Les prix des produits alimentaires s’envolent à nouveau, «les prix sont trop élevés», déclare Hadj Moh Ouali rencontré au marché de Aïn Benian. Pour Nafissa, cadre en retraite, «on ne comprend plus rien, où est l’Etat ?». Effectivement, il n’y a aucun contrôle, le marché est livré à lui-même. La flambée des prix, très récurrente en Algérie, a été, cette année accentuée par l’effet de la rumeur, associée à l’entrée en vigueur de la loi de finances 2017. Les pouvoirs publics ont beau signaler que 2% de la TVA ne représentait pas une hausse «scandaleuse», d’un côté et l’absence de tout impact de ladite loi de finances sur les prix de nombreux produits agricoles, en sus des produits, dont les prix sont administrés par l’Etat, la spéculation a tout de même été plus forte et les Algériens, comme pour chaque début de Ramadhan sont tombés dans le piège de marchands sans scrupules. Des hausses injustifiées ont assommé les consommateurs et poussé les observateurs à s’interroger sur le rôle régulateur de l’Etat, dont les agents se cachent derrière le principe de la liberté des prix. Ils sont nombreux les commerçants et autres industriels à avoir appliqué, les dispositions de la loi de Finances 2017, bien avant sa promulgation, «un de nos fournisseurs, qui est un producteur local, a procédé à des augmentations de ses produits (électroménager), dès le 03 décembre 2016, il n’a pas le droit», affirme Karim, commerçant de produits électroniques à Birkhadem. D’autres fournisseurs, ont stocké les produits de 2016, pour les proposer en 2017, l’arnaque est devenue la règle ! Au ministère du Commerce, la réponse est toute faite. Les agents de contrôle peuvent obliger les commerçants à afficher leurs prix, mais n’ont pas le droit de les forcer à les plafonner à un certain niveau. Cette prérogative revient d’autorité au gouvernement. Mais il serait «suicidaire» de recourir systématiquement à ce genre de pratique qui plomberait le commerce de gros et de détail, disent les spécialistes du commerce. Mais on ne peut pas imaginer toute une société livrée au travestissement de la loi de l’offre et de la demande, car c’est bien de cela qu’il s’agit. Le fait que l’abondance de la production agricole ne soit pas traduite sur les marchés de détail est la preuve qu’un maillon de la chaîne commerciale triche. Il n’est pas besoin de faire une enquête pour déduire un fait récurent chez-nous, à savoir que les acteurs de la filière commerciale se rejettent la faute. Le gouvernement, qui n’est certainement pas ignorant des pratiques illicites, n’aura jamais les moyens de mettre derrière chaque grossiste ou détaillant un agent de contrôle, sait comment faire pour remédier à la situation. Il n’a rien inventé. Cela s’appelle à la régulation, elle relève des prérogatives des pouvoirs publics. Des prérogatives qui s’exercent le plus normalement du monde sous d’autres cieux, où l’inflation n’excède quasiment jamais les 2%. La formule est on ne peut plus simple et consiste en la réalisation de plusieurs marchés de gros où chaque acteur est dûment identifié, avec en prime la suppression des intermédiaires parasites qui font multiplier les prix par dix entre le producteur et le consommateur final. Le commerce est l’otage des barons de l’informel, qui prospèrent grâce à la passivité des organes de contrôle, l’Etat hélas n’arrive plus à réguler le marché. La mécanique étatique de régulation des prix est restée dans les cartons pour une partie et sous forme de fondations pour une autre, avec le risque de voir des investissements reportés à une date indéterminée en raison de la baisse des recettes pétrolières. C’est dire que la situation que vivent les Algériens ces derniers jours n’a objectivement pas de solution et le consommateur est encore et toujours l’otage de la rumeur et des spéculateurs. S’il faut reconnaître une avancée palpable de l’Etat dans le domaine de la régulation, c’est la création d’un office qui cahin caha permet la régulation des prix de la pomme de terre et du poulet. Le travail de l’Office national des légumes et des viandes (Onliev) a contribué à la stabilité relative des prix de ces deux produits, mais l’intervention de cet office demeure encore artisanale en l’absence d’un véritable dispositif qui garantirait l’exercice commercial dans la transparence. Ce grand déficit de l’Etat en amont du marché, livre les agents de contrôle du ministère du Commerce pieds et poings liés à une faune de spéculateurs qui évoluent en terrain conquis. Il y a le feu, les citoyens sont malmenés par des opérateurs véreux, sans morale, l’Etat doit chercher d’autres solutions. L’absence effective de l’Etat est tellement scandaleuse, qu’il arrive même que des commerçants se permettent le «courage» de spéculer sur les prix du lait, de la semoule, deux produits subventionnés par l’Etat et qui constituent le premier gage de la stabilité sociale.