Par Abderrahmane Mebtoul, professeur des universités
Plus de 85% du montant des crédits octroyés entre 2021/2023 relevant des banques publiques, la plus importante étant la BEA qui est la banque de Sonatrach, la décision de l’ouverture du capital du CPA et de la BDL à hauteur de 30% a été annoncée la mi-novembre en cours par le président de la République, lors de son discours prononcé à l’occasion de la clôture des travaux des Journées de l’entrepreneuriat organisées par le Conseil du renouveau économique algérien (CREA).
L’ouverture du capital du CPA devrait intervenir avant la fin de l’année en cours, alors que celle de la BDL devrait se faire vers la mi-2024. Mais se pose comme d’ailleurs pour l’ouverture d’autres entreprises publiques l’épineux problème des créances impayées qui se répercutent sur la solvabilité de toute entreprise. Le président de la République, lors du Conseil de ministres en date 26 novembre 2023, a rappelé que le processus d’ouverture du capital du Crédit populaire d’Algérie (CPA) et de la Banque de développement local (BDL) doit tenir compte des méthodes de gestion moderne dans un cadre concurrentiel afin de capter le capital circulant dans la sphère informelle et dynamiser l’investissement productif. Le rapport annuel de la Cour des comptes concernant la BDL que le recouvrement des créances impayées est régi par une procédure de gestion dépassée non actualisée qui remonte à l’année 2009. Au niveau central, les tâches et les responsabilités de la Direction du recouvrement des créances (DRC) ne sont pas suffisamment définies et formalisées et le système d’information peu ou mal maîtrisé. Cela constitue un facteur de risque majeur pour son équilibre financier et sa rentabilité, voire sa solvabilité. Du fait de son activité de banque à réseau, à fort ancrage régional, ayant un portefeuille de crédits commerciaux essentiellement constitué de clientèle privée, la banque est exposée à des risques dont le principal est le risque de crédit. Cette situation est favorisée par certaines lacunes liées aux conditions de fonctionnement des services de recouvrement dont l’activité n’est pas perçue comme un métier à part entière exigeant un ensemble de techniques et d’outils spécifiques et la mise en service du nouveau progiciel intégré n’a pas eu, également, d’incidence notable sur le suivi des comptes débiteurs et le recouvrement des sommes impayées. En 2021, le volume des créances non performantes ou créances classées de la BDL a atteint 364, 29 Mrds de DA, représentant 33,5% de l’encours total brut des crédits à la clientèle. Ce rapport note que le recouvrement d’une partie des créances impayées, pour un montant de 18,16 Mrds de DA, reste très modeste au regard notamment des impayés accumulés s’élevant à 248,42 Mrds de DA, mais aussi du montant des provisions pour pertes sur créances de 112,91 Mrds de DA, ce qui constitue une incidence négative pour la situation financière et les résultats d’exploitation de la banque. Ainsi pour la Cour des comptes, afin de diminuer les risques de crédit, la banque est amenée à constituer annuellement des provisions pour couvrir les risques de crédit inhérents à ces créances qui ont atteint 113 Mrds de DA fin décembre 2021 (contre 88 Mrds de DA fin 2019), soit une hausse de 24,4 %. Selon certaines informations, en 2021 le niveau des créances de la banque CPA est plus important et plus compliqué que celui de la BDL. Aussi l’ouverture du capital de ces deux banques afin qu’elle ne soit pas compromise et ne trouver pas d’acquéreurs excepté certains spectateurs, impliquent de solutionner les créances irrécouvrables trop élevés menaçant la rentabilité et sa solvabilité à moins d’une nouvelle recapitalisation via le trésor public ou la décote de la valeur des actions en soustrayant le montant des créances impayés que ne supporteront pas acquéreurs. Rappelons que la deuxième partie du rapport 2023 de la Cour des comptes a été consacrée aux collectivités territoriales où le contrôle a mis en exergue que les opérations sectorielles engagées par les différents intervenants sur l’ensemble des territoires des communes impliquées sont marqués par la négligence, le manque de rigueur de la part des gestionnaires locaux dont les walis et les présidents des Assemblées populaires communales (APC) avec l’absence d’ études approfondies avant le lancement des projets, notamment sans études de maturation et l’absence d’une étude globale du projet portant un grave préjudice financier. De ce fait, la Cour des comptes invite le ministre de l’Intérieur, des Collectivités locales et de l’Aménagement du territoire à réitérer l’attention des walis sur l’obligation de réaliser des études approfondies avant le lancement des projets, afin de déterminer leur faisabilité et réduire, par la même, les risques et les incertitudes, où le total des débits d’office résultant des condamnations pécuniaires à l’encontre de l’État, des collectivités locales et des établissements publics à caractère administratif, pour la période de 2016 à 2020, s’élève au niveau national à plus de 131 Mrds de DA, répartis en 75 milliards suite aux décisions de justice rendues contre l’État, 41 Mrds de DA suite aux décisions de justice rendues contre les collectivités locales et 15 milliards suite aux décisions rendues contre les établissements publics à caractère administratif. En conclusion, outre l’urgence d’une meilleure gestion des collectivités locales pour dynamiser l’économie locale et améliorer la situation du citoyen, concernant l’ouverture du capital de la BDL et du CPA, l’on ne doit jamais oublier que dans la pratique des affaires, n’existent pas de sentiments, de patriotisme, et que tout entrepreneur qu’il soit algérien, chinois, russe, européen ou américain est guidé par la seule logique du profit. La situation des deux banques a-t-elle évolué, le rapport de la Cour des comptes datant de 2021, étant en novembre 2023 dans la mesure où le directeur général de la Bourse d’Alger, dans une déclaration reprise par l’APS en date du 30 novembre 2023, mais sans donner de chiffres précis je le cite : «Ces deux banques sont très profitables ayant d’excellents bilans, offrant, ainsi, un retour sur investissement qui sera certainement très intéressant pour les investisseurs.»
A. M.