À l’issue de la 76e réunion du CLRT, les six pays concernés confirment leur engagement pour faire de la route Alger-Lagos une infrastructure stratégique intégrée au développement africain. Avec un taux de réalisation de 90 %, la Route transsaharienne s’apprête à franchir une nouvelle étape décisive : sa transformation en corridor économique structurant pour le continent africain. À l’occasion de la 76e session du Comité de liaison de la Route transsaharienne (CLRT), tenue mardi 24 juin 2025 en visioconférence, le ministre des Travaux publics et des Infrastructures de base, Lakhdar Rekhroukh, a plaidé pour la mise en place d’un système efficace de gestion, de maintenance et d’exploitation de cette infrastructure longue de 10.000 km.
Cette réunion, présidée côté algérien par M. Rekhroukh, a rassemblé les représentants des six pays traversés par la Route transsaharienne – à savoir l’Algérie, la Tunisie, le Mali, le Niger, le Tchad et le Nigeria – ainsi que ceux de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED) et d’institutions financières internationales. Elle marque une étape charnière dans la transition du projet de route continentale vers un corridor économique multidimensionnel, intégré aux priorités de développement régional.
Une vision élargie, un projet structurant
Dans son intervention, le ministre a rappelé que la route Alger-Lagos constitue bien plus qu’un simple axe routier transcontinental. « Il est désormais temps de passer d’une logique d’achèvement technique à une logique d’exploitation économique intégrée », a-t-il déclaré. Pour cela, il insiste sur la nécessité d’un système de gestion et d’entretien structuré et performant, garantissant la pérennité de l’infrastructure, la sécurité des usagers et l’optimisation des flux économiques. La stratégie défendue par l’Algérie repose sur une approche intégrée, qui associe routes, lignes ferroviaires, réseaux de fibre optique, infrastructures énergétiques et services logistiques. Cette vision correspond aux exigences contemporaines du développement durable et de la transformation économique du continent, a soutenu M. Rekhroukh.
L’axe ferroviaire Nord-Sud : une épine dorsale complémentaire
Parmi les projets connexes évoqués figure en bonne place la ligne ferroviaire Nord-Sud, initiée par le président de la République, Abdelmadjid Tebboune. Selon le ministre, cette voie ferrée permettra de relier des pays enclavés au réseau portuaire algérien en pleine modernisation, facilitant ainsi l’exportation et l’importation des marchandises africaines. « Cette ligne constitue un levier structurant pour la mobilité des personnes et le transport des biens entre le cœur du continent et la façade méditerranéenne », a-t-il précisé, soulignant la dynamique attendue en matière d’investissement et de circulation commerciale.
Un projet fédérateur au service de l’intégration régionale
Le projet transsaharien est conçu dans une logique d’intégration économique continentale. Il vise à faciliter le transit, développer les échanges commerciaux entre les pays africains, et attirer des investissements structurants. La participation de la CNUCED et de plusieurs bailleurs de fonds internationaux à cette réunion témoigne de l’intérêt stratégique croissant que suscite ce corridor. M. Rekhroukh a insisté sur le fait que la réunion reflète une volonté politique commune et constante, malgré les défis géopolitiques et économiques. Il a salué la maturité des institutions africaines, leur capacité à établir un dialogue efficace, et à construire des partenariats sur la base d’une vision partagée.
Le projet Tindouf-Zouerate : ouverture vers l’Afrique de l’Ouest
Parallèlement à la Route transsaharienne principale, le projet de route reliant Tindouf (Algérie) à Zouerate (Mauritanie), long de 840 km, a été présenté comme une infrastructure stratégique de connexion avec l’Afrique de l’Ouest. Ce tronçon pourrait, à terme, être intégré au corridor transsaharien, étendant ainsi sa portée et ses retombées économiques. Selon M. Rekhroukh, ce projet « représente une véritable ouverture vers les marchés de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) » et s’inscrit dans la vision géostratégique de l’Algérie pour renforcer les synergies régionales et améliorer la connectivité sud-sud.
Un consensus régional autour du corridor
La 76e session du CLRT a également été marquée par l’unanimité des six pays membres quant à la nécessité d’aboutir à un corridor économique fonctionnel. « Ils ont marqué leur présence, quelle que soit la conjoncture, et manifesté leur adhésion pleine au projet de développement intégré », a déclaré le ministre. Ce consensus régional est crucial pour la mise en œuvre future d’un mécanisme commun de gestion du corridor, afin de garantir la coordination, la maintenance partagée et l’harmonisation des normes techniques, douanières et réglementaires.
Nouvelle gouvernance : Mohamed Ould Mohamedi à la tête du CLRT
L’un des temps forts de la session fut l’installation de Mohamed Ould Mohamedi comme nouveau secrétaire général du Comité de liaison, en remplacement de Mohamed Ayadi, salué pour ses trois décennies d’engagement au service du projet. M. Rekhroukh a souligné que le nouveau secrétaire général aura pour mission d’établir un cadre opérationnel de coopération entre les pays membres, en œuvrant à la mise en place d’un mécanisme de gestion du corridor et à l’activation de projets conjoints d’intégration. Dans sa déclaration à la presse, M. Ould Mohamedi a insisté sur l’importance de la coordination entre les six pays traversés, notamment pour ce qui concerne la maintenance, la gestion des infrastructures, mais aussi la définition technique du corridor et son articulation avec d’autres projets régionaux étudiés par la CNUCED.
Un passage de relais entre les secteurs
Avec un taux d’avancement de 90 % de la route déjà achevée, dont 100 % pour la section algérienne (2.400 km), le ministre a affirmé que le temps est venu pour les secteurs économiques de prendre le relais des travaux publics. Il a ainsi appelé à une mobilisation concertée des ministères des Finances, du Commerce, des Transports et de l’Économie numérique, afin d’assurer une transition fluide entre la phase d’infrastructure et celle d’exploitation économique du corridor.
Soutien international et financement
Le ministre a salué le rôle des institutions financières régionales et internationales dans l’accompagnement du projet, appelant à renforcer les engagements multilatéraux pour parachever les travaux restants « dans les plus brefs délais ». La réunion s’est conclue sur la nécessité de réévaluer collectivement les progrès réalisés, de fixer des priorités opérationnelles claires pour l’achèvement technique, et de bâtir une gouvernance régionale apte à transformer la route transsaharienne en vecteur concret d’intégration économique africaine.
T. Benslimane
-Encadré : La Route transsaharienne en chiffres
10.000 km de long, reliant Alger à Lagos
6 pays traversés : Algérie, Tunisie, Mali, Niger, Tchad, Nigeria
90 % de taux d’achèvement global
2.400 km réalisés en Algérie (100 % achevés)
840 km pour le projet complémentaire Tindouf-Zouerate






