’il le  soulignait dans sa dernière apparition dans les média à l’été 1989.  Une foule immense d’hommes et de femmes de tous âges a accompagné la  dépouille de Kateb Yacine au cimetière d’El Alia d’Alger où il repose.

Benadel M