L’islam « encourage », à titre « exceptionnel », le prélèvement d’organes et de tissus sur personnes décédées pour sauver une vie humaine, a affirmé, hier à Alger, le ministre des Affaires religieuses et des Wakfs, Mohamed Aïssa.
« L’islam autorise et encourage de manière explicite et claire à intervenir exceptionnellement pour effecteur une transplantation d’organes ou de tissus sur personnes décédées afin de sauver une vie humaine », a déclaré le ministre à l’ouverture du 3éme congrès France-Maghreb sur la transplantation d’oranges. M. Aïssa a ajouté que cet « état d’exception est statué » par les exégètes de l’islam et la jurisprudence musulmane en se référant aux textes sacrés qui vont dans ce sens, citant, entre autres, le verset coranique stipulant que « Celui qui sauverait la vie d’une seule personne aurait comme sauvé l’humanité toute entière ». « La donation d’organes, de tissus et autres est un acte bénéfique hassana, une œuvre méritoire, altruiste et désintéressée », a-t-il poursuivi, notant que « les états d’obligation fondent l’exception en islam ». Le ministre a également rappelé les nombreux Hadiths du Prophète Mohamed (QSSSL) instruisant ses compagnons, tout en précisant que les savants de l’islam se sont référés, en autorisant la transplantation à partir des personnes décédées, à l’Académie de Jurisprudence musulmane. Cette dernière a approuvé deux (02) résolutions dans ce sens, la première émise sous l’égide de l’Organisation de la Conférence islamique (OCI) et la seconde sous celle de la Ligue du Monde musulman, celle-ci exigeant que cet acte « soit signé et approuvé par trois (3) professeurs en médecine agréés et habilités à le faire ». Le ministre a, dans ce sens, assuré que les mosquées, les exégètes et les religieux vont « accompagner » ce processus une fois relancé, et ce, à travers des prêches, des conférences et autres débats en présence du corps médical et en mettant à contribution les médias lourds publics et privés. L’objectif, a-t-il explicité, étant de « rehausser cette valeur morale qui consiste à sauver une vie humaine et à inciter la population à y adhérer ». Le premier responsable des Affaires religieuses et des Wakfs a tenu à souligner que les prélèvements d’oranges et autres tissus sont toutefois conditionnés par plusieurs facteurs, en priorité par « l’impératif de statuer la mort encéphalique » du défunt par un médecin agréé et qualifié. Puis, a-t-il poursuivi, par la « nécessité réelle » d’exception et par l’obligation du « respect de l’honneur » du défunt, et ce, en évitant le prélèvement de plusieurs organes et tissus à partir de son corps pour ne pas le « défigurer ». « Au-delà de l’accord préalable du défunt, avant sa mort, où de celui de sa proche famille, après le décès, la jurisprudence musulmane considère que la personne qui ne refuse pas de faire don d’un de ses organes a émis un consentement implicite pour ce faire », a poursuivi le ministre. Et de faire savoir, dans ce sens, que des pays arabes comme la Tunisie et le Koweït procèdent à des prélèvements sur cadavres y compris « sans l’autorisation préalable » de la personne décédée ou de ses proches.
« Les textes réglementaires en majorité « élaborés » réplique Hasbellaoui
Le ministre de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière, Mokhtar Hasbellaoui, a affirmé, vendredi à Alger, que les textes réglementant les prélèvements d’organes sur personnes décédées sont, pour la plupart, « élaborés ». « La nouvelle loi consacre les grands principes d’éthique et organisationnels sur les prélèvements d’organes sur personnes décédées. Les projets de textes réglementaires qui vont accompagner cette loi sont, pour la plupart, élaborés », a déclaré le ministre à l’ouverture du congrès France-Maghreb sur la transplantation. Se félicitant que depuis 2018, année de la promulgation de la nouvelle loi sanitaire, l’Algérie dispose d’un cadre législatif inhérent aux greffes d’organes, il a souligné « l’engagement » de l’Etat dans le sens de « la promotion et de soutien » de ce programme, le qualifiant de « priorité de santé publique ». Tout en déplorant les « limites » des dons d’organes à partir de donneurs apparentés, M. Hasbellaoui a estimé qu’il fallait « tout mettre en œuvre » pour que le prélèvement se fasse à partir de personnes décédées, notant, dans ce sens, que l’Agence nationale des Greffes s’attèle, en partenariat avec l’Agence française de Biomédecine, à asseoir les organisations médico-techniques nécessaires ainsi que les formations complémentaires exigées ». Ceci, a-t-il ajouté, en plus de la mise en place d’un programme d’information et de communication en direction des citoyens, du personnel médical et des médias, afin d’adhérer à cette démarche, faisant observer que les réanimateurs sont « la pierre angulaire » de ce projet. Tout en « remerciant » le ministre des Affaires religieuses et des Wakfs pour le « soutien » apporté pour la mise en œuvre des greffes à partir de cadavres, M. Hasbellaoui a exprimé sa conviction que cette position va « très probablement » aider le secteur de la santé à faire la promotion de cet objectif. Ceci, a-t-il poursuivi, en plus de « l’adhésion de tous les professionnels de la santé, de la société civile et des médias ». Le ministre a relevé que, depuis 1986, seules les greffes sur donneurs vivants sont pratiquées en Algérie, rappelant l’expérience unique, réalisée en 2002 à Constantine, sur un donneur en état de mort encéphalique. Depuis la première intervention, les greffes sur donneurs vivants sont devenues « une pratique courante » dans plusieurs services et régions du pays, citant, entre autres, les greffes rénales, hépatiques qui sont en train d’être « développées », a-t-il conclu.
Prés de 700 greffes d’organes et de tissus effectuées en 2018 en Algérie
Prés de 700 greffes d’organes et de tissus, dont 416 greffes de cornées, ont été effectuées en 2018 en Algérie, a révélé, hier à Alger, Sidi-Ahmad Faraoun, spécialiste à l’Agence nationale des Greffes (ANG). Selon ce bilan actualisé recensant les greffes d’organes et de tissus réalisées en Algérie ces 3 dernières années, il ressort que 416 cornées ont été greffées en 2018 contre 217 en 2017 et 352 autres en 2016. S’agissant des greffes rénales, 268 ont été effectuées en 2018, 251 en 2017 et 244 autres en 2016, tandis qu’il a été dénombré 7 greffes hépatiques en 2018, contre 9 en 2017 et 3 en 2016. Pour ce qui est des cellules souches, un total de 330 greffes a été réalisé en 2018, 294 en 2017 et 265 autres en 2016, a indiqué M. Faraoun, précisant l’existence d’une banque de sang placentaire dont 750 unités ont été conservées en 2018. Concernant les centres de prélèvements et de greffes existant sur le territoire national, 14 sont dédiés aux greffes rénales, 3 aux greffes hépatiques, 14 aux greffes de tissus et cornées, 5 autres aux transplantations des cellules souches et enfin 14 centres ont été mis en place en prévision des prélèvements sur donneurs décédés. Le représentant de l’Agence des greffes s’est, par ailleurs, félicité de ce que cette dernière dispose, pour la première fois, du nombre exact de greffons fonctionnels, lequel s’élevait, à fin 2018, à 1552 alors que 23.798 insuffisants rénaux se trouvent encore sous dialyse et 757 en attente d’être greffés. Tout en rappelant qu’il n’existe pas encore de prélèvements sur personnes décédées, M. Faraoun a fait également savoir que le pays ne dispose pas de « banque de tissus », mais qu’un projet dans ce sens sera réalisé dans le secteur public. « Ne seront autorisés pour les prélèvements et greffes que les établissements de santé disposant des conditions médico-techniques précises et d’un cahier de charges extrêmement précis qui sera géré par un arrêté qui en cours d’élaboration », a-t-il conclu, avant de souligner que les prélèvements d’organes et autres tissus ne s’effectuent pas dans le secteur.
Yasmine Derbal / Ag