Quelle est la structuration des réserves de change en Algérie en 2022 et l’impact de l’introduction de la monnaie numérique ?

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Abderrahmane Mebtoul, professeur des universités

L’objet de cette présente contribution est d’analyser le niveau et la structuration des réserves de change en Algérie en 2022, richesse virtuelle, qu’il s’agit de transformer en richesses réelles et de l’opérationnalité de la décision récente d’introduire la monnaie numérique, beaucoup de pays n’étant qu’au stade de l’expérimentation.

1-Les réserves internationales d’un pays sont, généralement, l’ensemble des disponibilités composant le portefeuille des actifs que sa Banque centrale détient (devises, or, droits de tirages spéciaux (DTS). Le ministre des Finances a affirmé, le 24 décembre 2022 ( source APS) que les réserves de change devraient atteindre les 54,6 milliards de dollars à la fin de l’année 2022, données reprises par la loi de finances 2023, et le 26 décembre 2022, le gouverneur de la Banque d’Algérie (source APS), que les réserves de change algériennes dépassent les 60 milliards de dollars, ce qui équivaut à un an et demi d’importation. Je tiens à rappeler l’évolution des réserves de change de 2001 à 2021, données du FMI :

– 2001 : 17,9 milliards de dollars, – 2002 :

23,1 milliards de dollars,

– 2003 : 32,9 milliards de dollar – 2004 :

43,1 milliards de dollars,

– 2005 : 56,2 milliards de dollars, – 2010 :

162,2 milliards de dollars,

– 2011 : 175,6 milliards de dollars, – 2012 :

190,6 milliards de dollars,

– 2013 : 194,0 milliards de dollars, – 2014 :

178,9 milliards de dollars,

– 2015 : 144,1 milliards de dollars, – 2016 :

114,1 milliards de dollars,

– 2017 : 97,33 milliards de dollars, – 2018 :

79,88 milliards de dollars,

– 2019 : 62 milliards de dollars

-2020 44,2 milliards de dollars -2021 47 milliards de dollars

Tout en se félicitant de cette augmentation des réserves de change, mais étant un sujet très sensible, les responsables doivent s’accorder sur les données en répondant une série de questions stratégiques, au nombre de cinq pour éviter de fausses polémiques nuisibles aux intérêts supérieurs du pays :

-dans ce montant le gouverneur et le ministre des Finances ont-ils pris la même cotation du dinars par rapport au dollar (cotation 26/12/2022 137,52 dinars un dollar et 146,22 dinars un euro);

– quelle est la structuration des réserves de change de l’Algérie en différentes monnaies internationales, euro, yen, livre sterling ou yen chinois dont les fluctuations avec la reconversion en dollars ont un impact sur le montant des réserves de change en dollars;

– ces données tant du ministre des Finances que celles du gouverneur de la Banque d’Algérie ont- ils inclus les DTS ou pas déposés par l’Algérie au niveau du FMI et quel est le montant au 2022;

– dans les réserves de change, ont-ils inclus les 173 tonnes d’or ou pas, dont le volume n’a pas évolué depuis 2007 (voir Abderrahmane Mebtoul www.google.com 2022 ) dont le cours est de 1797,98 l’once d’or le 26/125/2022, étant une valeur refuge, fluctuant périodiquement, avec une valeur d’environ 10/11 milliards de dollars;

.-en cas de dépôts à l’étranger dans certaines banques centrales quel a été le montant perçu en 2022, grâce aux intérêts et ces taux d’intérêts ont-ils été positifs en référence au taux d’inflation mondial.

2-Concernant la décision récente d’introduire la monnaie numérique en Algérie, beaucoup de pays ne sont qu’au stade de l’expérimentation. Selon le gouvernement, la Banque d’Algérie, à travers la numérisation des paiements devrait s’orienter vers l’adoption d’une forme numérique de monnaie, dont elle assurera l’émission, la gestion et le contrôle sous le nom de dinar numérique algérien, précisons que les conditions sont la confiance tant des opérateurs que du citoyen, une refonte totale du système financier qui jusqu’à présent s’est cantonné comme simple guichet administratif, une tendance à la convertibilité du dinar et surtout l’introduction de la masse monétaire en circulation hors banque qui selon le président de la République un montant entre 6.000 et 10.000 milliards de dinars, entre 33 et 45% du PIB expliquant la différence par l’effritement du s d’information.

La monnaie émise directement par la Banque centrale circule sous deux formes: Les pièces et les billets, qui forment ce qu’on appelle la monnaie fiduciaire et les sommes placées par les banques commerciales sur les comptes qu’elles détiennent auprès de la Banque centrale pour s’approvisionner en billets de banque mais aussi parce que la Banque centrale lui impose d’y laisser des sommes en réserve (les réserves obligatoires), ce compte servant également pour les opérations de prêt que la Banque centrale accorde aux banques commerciales dans le cadre de sa politique monétaire. Une monnaie numérique de Banque centrale est une monnaie, émise par la Banque centrale totalement dématérialisée. C’est une valeur monétaire qui est stockée sous une forme électronique, y compris magnétique. C’est en quelque sorte un équivalent numérique de l’argent liquide pouvant être stocké sur un support électronique (la puce d’un téléphone mobile) ou à distance sur un serveur (un compte en ligne).

Nous pouvons avoir deux formes de monnaie numérique de Banque centrale : une monnaie centrale dite «interbancaire», qui serait utilisée exclusivement par la Banque centrale et les banques commerciales ou d’autres institutions financières, pour les transactions financières entre elles. Cette monnaie centrale numérique pourrait être créée via une technologie de registre distribué, comme la blockchain ce qui permettrait d’effectuer les transactions financières de manière plus rapide, transparente et sûre, et à moindre coût qu’en utilisant une technologie classique et une monnaie centrale dite «de détail», utilisable par le grand public qui pourrait utiliser cette monnaie centrale numérique soit sous une forme stockée dans un support physique (une carte, un téléphone mobile…), soit via un compte ouvert en monnaie centrale numérique. L’objectif ne serait pas que cette monnaie numérique de détail remplace les pièces et les billets, s’agissant plutôt de proposer une alternative, une monnaie numérique publique, émise et garantie par une banque centrale, permettant d’offrir au public un choix et d’accompagner l’évolution des comportements en matière de paiement. Mais l’on ne doit pas confondre la monnaie numérique avec les crypto-monnaies qui circulent sur Internet hors de toute institution bancaire, Les «crypto-monnaies», plutôt appelés «crypto-actifs», sont des actifs numériques virtuels qui reposent sur la technologie de la blockchain (chaîne de bloc) à travers un registre décentralisé et un protocole informatique crypté, n’étant pas une monnaie, sa valeur se déterminant en fonction de l’offre et de la demande. Les crypto-actifs ne reposent pas sur un tiers de confiance, comme une banque centrale pour une monnaie, n’ayant pas d’autorité centrale d’émission ni de régulation, mais utilisant un système décentralisé pour enregistrer les transactions et émettre de nouvelles unités.

3- La monnaie, qui est avant tout un rapport social, traduisant le rapport confiance Etat/citoyens, est un signe permettant les échanges ne créant pas de richesses. Au contraire, la thésaurisation et la spéculation dans les valeurs refuges comme l’or, certaines devises ou certaines matières premières sont nocives à toute économie. Les expériences historiques du développement des Nations montrent clairement qu’il n’existe pas de corrélation entre les pays les plus riches et le niveau des réserves de change. La richesse de toute nation provient de la bonne gouvernance, permettant la création de valeur ajoutée reposant sur le travail et l’intelligence. Aucun pays ne s’est développé grâce aux mythes des matières premières y compris l’or. Après avoir épuisé ses stocks d’or, avec la découverte de Christophe Colomb, l’Espagne a périclité pendant plusieurs siècles où en 1962, l’Algérie était plus développée. Le régime roumain communiste avait des réserves de change grâce à des restrictions drastiques des importations, mais une économie en ruine. Et c’est ce qui attend les pays producteurs d’hydrocarbures ou de matières premières brutes qui ne vivent que grâce à cette rente. Pour l’Algérie, l’augmentation des réserves de change de l’Algérie due essentiellement au cours élevé des hydrocarbures, représentant avec les dérivés en 2022, 97/98% des recettes en devises, les dérivés inclus pour plus de 60% dans la rubrique hors hydrocarbures, qui avec un endettement extérieur relativement faible environ selon le FMI de 2.4% du PIB en 2020, de 6.5% en 2021 et projeté à 7.7% du PIB en 2022 , malgré une croissance de la dette publique est de 56,1% du PIB en 2021, 60,5% en 2022 et serait de 65,3% en 2023, permet une marge de manœuvre appréciable pour redresser l’économie nationale, tout en assurant une relative autonomie dans les décisions. Mais les réserves de change sont une richesse virtuelle qu’il s’agit de transformer en richesses réelles.