Manifestations du 11 Décembre 1960: Un triomphe médiatique international pour la cause algérienne

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La cause algérienne a remporté une victoire médiatique et politique au niveau international, à travers les manifestations du 11 Décembre 1960, largement médiatisées, brisant toutes les tentatives du colonialisme français à faire avorter la guerre de Libération algérienne, ont affirmé des historiens à Oran.

Lés manifestations, qui ont débuté le 9 décembre 1960 à Aïn Témouchent, ont réussi à attirer l’opinion publique internationale, à soulever la juste cause de l’Algérie à l’Organisation des Nations unies (ONU) et à faire échec aux plans de Charles de Gaulle visant à mettre fin à la guerre libération (1954-1962), selon les spécialistes en histoire de l’Algérie, Lounici Rabah, Bouchikhi Cheikh et Hamid Aït Habbouche. Dans ce contexte, l’universitaire Lounici Rabah a souligné que «les événements du 11 décembre 1960, qui ont eu lieu dans plusieurs villes algériennes, ont permis une victoire médiatique de la cause algérienne auprès de l’opinion publique internationale», déclarant «heureusement pour l’Algérie, des journalistes et photographes italiens étaient présents le 11 décembre à Alger et ont donc pu retransmettre largement le cours de ces événements, photo à l’appui». Grâce aux médias internationaux, le Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) a reçu un large soutien international, de sorte qu’ils ont transmis des sujets importants, notamment des images de slogans brandis et scandés par le peuple algérien, qui affirmait son attachement au Front de libération nationale et au GPRA dont «l’Algérie est musulmane», en réponse au projet des colons revendiquant «l’Algérie française» et au prétendu projet «l’Algérie algérienne» de de Gaulle sur fond de ruse, selon l’historien. Et  d’affirmer : «Partant du fait, les médias français devaient être en adéquation avec la nouvelle stratégie de Charles de Gaulle, les événements n’étaient pas rapportés de manière objective au sens propre du terme. Il était question de convaincre l’opinion publique française, en particulier les colons, qu’il faut engager des négociations avec le Front de libération nationale et le Gouvernement provisoire de la République algérienne». Ces manifestations, qui ont eu lieu dans diverses villes d’Algérie et pas seulement dans la capitale où ces événements ont été photographiés, ont également démenti les allégations coloniales selon lesquelles la révolution algérienne n’est pas présente dans les villes, a ajouté Pr Lounici. De son côté, le professeur Cheikh Bouchikhi, spécialiste en histoire moderne et contemporaine, a affirmé que «les manifestations qui ont éclaté le 9 décembre et se sont poursuivies jusqu’au 16 décembre ont montré l’échec des médias français sur lesquels s’appuyait Charles de Gaulle, qui voulaient faire pression sur les médias pour qu’ils fassent passer son projet, sachant que l’Algérie à cette époque ne disposait pas de médias lourds». L’image de l’Algérienne «Baya» montant sur un véhicule blindé de l’armée coloniale française en tenue traditionnelle et scandant l’indépendance de l’Algérie a fait sensation, publiée par le magazine Paris Match le 12 décembre 1960 et a eu un impact important et positif sur la cause algérienne à l’ONU, selon le même professeur. «Malgré le manque de ses moyens, les médias algériens ont joué un rôle majeur dans ces événements, à travers Radio Sawt El-Djazaïr et le journal El Moudjahid qui ont couvert les manifestations dans diverses villes, en plus des médias soutenant la cause algérienne, dont Radio Sawt El-Arab et des écrits anglais et italiens, ainsi que des journalistes coopérant avec des journaux américains, qui ont traité la question avec objectivité», ajoute Cheikh Bouchikhi. De son côté, le spécialiste en histoire, Hamid Aït Habbouche a souligné que «les médias français et internationaux qui ont traité des événements du 11 décembre 1960 ont donné à la cause algérienne une dimension mondiale et ont fortement touché l’opinion publique internationale qui a soutenu cette juste cause». «Malgré la subjectivité dans le traitement des événements de ces manifestations par les médias français, le message du peuple algérien est parvenu à de Gaulle et à l’Organisation de Nations unies», a-t-il déclaré, soutenant que «ces manifestations qui ont déferlé sur les différentes grandes villes d’Algérie ont emballe différentes franges de la société algérienne, ont constitué un tournant décisif dans le processus de la question algérienne, aboutissant à de premières négociations en mai 1961».

Une étape charnière dans le cours de la guerre de Libération nationale Des chercheurs en l’histoire de la guerre de Libération ont qualifié les manifestations du 11 décembre 1960, survenues dans plusieurs villes du pays en signe de rejet de la visite du président français de Gaulle en Algérie, d’«étape charnière» dans le cours de la révolution armée. Ces événements ont mis en échec le projet de maintien de l’Algérie sous domination coloniale à travers le slogan «Algérie algérienne» et permis un large soutien à la cause algérienne au niveau international, ont-ils souligné. Le Dr Mohamed Bendjabbour, enseignant au département d’histoire de l’université d’Oran 1 Ahmed Ben Bella, a indiqué à la veille de la célébration du 61e anniversaire de cet événement, que les manifestations du 11 décembre 1960, qui ont duré toute une semaine, sont considérés comme l’un des jalons les plus importants de la révolution armée, particulièrement après le retour du Général De Gaulle au pouvoir en 1958. Le chercheur a précisé que ces manifestations ont d’abord éclaté à Aïn Témouchent, le 9 décembre 1960, après la visite du Président français dans cette région, au titre d’une tournée dans plusieurs villes algériennes. «Le but de cette tournée a été de faire la promotion d’une nouvelle politique coloniale devant épargner à la France le lourd fardeau de la guerre qui a impacté son économie» a expliqué l’universitaire. Il a rappelé que le peuple algérien s’est soulevé contre cette nouvelle politique de de Gaulle, dans plusieurs villes du pays comme Aïn Témouchent, Oran, Blida, Alger, Tizi Ouzou, Béjaïa, Collo, Skikda, Batna, Biskra, Tebessa. Le mot d’ordre brandi par les manifestants était que «l’Algérie ne peut pas être française» et qu’«il n’a d’autre choix que la reconnaissance du droit des Algériens à recouvrer leur souveraineté nationale». Le Dr Bendjabbour a souligné que le chef de l’Etat français était accompagné, lors de sa visite en Algérie, d’un grand nombre de journalistes étrangers qui ont constaté de visu la réalité algérienne et la détermination du peuple à poursuivre la lutte armée jusqu’au recouvrement de l’indépendance nationale. «Les comptes rendus de la presse internationale a permis à l’opinion publique étrangère de s’informer sur le combat du peuple algérien pour recouvrer son indépendance», a-t-il ajouté. Concernant les retombées de ces manifestations, le professeur d’histoire a souligné qu’il s’agissait de consolider le soutien à la cause algérienne à l’échelle internationale. «De nombreux pays soutenant les thèses françaises ont changé de position en faveur de la révolution algérienne», a-t-il rappelé, ajoutant que l’Assemblée générale des Nations unies a adopté, le 20 décembre 1960, une liste de pays reconnaissant le droit du peuple algérien à son autodétermination.

Le FLN, unique représentant de l’Algérie en lutte Pour sa part, le Dr Mohamed Belhadj, spécialiste de l’histoire de la guerre de Libération nationale à la même université oranaise, a rappelé que l’un des objectifs de l’organisation des manifestations du 11 décembre était d’exprimer le soutien du peuple algérien à sa révolution armée et de réaffirmer que le FLN est son seul représentant légitime. «A travers ces manifestations, les Algériens ont montré qu’ils sont déterminés plus que jamais à poursuivre la lutte armée et son intensification jusqu’à la victoire finale», a-t-il indiqué. L’universitaire d’Oran a ajouté qu’à la suite de ces manifestations, ayant touché la plupart des villes algériennes et auxquelles ont participé hommes, femmes et enfants, le général de Gaulle s’est trouvé contraint à reconnaître le FLN comme le seul représentant légitime du peuple algérien et à entamer des «négociations sérieuses» avec le GPRA. S’agissant du déroulement des manifestations dans la ville d’Oran, le même chercheur a souligné que celles-ci ont commencé le 10 décembre, lorsque des partisans de «l’Algérie française» avaient organisé une marche à partir de la place de la Victoire (actuellement Benabdelmalek Ramdane) pour réclamer le maintien du statut colonial. Une contre-manifestation a été organisée, en même temps, par la population algérienne à partir du quartier populaire de M’dina J’dida. De milliers de citoyens de différents quartiers musulmans, brandissant l’emblème national et scandant divers slogans comme «Algérie musulmane», «Algérie libre et indépendante», «Libérez les détenus», ont afflué vers le centre-ville. L’armée française et les forces répressives coloniales sont intervenues pour protéger les manifestants européens et réprimer sauvagement la population algérienne. «Plusieurs manifestants algériens ont été tués par balles. De dizaines autres ont été également blessés», a fait savoir le même interlocuteur. Le chercheur d’Oran a souligné que ces manifestations populaires, qui ont coïncidé avec la célébration de la Déclaration universelle des droits de l’homme, ont eu un large écho au niveau international et contrecarré toutes les tentatives françaises de maintenir l’Algérie sous le joug du colonialisme français.

Synthese M. H. /Ag.