Ouverture du capital des banques publiques: Pour favoriser une transition maîtrisée vers l’économie de marché

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Lors du dernier Conseil des ministres, le président de la République a ordonné  au gouvernement  d’accélérer l’ouverture du capital des banques publiques, après des études sérieues,  dont  l’objectif est  de relancer  l’investissement  et  mettre fin au terrorisme bureaucratique en libérant les énergies créatrices. 

Car depuis de longues décennies, combien de codes d’investissements, de réunions, de commissions ont eu lieu pour relancer le tissu économique et en ce mois d’avril 2023, 98% des recettes en devises, y compris les dérivés inclus  dans la rubrique hors hydrocarbures, proviennent toujours de Sonatrach, ce qui prouve que le blocage est d’ordre systémique, faute de vision stratégique, mais devant éviter le bradage du patrimoine public devant nous orienter comme en Chine vers une économie de marché à finalité sociale  maîtrisée.

1 – Il ne faut pas confondre la privatisation totale ou partielle, la démonopolisation et l’encouragement du partenariat public-privé étant sur le plan opérationnel, complémentaires d’un pays vers la transition d’une économie étatisée  vers l’économie de marché à finalité sociale. Pour ce qui est de la privatisation,  nous avons les privatisations avec transfert de propriété, où on peut recenser six méthodes qui ne sont pas une liste exhaustive, qui souvent dans la pratique connaissent des combinaisons par des études cas par cas : a) l’offre publique de ventes d’actions mais qui se heurte à une difficulté: l’absence de marché de capitaux; b) vente privée d’actions; l’apport d’investisseurs privés dans une entreprise publique après apurement du passif; d) découpage, segmentation ou restructuration de l’entreprise en plusieurs de ses composantes qui sont vendues séparément; e) distribution de bons vendus à l’ensemble de la société permettant la création de fonds d’investissement : la méthode de vente de bons d’échange, chaque citoyen recevant des bons de privatisation d’une certaine valeur moyennant une redevance d’enregistrement permet l’adhésion populaire sous réserve de bien organiser ces fonds d’investissement par des comités de surveillance; f) une toute autre solution de privatisation avec transfert de propriété est la privatisation de l’entreprise par voie de reprise totale par les salariés. Elle est satisfaisante théoriquement plus que pratiquement. Pour la réussite d’une privatisation partielle ou totale,  c’est tout l’écosystème éco-social du pays qu’il faudrait revoir (Abderrahmane Mebtoul 2 volumes 500 pages réformes et privatisation – Office des publications universitaires OPU 1983- reproduit dans Amazon Paris 2018 et le programme de l’Association nationale de développement de l’économie de marché (ADEM) en arabe-anglais-français, en 1992 sous ma présidence) Environ 83% du tissu économique étant représenté par le commerce et les services de très faibles dimensions, le taux de croissance officiel hors hydrocarbures étant artificiel, 80% du PIB via la dépense publique l’étant grâce aux hydrocarbures. Selon les données officielles, plus de  90% des entreprises privées algériennes sont de types familiaux sans aucun management stratégique, et que 85% d’entreprises publiques et privées ne maîtrisent pas les nouvelles technologies  et la  majorité des segments privés et publics vivent grâce aux marchés publics octroyés par l’Etat C’est l’entreprise libérée des entraves bureaucratiques et un Etat régulateur qui peuvent créer une économie productive à forte valeur ajoutée, devant cerner les causes du blocage car si les investissements algériens ne trouvent pas intérêt à aller vers la production nationale, vers la création de l’emploi, faut-il s’étonner, ou encore moins, s’attendre à ce que les investisseurs étrangers, qu’il y ait la règle du 51/49  ou même l’inverse, fassent preuve de plus d’engagement. L’attrait de l’investissement à forte valeur ajoutée ne saurait résulter de lois, mais d’une réelle volonté politique allant vers de profondes réformes, une stabilité du cadre juridique et monétaire permettant la visibilité, et les pays qui attirent le plus les IDE n’ont pas de codes d’investissement, mais une bonne gouvernance. Mon expérience et mes contacts internationaux aux plus hauts niveaux montrent que le temps est terminé, des relations personnalisées entre chefs d’État ou de ministres à ministres dans les relations internationales où dominent désormais les réseaux décentralisés; que dans la pratique des affaires n’existent pas de sentiments, mais uniquement des intérêts, et que tout investisseur est attiré par le profit, qu’il soit américain, chinois, russe, turc ou européen. Il appartient ainsi à l’État régulateur, dont le rôle stratégique en économie de marché s’apparente à celui d’un chef d’orchestre, de concilier les coûts privés et les coûts sociaux. C’est par la méconnaissance des nouvelles règles qui régissent le commerce international que s’expliquent les nombreux litiges internationaux, avec des pertes se chiffrant en dizaines de millions de dollars. C’est que depuis des décennies, nous avons assisté à bon nombre de codes d’investissement et des changements de l’écosystème des entreprises publiques avec un impact mitigé, montrant clairement la dominance de la démarche administrative et bureaucratique au détriment de la démarche opérationnelle économique, ces changements périodiques d’organisation démobilisent les cadres du secteur économique public, et même les investisseurs locaux et étrangers avec le renforcement de la dynamique rentière, et cela bloque tout transfert de technologique et managérial. L’investissement hors hydrocarbures en Algérie, porteur de croissance et créateur d’emplois, est victime de nombreux freins dont les principaux restent l’omniprésence du terrorisme bureaucratique qui représente à lui seul plus de 50% des freins à l’investissement.

2 – Enjeu politique majeur,  s’impose la réforme du système financier, pour attirer l’investisseur, les banques publiques, continuant à accaparer plus de 85% des crédits octroyés, avec la dominance de  la BEA, communément appelée la banque de la Sonatrach, malades de leurs clients,  la majorité des entreprises publiques en déficit structurel.  Les assainissements selon les données  (APS /2021) ont  coûté au Trésor public du premier ministère ces trente dernières années environ 250 milliards de dollars, sans compter les réévaluations répétées durant les dix dernières années de plus de 65 milliards de dollars, entraînant des recapitalisations répétées des banques. Comprendre le blocage du développement implique de saisir les liens dialectiques entre la production de la rente -Sonatrach et sa distribution à travers le système financier notamment les banques publiques canalisant plus de 85% des crédits octroyés. Sans de profondes réformes institutionnelles, une véritable décentralisation autour de grands pôles régionaux,  il est utopique d’aller vers un développement hors hydrocarbures dans le cadre des valeurs internationales. Les petites et moyennes entreprises (PME) jouant un rôle vital dans le développement économique sont souvent confrontées à plusieurs défis en matière de croissance, le plus grand obstacle demeurant   leurs capacités limitées à avoir accès aux services financiers. Les financements bancaires à long terme habituels sont généralement inaccessibles pour les PME, faute de garanties, ce qui rend les actifs mobiliers peu sûrs pour l’accès au crédit. Cette situation, ajoutée au niveau élevé des coûts de transaction liés à l’obligation de vigilance, amène les banques commerciales à continuer de privilégier les prêts aux entreprises bien établies. Dès lors, le crédit bail  pourrait être un complément comme moyen de financement  pour certains biens d’équipements en particulier pour les entreprises qui n’ont pas une tradition de crédit ou qui ne disposent pas des garanties requises. Mais le plus grand obstacle, c’est la bureaucratie centrale et locale néfaste renvoyant  au  climat des affaires en Algérie où le pouvoir bureaucratique décourage les véritables investisseurs (note interview le Monde fr / Paris avril 2022).  Aussi, outre les réformes institutionnelles dans le cadre d’une vision claire et datée des  réformes structurelles, renvoyant à la refonte de l’Etat  pour de nouvelles missions adaptées des relations dialectiques Etat-Marché, pour l’Algérie, enjeu énorme de pouvoir,  les grands défis du gouvernement 2023/2025  sont la réforme de Sonatrach lieu de la production de la rente et  le système financier dans son ensemble (douane, fiscalité, domaine, banques) lieu de distribution de la rente, afin de l’autonomiser afin qu’il ne soit plus dans le sillage des sphères de clientèles, devant s’attaquer à l’essence du blocage du développement  et non à  des actions conjoncturelles où demain les mêmes causes produiront les mêmes effets (voir A. Mebtoul www.google 2009, démocratisation et l’impérieuse réforme du système financier algérien). La réforme urgente, étant une question de sécurité nationale, doit toucher toutes les structures du ministère des Finances, les banques, à travers la récente décision du président de la République d’ouvrir le capital des banques publiques.   Les directions et sous directions de crédit; les Caisses de garanties octroyant parfois des garanties de complaisance comme cela a été constaté récemment ;  la DG de la fiscalité avec des non recouvrements faramineux inexplicables les seuls pénalisés étant les salariés et fonctionnaires dont la retenue est à la source;  les domaines incapables d’avoir un registre cadastral transparent afin d’éviter le bradage du patrimoine national (combien d’habitations ont des titres de propriété  et allez demander un livret foncier avec des marchandages que vivent dramatiquement des millions de citoyens confrontés à une bureaucratie néfaste.

 Imaginez-vous seulement que 5 millions d’unités payent seulement 10.000 DA par  an d’impôt du foncier afin d’atténuer le déficit budgétaire) et la  douane sans tableaux de la valeur reliés aux réseaux tant nationaux internationaux, comme je l’ai préconisé entre 1982/ 1983 en tant que haut magistrat et DG des études économiques à la Cour des comptes qui n’a jamais vu le jour car touchant de puissants intérêts rentiers.

Dans le contexte actuel, l’Algérie a  une économie de nature publique avec une gestion administrée centralisée, la quasi-totalité des activités quelques soient leur nature, y compris, la sphère informelle indirectement, se nourrissent de flux budgétaires c’est-à- dire que l’essence même du financement  est lié à la capacité réelle ou supposée du Trésor public via la rente des hydrocarbures.  On peut considérer que les conduits d’irrigation, les banques commerciales et d’investissement en Algérie opèrent non plus à partir d’une épargne puisée du marché, éventuellement un reliquat du travail, mais par les avances récurrentes (tirage : réescompte) auprès de la Banque d’Algérie pour les entreprises publiques qui sont ensuite refinancées par le Trésor public sous la forme d’assainissement : rachat des engagements financiers des EPE auprès de la Banque d’Algérie, plusieurs dizaines de milliards de dollars entre 1971/2022 : alors que plus de 70% de ces entreprises sont revenues à la case de départ montrant que ce n’est pas une question de capital argent. C’est que  la richesse ne peut apparaître que dans le cadre de la transformation du stock de monnaie en stock de capital, et là est toute la problématique du développement. Puisque pour l’Algérie, cette transformation n’est plus dans le champ de l’entreprise, mais se déplace dans le champ institutionnel (répartition de la rente des hydrocarbures), dans cette relation, le système financier algérien est passif.  Comme conséquence, le système financier algérien est actuellement dans l’incapacité  de s’autonomiser, la sphère financière étant totalement articulée à la sphère publique. Le marché bancaire algérien est totalement dominé par les banques publiques, ce qui fait que la crise bancaire mondiale actuelle ne touche pas  directement le système financier algérien, ne devant pas nous réjouir,  parce  que nous n’avons pas un véritable système financier  relié au réseaux internationaux comme l’a mis en relief le président de la  république mais de simples guichets administratifs. Quant à la finance islamique comme moyen de financement, qui est de promouvoir  l’investissement dans des actifs tangibles, il faut éviter l’utopie représentant cumulé entre 2021/2022  moins  de 1% du financement global de l’économie mondiale, encore qu’il faille l’encourager, sa réussite impliquant  une visibilité, la maîtrise de l’inflation, et la stabilité de la cotation du dinar par rapport aux devises euro et dollar (voir notre interview mensuel Capital Fr/AFP –France 24-11/08/2020). Quant à la  Bourse d’Alger, création administrative en 1996, elle est en léthargie, les plus grandes sociétés algériennes comme Sonatrach  et Sonelgaz et plusieurs grands groupes privés n’étant pas cotées en bourse. L’économie est dominée par la sphère informelle, notamment marchande accaparant, selon le président de la République, soulignant l’effritement du système d’information, entre 6.000 et 10.000 milliards de dinars soit entre 33% et 45% du PIB, elle est même liée à la logique rentière, ce qui  explique le peu de transactions au niveau de  la Bourse d’Alger.

Car pour avoir une cotation significative, l’ensemble des titres de capital de la Bourse d’Alger doit représenter une part significative du produit intérieur brut, les volumes de transactions observés étant actuellement  insuffisants. Les opérateurs privés susceptibles de se lancer dans cette activité ne pourront le faire que lorsque le nombre de sociétés et le volume traité seront suffisants pour seulement couvrir leurs frais. Sur le plan technique, en l’état actuel de leurs comptes, très peu d’entreprises dont les banques  connaissent exactement l’évaluation de leurs actifs, selon les normes du marché. Il se trouve que les comptes des banques et des entreprises publiques algériennes de la plus importante à la plus simple sont dans un état qui ne passerait pas la diligence des audits les plus élémentaires. Même une  grande société comme Sonatrach ou de grandes banques publiques ne sont pas  cotés en Bourse, ne pouvant pas évaluer leur efficience, contrairement aux grandes sociétés internationales. L’important pour une bourse  est le nombre d’acteurs  au niveau de ce marché. Imaginez-vous un très beau stade de football pouvant accueillir plus de 100 000 spectateurs sans une équipe pour disputer la partie. D’une manière générale je recense cinq conditions de la réussite du processus de privatisation totale et de l’ouverture partielle du capital des entreprises publiques pour éviter les  erreurs du passé (Interview au quotidien El Moudjahid 12/12/2020 Mebtoul à propos des privatisations : Définir clairement les moyens et les objectifs) : premièrement, éviter des filialisations non opérantes dont l’objectif était la sauvegarde du pouvoir bureaucratique. Or, c’est le fondement de la réussite tant de l’ouverture partielle du capital que d’une privatisation totale; deuxièmement. Le patrimoine doit être clairement défini, où actuellement il y a absence de cadastre réactualisé, numérisé posant  la problématique de l’inexistence des titres de propriété fiables sans lesquels aucun transfert de propriété ne peut se réaliser; troisièmement  avoir  des comptabilités  claires pour déterminer exactement les centres de coûts par sections répondant pas aux normes internationales, donc posant la problématique de la transparence condition fondamentale de l’adhésion tant de la population que des travailleurs à l’esprit des réformes; quatrièmement, le grand problème est la résolution des dettes et créances douteuses, les banques publiques croulant sous le poids des créances douteuses et la majorité des entreprises publiques étant en déficit structurel, endettés, surtout pour la partie libellée en devises sans un mécanisme transparent en cas de fluctuation du taux de change. Pour ce cas précis, l’instabilité   monétaire ne peut encourager ni l’investissement productif ni le processus de privatisation qu’il soit total ou partiel; cinquièmement, raccourcir les délais  et éviter chevauchements de différents organes institutionnels entre le moment de sélection de l’entreprise, les évaluations, les avis d’appel d’offres, le transfert, pour décision au gouvernement et la délivrance du titre final de propriété, afin d’éviter de  décourager tout repreneur, car en ce monde, les capitaux mobiles vont s’investir. Aussi, les  répartitions de compétences devront être précisées où il est nécessaire de déterminer qui a le pouvoir de demander l’engagement d’une opération de privatisation, de préparer la transaction, d’organiser la sélection de l’acquéreur, d’autoriser la conclusion de l’opération, de signer les accords pertinents et, enfin, de s’assurer de leur bonne exécution.

En résumé, il existe un théorème universel en sciences politiques, 80% d’actions mal ciblées ont un impact sur seulement 20% de l’activité économique et sociale avec un gaspillage des ressources financières et 20% d’actions bien ciblées ont un impact de 80%. L’enseignement majeur des expériences par le monde,  que l’on peut tirer est qu’il n’y a pas de modèle universel, chaque pays, en fonction de ses réalités et de ses contraintes, a mis  en place les techniques les plus adaptées à son contexte, les objectifs pouvant varier et être adaptés en fonction de l’activité ou de l’entreprise. il ne faut pas être utopique, Sonatrach sera pour longtemps, la principale société pourvoyeur de devises  ayant permis  avec les  dérivés  en 2022, une recette de 60 milliards de dollars, à ne pas confondre avec le profit,  dont 90% du à des facteurs exogènes, hausse du prix du pétrole et du gaz en 2022, moyenne plus de 100 dollars  pour le  pétrole et 12/13 dollars le MBTU pour le gaz,  d’où l’importance de profondes réformes axées sur plus de cohérence et de visibilité, de la nécessaire transition numérique et  énergétique. Le compromis et les objectifs stratégiques des années 2023/2030 devront  concilier l’impératif de productivité et la cohérence sociale, les principes d’une société ouverte et le devoir de solidarité, en un mot l’efficacité et l’équité,  devant éviter  toute ambiguïté, l’égalité n’étant pas celle du modèle de l963-2022, mais recouvre la nécessité d’une transformation de l’Etat gestionnaire à l’Etat régulateur, par la formulation d’un nouveau contrat social. Aussi, si certaines  conditions sont remplies, à savoir adaptation  aux nouvelles mutations mondiales, la  bonne gouvernance et la  valorisation du savoir, l’Algérie, fortes de ses importantes potentialités, et cela est reconnu par les grandes puissances et plusieurs rapports internationaux de défense/sécurité, 2018/2022,  peut asseoir  une  économie diversifiée  et  devenir un pays pivot et facteur  de stabilité de la région méditerranéenne et africaine.  ademmebtoul@gmail.com 

A. M.