Pour une analyse objective des impacts de l’inflation mondiale sur l’économie algérienne et des recettes additionnelles de Sonatrach: Dresser la balance devises

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    Le cours du pétrole a été coté le 27 mars 2022 à 119,24 $ pour le Brent et pour le Wit 112,58 $. La crise ukrainienne préfigure d’importantes mutations dans les relations internationales, militaires, sécuritaires, politiques, culturelles et économiques, où la crise actuelle a des impacts sur le cours du pétrole/gaz, mais également sur la sécurité alimentaire dont la Russie et l’Ukraine représentent en 2021 30% des exportations mondiales.

    Par Abderrahmane Mebtoul Professeur des universités, expert international

    L’économie algérienne arrimée à l’économie mondiale via ses exportations d’hydrocarbures (pétrole environ 67% et 33% pour le gaz) et important plus de 80% de ses besoins, quelles incidences à la fois des prix à l’exportation et des prix à l’importation pour la relance de l’économie nationale objet de cette contribution.

    1.- Je considère que l’année 2019 avant la pandémie du coronavirus est une référence significative pour analyser l’évolution de la structure de la balance commerciale qui n’a pas significativement évolué entre 2020/2021 dans sa structure, comme en témoigne le bilan 2020, et donc afin de pouvoir anticiper la hausse des prix au niveau international qui se répercute sur le niveau de la balance des paiements. La répartition par Groupes d’Utilisation est ventilé comme suit, où en 2019, le volume global des importations a été de 41,93 milliards USD : Biens alimentaires pour 2019 : le groupe des «biens alimentaires» vient toujours en troisième position dans la structure des importations réalisées durant l’année 2019 avec une part de 19,25% de la valeur globale. Les importations de ce groupe depuis la crise en Ukraine les prix ont plus que doublé ont atteint 8,07 milliards USD au cours de l’année 2019. En termes de structure dudit groupe, les produits de céréales, laits et produits laitiers, sucres et sucreries et résidus et déchets des industries alimentaires, affichent des parts respectives de 33,52%, 15,43%, 9% et de 6,95%. Le groupe «Energie et lubrifiants» se positionne au 6e rang dans la structure des importations avec une part de 3,42%, soit une valeur de 1,44 milliard USD. Les importations dudit groupe enregistrent une hausse importante de l’ordre de 33,22% par rapport à l’année 2018. Le groupe des «produits bruts» occupe le 5e rang dans la structure des importations réalisées durant l’année 2019 avec une part de 4,80% de la valeur globale, soit 2,01 milliards USD. Les importations du Groupe d’Utilisation «demi-produits» représente une part de près d’un quart (1/4) des importations globales au cours de l’année 2019, étant constitué essentiellement, par les tubes, tuyaux et profilés creux, sans soudure, en fer ou en acier, les demi-produits en fer ou en aciers non alliés et les polymères de l’éthylène, sous formes primaires, avec les parts respectives de 11,22%, 4,78% et de 4,68%. Le groupe de «biens d’équipements agricoles» occupe le dernier rang dans la structure des importations avec une part de l’ordre de 1,09% et une valeur de 457,70 millions USD, affichant des évolutions haussières par rapport, touchant les machines, appareils et engins pour la récolte ou le battage des produits agricoles et les autres machines agricoles avec les taux respectifs de 101,32% et de 6,87%. Les importations des «biens d’équipements industriels» s’élèvent à 13,20 milliards USD, occupant ainsi le premier rang dans la structure des importations globales avec une part de 31,48%. Le groupe de «biens de consommation non alimentaires» qui renferme les Groupes d’Utilisations (8 et 9), occupe le 4e rang dans la structure des importations, représentant une part de 15,40% avec une valeur de 6,46 milliards USD au cours de l’année 2019. Pour l’année 2020, année non significative où tout l’appareil de production a été paralysé, selon les statistiques douanières concernant les importations de biens pour une valeur de 34,39 milliards de dollars nous avons la structure suivante : les biens alimentaires ont représenté 8,09 milliards de dollars dont les céréales 34,76%, suivi du lait et produits de la laiteries avec 19,14% ; les énergies lubrifiants pour 915,35 millions de dollars soit 2,66%, les produits bruts 2,30 milliards de dollars soit 6,69% ; les demi produits 23,17% soit plus de 8,05 milliards de dollars, les biens d’équipements agricoles 205,94 millions de dollars, soit 0,60%, les biens d’équipements industriels 9,16 milliards de dollars soit 26,36% ; les biens de consommation non alimentaires 5,75 milliards de dollars dont les produits médicaux pour la vente en détail, l’antisérum et les parties accessoires automobiles représentant respectivement 19,44%, 9,14% et 5,86%. Bien que n’a été publié aucun bilan définitif pour l’année 2021, selon l’Office national des statistiques (ONS), les importations des marchandises ont connu des hausses durant le premier semestre 2021 par rapport à la même période de 2020, selon l’Office national des statistiques (ONS) de janvier à juin 2021, les importations se sont élevées à 2 463,7 milliards de dinars au 1er semestre 2021 contre 2 130,5 milliards de dinars à la même période de 2020, soit une hausse de 15,6% et les exportations de marchandises, se sont élevées à 2 293,2 milliards de dinars contre 1368,7 milliards de dinars à la même période de référence en 2020, enregistrant une hausse de 67,5%. Durant les six premiers mois de 2021 nous avons assisté à une nette évolution haussière de l’indice des prix à l’importation avec l’augmentation qu’ont connu tous les groupes de produits par rapport à la même période de l’année 2020. Ainsi, la hausse la plus remarquable a concerné les combustibles minéraux, lubrifiants et produits connexes avec +72,9%, les huiles graisses et cires d’origine animale ou végétale avec +59,8%, les boissons et tabacs (+23,5%) et les produits chimiques et produits connexes (+23,5%). D’autres groupes de produits ont également connu des augmentations de prix à l’importation. Il s’agit des produits alimentaires et animaux vivants (+18,9%), des matières brutes non comestibles, sauf le carburant (+17,4%), des articles manufacturés (+15,6%) et enfin les machines et matériels de transport (+8,4%).

    2.-Les indicateurs du commerce extérieur sont importants pour dresser la balance devises Algérie dans un cadre dynamique, les résultats qui suivent ne tenant pas compte dans le montant des importations, du gel de 402 projets annoncé par le président de la République suspendus pour des raisons administratives, sinon le montant des importations serait plus important pour 2022. Il ne faut jamais raisonner en statique, mais toujours en dynamique. Si l’on avait mis en œuvre les 402 projets bloqués, et en prenant en moyenne une sortie de devises pour des projets moyens concurrentiels au niveau du marché mondial seulement de 50 millions de dollars, les sorties en devise auraient été de plus de 20 milliards de dollars entre 2020/2021, mais à moyen terme, ces projets auraient permis de générer une économie en devises. Aussi, il s’agit d’analyser sérieusement les incidences sur l’économie où les exportations de gaz pour 2021 ont été d’environ 40/43 milliards de mètres cubes gazeux et pour le pétrole, 500 000 barils/j, selon l’Opep, à ne pas confondre production et exportation tenant compte du pourcentage de réinjection dans les puits (voir notre interview parue à l’agence européenne Bruxelles en date du 09/03/2022). Les importations en 2021 y compris les services souvent oubliés, selon le FMI entre 6/7 milliards de dollars en 2021 (contre 10/11 entre 2010/2019) ont dépassé les 42 milliards de dollars. Si on prend le même volume qu’en 2021 et on applique une pondération de 40% de l’envolée des prix sur le marché international, la valeur approcherait les 60 milliards de dollars fin 2022, sauf en cas de restriction drastique des importations qui risquerait d’accroître les tensions sociales et de paralyser l’appareil économique, surtout après l’annonce que l’année de 2022, serait l’année de la relance économique. Aussi, en termes de balances devises, il faudra prendre en compte la hausse des prix au niveau mondial, le taux d’intégration des entreprises publiques et privées, ne dépassant pas les 15%, biens d’équipements matière premières et biens alimentaires, dont le montant pour cette rubrique dépasse, selon les statistiques douanières 8 milliards de dollars entre 2019/2020 (dans une déclaration du 12 avril 2021, le Premier ministre (source APS) a annoncé une facture d’importation des produits alimentaires qui dépasse 10 milliards de dollars pour 2021), et si le marché mondial reste à la tendance actuelle la valeur des importations uniquement pour cette rubrique risque de dépasser les 12/13 milliards de dollars, compte tenu de la sécheresse qui a frappé la céréaliculture, l’Algérie en Afrique étant le deuxième importateur de blé après l’Egypte afin de nourrir une population évaluée au 1er janvier 2022 à plus de 45 millions d’habitants. Et malgré, toutes les restrictions en 2021 qui ont accru le processus inflationniste parallèlement avec la dévaluation du dinar qui est coté le 25 mars 2022 à 142,5919 dinars un dollar et 157,1791 dinars un euro, contre 77/80 entre 2000/2004), afin de combler artificiellement le déficit budgétaire. Selon nos estimations si le cours se maintient à 100 $ le gain net pour l’Algérie, hypothèse d’un niveau de production physique identique à celui de 2021, car existe une limite à court terme d’accroissement de la production physique du fait du désinvestissement, étant prévu 30 milliards de dollars pour les cinq prochaines années et 8 milliards de dollars pour 2022, selon le ministère de l’Énergie, et pour les projets hautement capitalistiques dont le phosphate la rentabilité pas avant cinq années, et d’une forte consommation intérieure, nous aurons une recette (à ne pas confondre avec le profit net, devant soustraire les coûts) d’ environ 15 milliards de dollars et 20 milliards de dollars en cas d’accroissement de la production physique de 5%, tenant compte que l’on peut modifier les prix qu’après une longue négociation, en cas d’un contrat fixe à moyen et long terme, excepté pour la partie écoulée sur le marché libre dite spot. Existant un lien entre sécurité et développement, comme le rappelle le dernier numéro de l’ANP, la revue Djeich, espérons que cette manne additionnelle permettra de relancer l’économie et d’éviter les erreurs du passé, plus de 1000 milliards de dollars de recettes en devises entre 2000/2021 et une croissance dérisoire (voir notre interview au Monde.fr de février 2022 et le numéro de mars 2022 au magazine Jeune Afrique). Aussi, pour les pays peu diversifiés qui dépendent des hydrocarbures ce qu’ils gagnent d’un côté ils le perdent de l’autre avec la hausse de ces prix. C’est qu’une récession économique menacerait la croissance mondiale et donc l’économie algérienne arrimée à l’économie mondiale via ses exportations d’hydrocarbures et important plus de 80% de ses besoins. Sans une solution rapide à la crise ukrainienne , l’économie mondiale risque de connaître une récession pire que celle de l’impact du coronavirus et la crise de 2008, avec une poussée inflationniste mondiale et du chômage au niveau mondial ce qu’on qualifie de stagflation, avec l’augmentation de la dette publique qui est passée d’environ 70% du PIB en 2007 à 124% du PIB en 2020 et au niveau mondial, selon le FMI pour 2020 la dette globale ayant atteint un montant de 226 000 milliards de dollars pour atteindre 256% du PIB, les emprunts des gouvernements ayant représenté un peu plus de la moitié de cette hausse se hissant aussi à un record de 99% du PIB mondial.

    3.-Tenant compte de la balance devises, importations biens /services -exportation, devant raisonner en dynamique et non en statique loin des discours d’autosatisfaction déconnectés de la réalité, le solde net pour l’Algérie est relativement modeste pour une économie dépendante à plus de 98% de Sonatrach avec les dérivées, rendant urgent une économie diversifiée pour ne pas renouveler les erreurs du passé, existant un lien dialectique entre sécurité et développement, (voir le dernier numéro ANP Djeich ). Les conseillers de la présidence de la République et les membres du gouvernement doivent éclater rubrique par rubrique, chaque rubrique contenant des milliers de produits, d’où l’importance de la numérisation de la douane reliée aux réseaux internationaux, afin de calculer l’impact de l’augmentation récente des prix au niveau international, produits finis, matières premières et biens d’équipements afin de dresser la balance devises. Afin de relancer la machine économique, les importations en biens et services en devises, selon nos calculs, si la tendance mondiale de l’inflation (prévision 7% aux USA, plus de 5% en Europe en 2022) se poursuit entre 2022/2023, entre 70/80 milliards de dollars par an durant cette période, y compris l’investissement additionnel, afin de renouer avec la croissance et d’atténuer les tensions sociales nécessitant un flux important d’investissement étranger et national et pour la partie dinars l’intégration de la masse monétaire en circulation représentant, selon le président de la République entre 6.0000 et 10.000 milliards de dinars pour la partie dinars afin d’éviter l’émission monétaire, source d’inflation. Il faut être réaliste, en attendant les investissements prévus, l’Algérie pourra éventuellement, sous réserve d’une économie de l’énergie et de la mise en place d’une véritable transition énergétique, (les énergies renouvelables représentant moins de 1% dans la consommation intérieure) accroître sa production de gaz entre 3/5 milliards de mètres cubes gazeux maximum. à court terme, À travers le Transmed via l’Italie, fonctionnant en sous capacité, mais beaucoup plus à moyen terme, notamment en redynamisant le projet Galsi (voir notre analyse à l’agence européenne de Bruxelles 09/03/2022). Sous réserve d’une vision stratégique, l’Algérie qui a d’importantes potentialités à des marges de manœuvres et dont l’avenir dépendra des réformes qu’elle mènera ou pas. Les réserves de change dépassent les 40 milliards de dollars, mais la dette représente 50.7% du PIB en 2020 et, selon les projections, du FMI à 59.2% du PIB en 2021 et 65.4% en 2022. Le stock de la dette extérieure est relativement faible, à fin 2020 environ 5,178 milliards de dollars contre 5,492 milliards de dollars en 2019, selon le rapport «International Debt Statistics 2022 et le ratio du stock de la dette extérieure rapporté au revenu national brut est estimé à 4% en 2020, à 3% en 2019. Mais l’Algérie a peu attiré tant l’investissement productif national, avec la dominance de la sphère informelle de nature commerciale qui contrôle, selon des données contradictoires entre 33 et 47% de la masse monétaire en circulation et l’investissement étranger du fait d’entraves bureaucratiques avec une baisse de 21,3% en 2020 estimée à 1,073 milliard de dollars, contre 1,364 milliard de dollars en 2019. Ainsi, s’impose un sursaut national autour d’un large front national pour une mobilisation générale, conditionné par une plus grande moralisation de ceux qui gèrent la Cité et donc une nouvelle gouvernance et la valorisation du savoir. Il ne suffit pas de brandir le montant des dépenses pour la recherche où selon le premier ministre en date du 26/03/2022, l’Etat a dépensé près de 57 milliards de dinars, au cours actuel 400 millions de dollars. À la lecture du classement des 132 pays concernés par l’indice de l’innovation 2021, on retrouve l’Algérie à la 120e place, gagnant certes une place par rapport au classement 2020, où elle était 121e, mais reste tout de même en marge en matière d’innovation, avec une fuite des meilleures compétences pourtant formées à l’école algérienne. Donc l’important n’est pas uniquement d’évoquer les dépenses monétaires de peu de signification,(encore que ce montant rapporté au PIB fluctuant entre 160/153 milliards de dollars entre 2020/2021 est dérisoire), mais d’inventorier, combien de brevets au niveau international ont été déposés par l’Algérie. A titre de comparaison, pour les USA, première puissance économique mondiale, 45,5 milliards de dollars pour la recherche fondamentale ; 48,2 milliards de dollars pour la recherche appliquée ; 66,9 milliards de dollars pour le développement expérimental des technologies. 4,8 milliards de dollars pour les infrastructures de recherche ; pour l’Europe, le Parlement a dégagé une enveloppe de plus de 100 milliards de dollars et pour la Chine les dépenses sont évaluées à 20 milliards de dollars. Pour l’indice mondial de l’innovation 2021, nous avons le classement suivant : la Suisse, la Suède, les Etats-Unis d’Amérique, le Royaume-Uni et la Corée du Sud sont classées parmi les cinq premiers, suivis des Pays-Bas, 6e, la Finlande 7e, Singapour 8e, Danemark 9e, Allemagne 10e, France 12e , Japon 13e , Hong Kong / Chine 14e et la Fédération de Russie, 45e. En conclusion, l’objectif est de mettre fin au terrorisme bureaucratique et la mentalité rentière, freinant les énergies créatrices, qui ne peut que conduire le pays à l’impasse, voire à sa déstabilisation.

    A. M.

    (ademmebtoul@gmail.com)