Sahara Occidental : Les contestations contre déclarations de Trump

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  Mohamed Cherkaoui, chercheur marocain: La décision de Trump sur le Sahara occidental n’a aucune valeur légale

Le chercheur marocain Mohamed Cherkaoui, également professeur spécialisé en matière de résolution des conflits à Washington, a estimé que la décision du président américain sortant, Donald Trump au sujet de la reconnaissance de la prétendue souveraineté marocaine sur le Sahara occidental n’avait «ni effet, ni signification du point de vue légal et politique dans le contexte américain de même qu’elle est facilement abrogeable».

Cette annonce faite par Trump serait un simple «outil pratique» dans la politique générale, voire «un acte symbolique ou festif», et «n’est pas à la hauteur d’une convention, ou d’une formule juridique contraignante que pourrait annoncer le Sénat au Congrès américain», a précisé Cherkaoui. Et d’estimer que l’action de Trump serait comme «une cuillère à double dose, une dose plutôt sucrée en comptant ouvrir un consulat américain à Dakhla, et une autre amère en gavant le Maroc de projet de normalisation, au moment où Trump attise les convoitises politiques en avançant «une prétendue reconnaissance américaine pour le Maroc sur le Sahara occidental occupé». Le deal est vraisemblablement plus enjolivé par l’acceptation par Washington d’entamer des pourparlers portant approvisionnement du Maroc en 4 drones», a-t-il souligné. «Plutôt que d’évaluer la promesse de Trump portant ouverture d’un consulat à Dakhla, il serait plus judicieux de voir si Washington pèsera de tout son poids pour faire promulguer une décision pertinente au Conseil de sécurité», sachant que cette séduction politique de Rabat au profit du Premier ministre Benyamin Netanyahou intervient 40 jours avant l’arrivée de Joe Biden au pouvoir, et l’installation de Linda Thomas-Greenfield à la tête de la délégation américaine à l’ONU. Il est attendu que Linda Thomas-Greenfield «explique encore une fois que la position de la Maison- Blanche soutient le principe d’autodétermination, et encourage les deux parties au conflit à mener des négociations de bonne foi et sans conditions, tel que stipulé dans la résolution 2548 adoptée par le Conseil de sécurité il y a de cela 40 jours», a-t-il conclu.

L’alliance de gauche au Parlement européen: «Contraire à la légalité internationale»

L’Alliance de gauche au Parlement européen a exprimé son rejet «catégorique» de la décision du président américain sortant, Donald Trump relative à la reconnaissance de la prétendue souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental occupé comme moyen de chantage pour la normalisation avec Israël, qualifiant cet acte provocateur de flagrante violation de la légalité internationale. «La décision de Trump vient s’ajouter à d’autres agissements odieux unilatéraux», a souligné le parti dans un communiqué, ajoutant que l’administration de Biden devrait agir à contresens de ces agissements illégaux et remettre les Etats-Unis sur le chemin du pluralisme et du respect des règles du droit international. Comme reconnu par l’ONU, le Sahara occidental est un territoire en attente du parachèvement du processus de décolonisation et ne fait pas partie du Maroc, a-t-elle rappelé, citant la Cour de justice de l’UE (CJUE) qui avait affirmé dans ses décisions que «le Maroc et le Sahara occidental sont deux pays distincts et séparés». Le peuple sahraoui attend depuis 1991 l’organisation d’un référendum d’autodétermination comme promis par la communauté internationale lors de la création de la Minurso, alors que le Maroc et certaines parties persistent à bloquer le processus et poursuivent le pillage des ressources du Sahara occidental. Commentant la décision de Trump, le chef de délégation du Parlement européen chargé des relations avec la Palestine Manu Pineda a indiqué que «les contradictions de cette décision est qu’elle contribue à l’affaiblissement des Droits de l’Homme des peuples sahraoui et palestinien et coïncide avec la Journée internationale des Droits de l’Homme pour renforcer l’emprise des société privées sur les ressources du peuple sahraoui qui constitue une autre attaque sur le droit à l’établissement d’un Etat pour les Sahraouis et les Palestiniens». Pineda, qui est coordonateur de la gauche participant à la commission des affaires extérieures au Parlement européen, a ajouté que les dernières déclarations du commissaire européen chargé du voisinage et de l’élargissement, Oliver Varhelyi concernant l’agression du Maroc à El Guerguarat démontre que l’Europe s’intéresse plus aux intérêts économiques des multinationales dans la région qu’à l’intérêt au Droit international et aux Droits de l’Homme, soulignant que «l’UE doit modifier cette position et doit jouer un rôle actif dans la défense du droit des Sahraouis à l’autodétermination». De son côté, la coordinatrice à la commission des relations extérieures au Parlement européen a déclaré à propos de cette décision qu’en «contrepartie de la normalisation des relations avec Israël, Trump viole le Droit international en reconnaissant le Sahara occidental en tant que partie du Maroc, au terme de son mandat de Président des Etats-Unis qui prendra fin janvier prochain». Elle a appelé la Communauté internationale à mettre un terme à son ambigüité et à transmettre un message clair en condamnant catégoriquement cette annonce, insistant sur l’impératif de respecter les décisions de l’ONU et d’organiser un référendum dans les plus brefs délais pour permettre l’autodétermination du peuple sahraoui et mettre fin à l’occupation israélienne, au «blocus et à l’apartheid» en Palestine, lançant «nous n’avons pas besoin de bonnes intentions, nous avons besoin d’un travail sérieux ».

 Organisation britannique: La décision de Trump ne changera rien au droit international L’organisation britannique «Western Sahara Campaign» (WSCUK) a affirmé, vendredi, que la proclamation de la prétendue souveraineté marocaine sur le Sahara occidental par le président américain sortant Donald Trump, porte préjudice «à la réputation internationale des Etats-Unis» et que celle-ci ne changera rien au droit international ni au statut de territoire non autonome. Regrettant la démarche unilatérale du Président Trump, la Western Sahara Campaign a souligné dans un communiqué de presse, que cette décision «ne changera rien au droit international», mais portera préjudice «à la réputation internationale des Etats-Unis» en raison des «dommages qu’ils créent».

«Le statut du Sahara occidental en tant que territoire non autonome dont les habitants autochtones ont droit à l’autodétermination est garanti par les décisions de la Cour internationale de justice (CIJ) et des Nations unies», a déclaré l’organisation britannique. «L’ONU a déjà clairement indiqué que sa position sur le Sahara occidental reste inchangée et n’était pas affectée par ce dernier acte de diplomatie transactionnelle de la part de l’administration Trump sortante», a soutenu l’organisation WSC. Selon le communiqué, Trump a mis les Etats-Unis «en contradiction avec le droit international», et «au moins temporairement, garantir que Washington aura moins d’influence sur les tentatives de règlement du conflit». En fait, poursuit l’organisation, «en adoptant une position ouvertement partisane, les Etats-Unis se sont exclus de tout rôle crédible dans le (groupe d’amis) qui accompagne le Conseil de sécurité sur la politique à l’égard du Sahara occidental. Et il l’a fait à un moment de crise, un mois après la reprise des hostilités déclenchée par l’incursion militaire marocaine dans une zone démilitarisée entre la partie occupée du Sahara occidental et la Mauritanie». «Cette incursion a non seulement suscité une réponse des forces armées sahraouies, mais a encore déstabilisé l’ensemble du Sahara et du Sahel», a déploré l’organisation. Cependant, Western Sahara Campaign a exprimé l’espoir que «la nouvelle administration américaine renversera de toute urgence la décision du Président Trump et cherchera à agir en tant qu’intermédiaire honnête dans le conflit». Le texte a, en outre, mis en garde les entreprises américaines contre le pillage des ressources sahraouies, les exhortant à «se méfier de prendre cette mesure imprudente de l’administration Trump comme feu vert pour y participer». «Toute action de ce type sera rejetée par le peuple sahraoui et pourrait bien rencontrer des défis juridiques», a averti l’organisation. Enfin, la WSC a lancé un appel au gouvernement britannique pour réaffirmer son attachement à un référendum d’autodétermination du peuple sahraoui, promesse sur laquelle reposait le cessez-le-feu de 1991 et à redoubler d’efforts au sein du «groupe d’amis» pour faire avancer la tenue d’un référendum», conclut le communiqué de presse, rappelant de ce fait, la position de l’ONU et de l’Union européenne (UE) qui soutiennent sans équivoque la résolution du conflit du Sahara occidental par le droit international.

John Bolton: «Trump a tort de renoncer à 30 ans de politique américaine»

L’ancien conseiller à la sécurité nationale des Etats-Unis, John Bolton, a regretté, vendredi, la décision unilatérale de Donald Trump de reconnaître la prétendue marocanité du Sahara occidental, renonçant ainsi à trente ans de politique américaine sur le Sahara occidental «Trump a tort d’abandonner trente ans de politique américaine sur le Sahara occidental juste pour remporter une victoire rapide en politique étrangère», déplore l’ancien conseiller à la sécurité nationale du Président Trump. Il estime qu’«un accord israélo-marocain était possible sans abandonner l’engagement des Etats-Unis en faveur d’un référendum sahraoui sur l’avenir du Sahara occidental, comme l’a déclaré à juste titre le sénateur James Inhofe».

Le sénateur d’Oklahoma, James Inhofe, également président de la Commission défense du Sénat américain, a affirmé, jeudi, que le Président Trump a été «mal conseillé par son équipe», soutenant que l’accord de normalisation israélo-marocain, pouvait être conclu sans hypothéquer les droits d’ «un peuple sans voix». «L’annonce de la Maison- Blanche d’aujourd’hui alléguant la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental est choquante et profondément décevante. Je suis attristé que les droits du peuple du Sahara occidental aient été troqués», regrette l’influent sénateur républicain dans un communiqué. Trump, qui quittera la Maison-Blanche le 20 janvier, a indiqué, jeudi, qu’il avait signé une proclamation reconnaissant la marocanité du Sahara occidental, en même temps qu’il annonçait que Rabat s’était engagé à normaliser ses relations avec Israël. L’ONU a déclaré, jeudi, que sa position sur le Sahara occidental demeurait «inchangée». Antonio Guterres «pense (…) que la solution à cette question peut toujours être trouvée sur la base des résolutions du Conseil de sécurité», a souligné son porte-parole Stéphane Dujarric. La résolution 690 (1991) du Conseil de sécurité a chargé la Mission onusienne (Minurso) d’organiser un référendum libre et équitable au Sahara occidental et en proclamer les résultats.

  La sénatrice McCollum : «Trump veut légitimer l’annexion illégale»

L’élue démocrate du Minnesota, Betty McCollum, a condamné, jeudi, la décision unilatérale du président sortant américain Donald Trump de reconnaître la prétendue souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental, jugeant que ses actions rendent «dangereusement légitime l’annexion illégale du territoire sahraoui». «Je condamne la reconnaissance unilatérale par Trump de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental en échange de la reconnaissance diplomatique d’Israël par le Maroc», a déclaré Mme McCollum dans un tweet. «Les actions de Trump rendent dangereusement légitime l’annexion illégale du territoire sahraoui», a dénoncé la représentante américaine, affirmant que le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination, reconnu au plan international «doit être respecté». Jeudi, l’ONU a déclaré qu’elle maintenait inchangée sa position sur le Sahara occidental. Guterres «pense (…) que la solution à cette question peut toujours être trouvée sur la base des résolutions du Conseil de sécurité», a déclaré son porte-parole Stéphane Dujarric.

La résolution 690 (1991) du Conseil de sécurité a chargé la Mission onusienne (Minurso) d’organiser un référendum libre et équitable au Sahara occidental et en proclamer les résultats. Inscrit depuis 1966 à la liste des territoires non autonomes, et donc éligible à l’application de la résolution 1514 de l’Assemblée générale de l’ONU portant déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et peuples coloniaux, le Sahara occidental est la dernière colonie en Afrique, occupé depuis 1975 par le Maroc.

M.T. / Ag.