Sous la lumière de l’ancien Casino d’Alger, la comédienne Nesrine Belhadj a interprété le personnage de Tayoucha qu’elle a élucubré de sa plume et mis en scène dans l’intérieur vaporeux et mousseux d’un bain.
Tayoucha est une graine du petit peuple au statut de sans domicile fixe (SDF) mais non pas celui d’une “sans dignité ni fierté” qu’elle brandit du poing à la face d’une société prétendument rangée dans le statut pudiquement correct. Mieux, Tayoucha a aussi le verbe haut, et le moindre de ses propos de femme s’accompagne du geste lorsqu’elle “balance son quoi ?” au mâle prédateur. Ne se laissant ni berner ni se conter fleurette, Tayoucha est également une femme de poigne au clin d’œil du genre “on ne me l’a fait pas” qu’elle étaye de son sourire narquois et d’un haussement d’épaule dont seule l’Algérienne a le secret. Femme courage, Tayoucha est toutes griffes dehors lorsqu’il s’agit de son espace qu’elle défend bec et ongles. En fait d’espace, Tayoucha squatte un abribus malvenu au virage d’une route de campagne. Pour le reste du temps, Tayoucha bosse au hammam où elle gomme la misère d’autres femmes à l’aide de deux gants, l’un de couleur jaune pour l’avertissement et l’autre rouge pour l’expulsion hors des principes de Tayoucha. Et dire que le prénom de Tayoucha pour une fille ou Lamtiyache pour un garçon est en principe ce talisman ou “el-iyacha” qui se doit de protéger l’enfant contre le mauvais œil de l’envieux. Mais au lieu de ça, Tayoucha va d’une mésaventure à un show que la woman a conté sur la scène nue du théâtre d’Alger-Centre. Alors, seule et debout sous la lumière de l’ancien Casino d’Alger, la comédienne Nesrine Belhadj a interprété le personnage de Tayoucha qu’elle a élucubré de sa plume et mis en scène dans l’intérieur vaporeux et mousseux d’un bain. Mais pourquoi le choix d’un “beit sk’houne” (salle chaude) d’un bain ? “Le bain est l’idéale lieu où se reflète l’image de la société et où cohabite l’opulence avec l’infortune autour d’un même bassin. On y trouve le malpropre et le corps rutilant de bien-être mais aussi l’être qui crie famine et le corps repu. Outre le bouquet de statuts sociaux, le hammam diffuse aussi l’actualité dans le genre des pages people. Donc l’endroit s’y prête au mieux et offre même une variété de tableaux qu’il est requis d’éluder à l’aide de l’œil du sociologue”, a déclaré Nesrine Belhadj. En ce sens, Tayoucha, c’est aussi ce pamphlet ouvert où le citoyen lambda à l’habitude de rire de tout et même du malheur. À ce propos, l’humeur et la poésie font cause commune dans les rangs du Hirak. “Il s’agit de stopper les boat-people des harraga et de rapatrier la sève de notre Algérie qui reste à reconstruire”, a conclu notre interlocutrice qui a le mérite d’allier l’humour à la dérision et d’être sobre eu égard aux larmes versées par les mamans des harraga. D’où la standing ovation du public pour Tayoucha qui a dit tout haut ce que certains politiciens refusent de voir.