Par Abderrahmane Mebtoul, professeur des universités
Pour stabiliser le marché et du fait de l’incertitude de l’économie mondiale, plusieurs pays producteurs de pétrole de l’OPEP+ ont décidé de réduire leur production : quels impacts sur le cours du pétrole et sur l’économie algérienne ?
1 – Cette décision n’engage pas l’organisation OPEP+ représentant plus de 50% de la production mondiale commercialisée mais de décisions individuelles. Actuellement, l’OPEP+ regroupe 23 pays dont 13 membres de l’OPEP qui sont par ordre décroissant de production de pétrole: Arabie saoudite, Irak, Émirats arabes unis, Iran, Koweït, Nigeria, Libye, Algérie, Angola, Venezuela, République du Congo, Gabon et la Guinée équatoriale. Les dix autres pays dans le cadre de l’OPEP+ sont la Russie, le Mexique, le Kazakhstan, Oman, Azerbaïdjan, la Malaisie, le Bahreïn, Brunei, le Soudan et le Soudan. Les réductions décidées résultent de décisions individuelles qui n’engagent pas l’organisation OPEP+ puisque actuellement, l’OPEP+ regroupe 23 pays dont 13 membres de l’ OPEP qui sont par ordre décroissant de production de pétrole: Arabie saoudite, Irak, Émirats arabes unis, Iran, Koweït, Nigeria, Libye, Algérie, Angola, Venezuela, République du Congo, Gabon et la Guinée équatoriale. Les dix autres pays dans le cadre de l’OPEP+ sont la Russie, le Mexique, le Kazakhstan, Oman, Azerbaïdjan, la Malaisie, le Bahreïn, Brunei, le Soudan et le Soudan du Sud. Cette décision a eu un impact sur la stabilisation du cours du pétrole, très volatil, coté le 12 avril 2023 – 10h – à 85,67 le Brent dollars et le Wit à 81,55 dollars, après avoir frôlé auparavant les 70 dollars le Brent et ce, pour un cours euro/dollar de 1,0968, cette baisse du dollar vis à vis de l’euro, ayant permis un gain de 2/3 dollars du cours du pétrole en dollars. L’on doit éviter, devant les incertitudes de l’économie mondiale, tout euphorie, qui ont induit en erreur par le passé les autorités du pays où certains experts annonçaient au lendemain de ces décisions, dans la précipitation, un cours prochain de 100 dollars et rappelons-nous également au lendemain du conflit en Ukraine un baril à plus de 200 dollars.
2 – Nous avons trois facteurs déterminants (voir intervention du professeur Abderrahmane Mebtoul invité à Radio Algérie Internationale et à la télévision AL 24 News le 08 avril 2023): premièrement, la croissance de l’économie mondiale où les USA (24796 milliards de dollars, la Chine 18 460 milliards de dollars et l’Europe 17180 accaparent plus de 60% du PIB mondial estimé à 100.000 milliards de dollars en 2022 alors que le PIB de l’ensemble du continent africain approche les 2980 milliards de dollars, extrapolé en 2027 à 4600 milliards de dollars, sous réserve de l’impulsion de la zone de libre échange et d’une plus forte intégration sous régionales existant des Afriques et non pas une Afrique, (11/12% actuellement), un PIB largement inférieur à celui d’un seul pays l’Allemagne 3867 milliards de dollars, restent donc un long chemin à parcourir. Moins pessimiste que les rapports précédents, selon le rapport du FMI de janvier 2023, la croissance de l’économie mondiale devrait ralentir passant de 3,4% en 2022 à 2,9% en 2023.
Selon bon nombre d’experts, le prix d’équilibre, afin d’éviter une accélération de l’inflation mondiale via le prix de l’énergie, pénalisant les pays mono exportateurs de pétrole avec l’accroissement de leur facture d’importation, et surtout les pays pauvres doublement pénalisés, prix de l’énergie et facture alimentaire, mais qui ne pénalise ni les pays consommateurs ni les pays producteurs devant avoir un taux de profit raisonnable du fait de la lourdeur de l’investissement, se situe entre 70/80 dollars. La majorité des pays, qui tirent la croissance, est en ralentissement dues aux effets d’une plus grande rigueur budgétaire et de la hausse des taux d’intérêts pour juguler l’inflation : les USA aurait un taux de croissance seulement de 1,4% en 2023 contre 2, 6% en 2022, la zone, 0,9% en 2023 contre 3,5% en 2022, l’inde 7% contre 9% en 2022, et seule la Chine échappe à ce scénario 4,8 % en 2023 contre 3,2 % en 2022, mais loin des taux de croissance de 7/8% du passé pour absorber la demande d’emploi du fait de la forte croissance démographique. Les bourses seront attentives donc à l’évolution de l’économie chinoise le plus gros importateur de pétrole où selon le Consensus Bloomberg de décembre 2022, l’économie chinoise ferait en effet face à quatre défis majeurs en 2023 : premièrement , malgré l’annonce de l’abandon de la stratégie «zéro Covid», la nouvelle vague de contaminations constitue une réelle menace, et devrait retarder la reprise de la consommation privée; deuxièmement, la crise immobilière, qui a éclaté fin 2021, s’est amplifiée en 2022 et continuerait de peser sur l’activité en 2023; troisièmement, après un important soutien public en 2022, les marges de manœuvres des autorités budgétaires et monétaires ne semblent pas aussi larges qu’il n’y paraît et quatrièmement les incertitudes au niveau local interrogent sur les chiffres de croissance en Chine, le contexte international ne s’avère guère plus favorable et pourrait se traduire par un fort ralentissement de la demande externe; le deuxième facteur déterminant 2023/2030 est le nouveau modèle de consommation énergétique et l’inévitable transition, l’Europe prévoyant 50% de sa consommation en 2030, en énergies renouvelables et hydrogène vert. D’ici à 2030/2035, les investissements prévus dans le cadre de la transition énergétique USA/ Chine/Europe/Inde devraient dépasser les 4000 milliards de dollars et les grandes compagnies devraient réorienter progressivement leurs investissements dans des segments écologiques rentables à terme; troisièmement, les tensions géostratégiques la crise en Ukraine qui a bouleversé toute la carte alimentaire et énergétique mondiale et à terme les tensions entre la Chine et les USA concernant Taiwan sans oublier les tensions récentes qui ont contribué à hausser le cours du pétrole temporairement entre l’Irak et la Turquie, où Ankara a cessé depuis le 25 mars 2023 de pomper environ 450 000 barils par jour de brut irakien mais qui sont parvenus à un protocole d’accord en vue de la reprise des exportations de pétrole vers la Turquie, le 2 avril 2023.
3 – A cela s’ajoutent d’autres facteurs interdépendants dont les fluctuations des monnaies, des stocks américains et des facteurs imprévisibles comme les récentes faillites et scandales financiers qui ont contribué temporairement à la baisse du cours du pétrole. Exemple : nous avons assisté à la faillite de banques américaines spécialisées dans les cryptomonnaies dont la Silicon Valley Bank (SVB), la «banque de la tech» et de Signature Bank, également proche du monde des cryptos, la faillite du Crédit Suisse, qui compte parmi les 30 plus importantes banques du monde afin d’éviter un impact systémique, la Banque nationale suisse (BNS), ayant accepté de débloquer des liquidités pour 100 milliards de dollars en faveur de Crédit Suisse dans le cadre de l’accord et fin mars 2023 et récemment de nouveaux scandales financiers touchant cinq établissements bancaires français : la Société Générale, BNP Paribas, Natixis, HSBC et Exane, une filière de la BNP Paribas spécialiste des investissements financiers avec une fraude fiscale estimée provisoirement à plus de 150 milliards d’euros dont 30 milliards en France, de la croissance mondiale; troisièmement, la production du pétrole et gaz de schiste américain hors OPEP+ devenu le plus grand producteur mondial plus de 11 millions de barils jour avec l’Arabie saoudite et la Russie plus de 10 millions de barils jour; la Libye bien que non concerné par la limitation des quotas, avec 42 milliards de barils de pétrole et plus de 1500 milliards de mètres cubes gazeux, pour une population ne dépassant pas 6,5 millions d’habitants, pouvant facilement produire plus de 2 millions de barils/jour; l’Irak, pouvant aller vers plus de 7 millions/jour et l’Iran, non concerné par la limitation des quotas, s’il y a accord sur le nucléaire ayant des réserves de 160 milliards de barils de pétrole lui permettant d’exporter entre 4/5 millions de barils jour, sans oublier la plus grande réserve de pétrole du monde avant l’Arabie saoudite, le Venezuela, également, non concerné par la limitation des quotas qui possède les premières réserves de pétrole du monde avec 298,353 milliards de barils, sans oublier le Mozambique en Afrique ainsi que les importantes découvertes en méditerranée et en océan Arctique qui contiendrait 13 % du pétrole et 30 % du gaz naturel.
4 – L’Algérie doit être attentive aux impacts de la croissance de l’économie mondiale où selon le rapport du FMI de janvier 2023, la croissance devrait ralentir en 2023 à 2,6 % contre 3,7% en 2022, facteur essentiel du cours du pétrole, du fait que son économie est dépendante en 2022 et certainement pour 2023 à 98% de ses recettes en devises des hydrocarbures y compris les dérivées. Le cours élevé des hydrocarbures en 2022 a permis une relative aisance financière, où selon le dernier rapport de la Banque d’Algérie ayant atteint, pour le pétrole, un prix moyen de 109 dollars pendant la même période contre 72,7 dollars en 2021, tandis que ceux du gaz ont plus que doublé, passant de 5,2 à 11,5 dollars le million de BTU, le gaz représentant plus de 35% des recettes de Sonatrach. Selon les rapports internationaux le prix de cession pour le mois de mars de Sonatrach se situe à un cours relativement élevé 83,5 dollars pour le pétrole, 16,5 dollars le MBTU pour le gaz et pour les dérivées 711 dollars la tonne métrique –MT- pour le condensat, 693 dollars la tonne métrique pour le GPL. Cela a permis des recettes pour Sonatrach de 60 milliards de dollars (inclus les dérivées), devant soustraire les coûts et la part des associés pour avoir le profit net et des réserves de change fin 2022 à 60 milliards de dollars et de 63 milliards de dollars fin février 2023. Sous l’hypothèse, en 2023, du même volume d’exportation qu’en 2022, une moyenne d’un cours de pétrole entre 80/85 dollars, et pour le gaz entre 10/14 dollars le MBTU, les recettes de Sonatrach devrait fluctuer entre 50/55 milliards de dollars car l’exploitation de nouveaux gisements demandent du temps. Les prix mondiaux des engrais flambent depuis fin 2021, ont connu un pic au cours de l’année 2022 où l’urée, engrais azoté passée de 260 € la tonne en 2020 à 900 €/t fin 2021, pour atteindre 1040 €/t en avril 2022 et les prix des engrais sont passés d’une moyenne de 850 dollars la tonne fin 2022 à 1000 dollars la tonne depuis janvier 2023. Cela explique que les dérivés inclus dans la rubrique hors hydrocarbures représentent entre 60/70% du total des 5 milliards pour 2022 et plus de 85% si l’on inclut les semi-produits, restant aux produits à valeur ajoutée concurrentiels 15%. Sous réserve d’une plus grande efficacité énergétique, d’un attrait de l’investissement en amont, du développement des énergies renouvelables, solaire et hydrogène vert (prévision de 40% de la consommation intérieure horizon 2030/2035), Sonatrach peut doubler entre 2025/2027, ses exportations notamment vers l’Europe son principal client, plus de 80% de ses recettes pour le gaz. Mais la contrainte principale ce sont les subventions appliquées aux carburants ( environ 20% du prix international) où la consommation intérieure connaît une croissance vertigineuse alarmante : sur une production d’un million de barils/j de pétrole, la consommation intérieure, moyenne pour 2022, représente presque le volume des exportations environ 500 000 baril/j ; idem pour le gaz pour une production de 130 milliards de mètres cubes gazeux, nous avons 20/25% d’injection dans les puits pour éviter leur épuisement, 55 milliards de mètres cubes d’exportation et 45 % pour la consommation intérieure et à ce rythme en 2030, pourrait dépasser les exportations, sauf découvertes importantes rentables devant souligner que l’on peut découvrir des milliers de gisements non rentables, la rentabilité étant fonction du coût et du vecteur du prix international. En conclusion, l’objectif stratégiste pour l’Algérie à moyen terme, en évitant les erreurs du passé de vivre sur l’illusion d’une rente éternelle, la véritable richesse d’une Nation reposant sur le travail et l’intelligence est la diversification de l’économie, devant favoriser l’émergence d’entreprises concurrentielles dans le cadre des avantages comparatifs. Pour être un acteur actif au niveau des BRICS, l’Algérie qui postulera lors du prochain sommet, selon le président de la République, dans une première phase en tant qu’observateur, devra faire passer son PIB de 190 milliards de dollars 2022 à 400/500 milliards de dollars entre 2025/2027.
ademmebtoul@gmail.com A. M.