Rencontre cinématographique de Béjaïa: «Le voyage de Keltoum» un court-métrage qui émeut les cinéphiles

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Photo conception L'Echo d'Algérie@

«Le voyage de Keltoum», un court-métrage d’Anis Djaâd a ostensiblement ému, ce lundi, au 3e jour des rencontres cinématographiques de Béjaïa, en livrant de façon lucide, mais poignante, le récit d’une famille d’émigrés, intégrée certes, mais socialement en grande difficulté et qui de plus, souffre terriblement de la rupture avec son pays d’origine. L’œuvre, n’est pas une nouvelle composition sur les déracinés, ni un pamphlet sur l’immigration, mais peint, en revanche, avec justesse et réalisme, la douleur sourde, d’hommes et de femmes, qui triment toute leur vie, sans pouvoir au bout du compte, à la fin du rouleau, en tirer bénéfice. S’accorder parfois un voyage, par exemple, fut-il impératif, vers le pays relève quasiment de l’irréalisme. Et irrémédiablement, le drame attend souvent au tournant. Ainsi l’a voulu, Djaâd, qui en braquant sa caméra 23 minutes durant sur le parcours de Keltoum, a fini par mettre a nu, ses déchirures, ses rêves manqués et ses certitudes. Un gâchis sur toute la ligne. Infirmière depuis 30 ans, elle s’est occupée seule, mais généreusement de sa petite famille, notamment son mari oisif, toujours en peine d’avoir quitté l’Algérie pour elle et son fils, adulte, mais qui vit toujours à ses basques. Mais lorsque sa sœur, mourante lui demande dans une supplication de dernière volonté de rentrer à Alger pour se recueillir une dernière fois sur la tombe de leur maman, le drame éclate. Ne pouvant réunir, l’argent nécessaire au voyage, elle découvre, le grand ratage de sa vie. Celui de manquer d’économie, de n’avoir pas pris soin de son mari frustré et de son enfant en état d’abandon à cause de ses absences passées à prendre soins des autres à l’hôpital. Et chacun, en a exploité le moment pour le lui faire savoir avec véhémence et colère. La mama protectrice qu’elle croyait être n’en était plus une, mais une femme singulière qui découvre l’enfermement familial dans lequel elle s’était engoncée insoucieusement des décennies durant. De guerre lasse et dans l’impossibilité de voyager, elle invente alors un mensonge vertueux, en leurrant sa sœur déjà peu consciente, de la réalisation du voyage à Alger. Son idée s’était matérialisée en la faisant rouler longtemps sur les périphériques de Paris avant d’échouer dans un cimetière et une tombe anonyme. Une histoire et une chute émouvantes servis par des acteurs sublimes et des cadrages de composition impressionnants. A couler de frissons.