La fête de l’Achoura (10ème jour de Moharrem, premier mois de l’année hégirienne) est pour les familles Ghardaouies une occasion de perpétuer des traditions culinaires.
Pour célébrer cette occasion religieuse sacrée (sauvetage du prophète Moise de la poursuite du Pharaon), les habitants dans leur diversité sociologique, ont recours à des recettes ancestrales, jalousement préservées et transmises oralement pour préparer des plats « typiquement » traditionnels dont notamment « Ouchou Tini » (Ouchou/couscous /Tini les dattes) en Tamazight locale, un met à base de couscous plombs et de viande séchée et salée du mouton de l’Aid El Kebir ainsi que « Ibaoun » (El Foul) (fèves). Sitôt le rituel de l’immolation du mouton de l’Aïd accompli, la ménagère récupère une partie de viande qu’elle sale abondamment et sèche à l’air libre avant de la conserver dans un endroit propre durant plusieurs semaines, a expliqué M. Bakir, un père de famille du Ksar de Melika. Malgré la présence aujourd’hui de frigos ou congélateur dans tous les foyers, cette pratique ancestrale de conservation de la viande par le procédé de salinité et le séchage est perpétuée toujours notamment dans les régions du Sud, a-t-il souligné. La veille de l’Achoura, de nombreuses ménagères Ghardaiouies qui ont reçu les recettes de ce plat « Ouchou Tini » de génération en génération, s’appliquent à préparer ce couscous, avec une sauce rouge onctueuse composée d’une variété de légumes frais, de pois chiche, de viande séché assaisonnée de gingembre, de poivre, de curcuma, de cumin, de piment et autres petites herbes potagères ainsi que d’un jus de datte donnant, pour le plaisir du palais, un goût succulent à ce plat. Pour donner à ce couscous un goût plus authentique, on l’assaisonne de beurre salé fondu aux raisins secs, pour être consommé à la rupture du jeune de l’Achoura. Une fois préparé, ce mets est dégusté dans un grand plat en présence de tous les parents et grands-parents, dans une ambiance conviviale.
« Ibaoun » , un autre plat traditionnel prisé dans le M’zab
L’autre plat très prisé dans la région du M’Zab, en cette fête religieuse, est dénommé « Ibaoun » ( El Foul) (fèves). Il figure aussi parmi les recettes préparées à l’occasion de la célébration de l’Achoura. Ce plat du terroir se prépare la veille où la ménagère trempe dans de l’eau douce de la palmeraie de Ghardaïa des fèves sèches durant plusieurs heures avant de les faire bouillir à petit feu toute la nuit. Décortiquées et assaisonnées avec du sel, du cumin et de l’huile d’olive, ce plat se déguste dans la matinée et est distribué aux voisins et passants par les enfants en entonnant une chanson célèbre dénommée « Abya Nou ». Selon la tradition dans le M’Zab, « tous les mets préparés à l’occasion sont faits pour être partagés », a soutenu Ammi Abdellah du Ksar de Bounoura. « On échange ces plats traditionnels entre familles, voisins, pour renforcer les liens familiaux et la solidarité entre les habitants », a-t-il ajouté. Par ailleurs, un mélange de confiseries, friandises et autres fruits secs (amandes, cacahouètes et noisettes…etc) est également distribué aux enfants. La tradition veut que la veille de l’Achoura, les femmes mettent à leurs enfants du « khôl » (poudre d’antimoine que l’on met sur le contour des yeux afin de les mettre en valeur). Achoura est, pour les familles Ghardaouies, à la fois une fête sacrée portant de fortes significations religieuses et une occasion de perpétuer des traditions et des coutumes ancestrales propres à chaque couche sociale.Parmi les traditions accueillant cette fête , il y a lieu de citer les opérations de nettoyage et d’embellissement des cimetières dans les différents Ksour du M’Zab, assurées par des bénévoles, notamment des jeunes. Tous les aspects festifs de l’Achoura ne devraient pas faire oublier sa portée religieuse, a fait savoir Ammi Bakir, un notable de la région, soulignant que c’est l’occasion pour les fidèles et pieux d’accomplir davantage de bonnes actions tels que le jeûne, l’acquittement de la Zakat et le recueillement à la mémoire des parents et autres aïeux.
…dans le région de l’Ouarsenis
Les habitants des zones rurales de Tissemsilt et de la région de l’Ouarsenis restent fortement attachés à leurs traditions et coutumes pour célébrer l’Achoura, 10ème jour du mois de Mouharram marquant l’avènement de la nouvelle année hégirienne. Cette fête est célébrée dans la joie et la convivialité. Dans les zones comme la Mactâa de Bordj Bounaama, Kedadra de Sidi Slimane et Béni Djemaa de Boukaïd, l’Achoura est marquée par la préparation du couscous que l’on sert et distribue aux pauvres et nécessiteux. Des plats sont également servis dans les mosquées aux fidèles. Cette occasion religieuse est également une opportunité pour les cheikhs, notables et sages des agglomérations rurales de l’Ouarsenis pour initier des rencontres de réconciliation entre les familles ou pour célébrer des mariages de jeunes nécessiteux. Hadj Mansour, un des notables de la zone de Metidja de la commune de Bordj Bounaama, souligne que le jour de l’Achoura est particulier. « Toutes les familles participent à la préparation du plat de couscous que l’on distribue aux convives et aux pauvres. Les habitants du village procèdent également à la collecte de denrées alimentaires et de quartiers de viande que l’on distribue aux familles démunies des localités avoisinantes », a-t-il expliqué. Il a ajouté que cette journée particulière « permet aussi aux sages et chouyoukh de la région de régler les différends entre membres d’une même famille, entre voisins et entre amis. La mosquée de Metidja et la zaouiïa de cheikh Moulay Larbi Benatia Touil ont un grand rôle à jouer en cette occasion ». Dans les foyers des zones rurales de l’Ouarsenis, des traditions restent ancrées pour célébrer le jour de l’Achoura, notamment l’incontournable cérémonie du henné, supervisée et dirigée par les vieilles personnes du village. Hadj Arbia d’El Mactaa fait remarquer que la cérémonie du henné est une tradition héritée des aïeux. Des poètes du melhoun et conteurs animent des « halqa » pour déclamer des poèmes et narrer des contes sur la portée de cet événement religieux. Par ailleurs, outre les traditionnelles manifestations de solidarité et d’entraide entre les membres de la communauté, l’Achoura est également synonyme d’activités commerciales. Celles-ci ne se limitent pas seulement aux denrées alimentaires et aux produits d’artisanat mais s’étendent aussi aux parfums et essences traditionnelles, aux encens, aux plantes médicinales et aux jouets pour enfants. « Tout un bric-à-brac où chacun trouve ce qu’il cherche au niveau des ruelles de Tissemsilt, notamment à Haï Sebaa où une activité inhabituelle est relevée en ce jour », note Othmane, vendeur artisan dans ce quartier. Il souligne que la célébration du jour de l’Achoura reste une occasion pour vendre des produits d’artisanat, notamment en poterie et céramique, ainsi que le pain traditionnel. D’autres sites de la ville de Tissemsilt, dont la cité 119 logements, abritent un grand nombre de vendeurs d’ustensiles en poterie, en bois et en céramique ainsi que des tapis. Ces produits sont très demandent et s’écoulent facilement, a-t-on constaté. Par ailleurs, le boulevard « 1er novembre » du centre-ville se transforme, en l’espace de quelques jours, en un vaste espace où les commerçants d’épices naturelles, utilisées dans la préparation du couscous et du pain traditionnel enregistrent un fort engouement des citoyens qui viennent également s’approvisionner en figues séchées, en essences et parfums et en encens, chacun voulant donner à l’Achoura une « saveur » particulière.
Benadel M






