Lutte contre la mauvaise gestion et la corruption: Un plan de réorganisation de la Cour des comptes devient urgent comme annoncé par le président de la République

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Un plan de réorganisation de la Cour des comptes, afin de favoriser le système de contrôle et de suivi des finances publiques conformément aux dispositions de la nouvelle Constitution, qui a élargi les prérogatives de la Cour des comptes devient urgent comme annoncé par le président de la République lors d’un entretien au quotidien allemand Der Spiegel.

L’on ne doit pas se focaliser sur quelques cas qui gangrènent la société, tant civile que militaire, car la majorité, tant au niveau de l’ANP que des forces de sécurité et de la société civile, vit de son travail devant s’attaquer à l’essence de ce mal, la corruption et la mauvaise gestion qui menacent la sécurité nationale.

1 – Une des institutions clefs afin de lutter contre la corruption et la mauvaise gestion et ce, de par le monde où existe un Etat de droit, devant privilégier la prévention et non la coercition, est la Cour des comptes, qui en Algérie est régie par l’ordonnance du 17 juillet 1995, modifiée et complétée par l’ordonnance du 26 août 2010 ayant été consacrée dans la nouvelle Constitution du 30 décembre 2020, portant révision constitutionnelle. L’article 199 stipule que la Cour des comptes est une institution supérieure de contrôle du patrimoine et des fonds publics, contribuant au développement de la bonne gouvernance, à la transparence dans la gestion des finances publiques et à la reddition des comptes. Le président de la République nomme le président de la Cour des comptes pour un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois qui lui adresse un rapport annuel. Dans le cadre de ses prérogatives, la loi détermine les attributions, l’organisation et le fonctionnement de la Cour des comptes et la sanction de ses investigations, ainsi que ses relations avec les autres structures de l’État chargées du contrôle et de l’inspection. Institution supérieure du contrôle a posteriori des finances de l’État à compétence administrative et juridictionnelle, la Cour des comptes assiste le gouvernement et les deux chambres législatives (APN et Sénat) dans l’exécution des lois de finance, pouvant être saisie par le président de la République, le chef du gouvernement (actuellement le Premier ministre) ou tout président de groupe parlementaire pour étudier des dossiers d’importance nationale. Elle exerce un contrôle sur la gestion des sociétés, entreprises et organismes, quel que soit leur statut juridique, dans lesquels l’État, les collectivités locales, les établissements, les entreprises ou autres organismes publics détiennent, conjointement ou séparément, une participation majoritaire au capital ou un pouvoir prépondérant de décision. Ainsi, la Cour des comptes s’assurera de l’existence, de la pertinence et de l’effectivité des mécanismes et procédures de contrôle et d’audit interne, chargés de garantir la régularité de la gestion des ressources, la protection du patrimoine et des intérêts de l’entreprise, ainsi que la traçabilité des opérations financières, comptables et patrimoniales réalisées. Il est prévu la consultation de la Cour des comptes dans l’élaboration des avant-projets annuels de loi et de règlement budgétaire, et cette révision confère au président de la République l’attribution de saisir la Cour des comptes pour tout dossier d’importance nationale, dont le renforcement de la prévention et de la lutte contre les diverses formes de fraude, de pratiques illégales ou illicites, portant atteinte au patrimoine et aux deniers publics. Il existe différentes institutions de contrôle, outre les services de sécurité, l’organe de lutte contre la corruption, l’IGF, dépendante du ministère des Finances, ou d’autres institutions dépendantes du ministère de la Justice, d’où l’importance d’une coordination sans faille, évitant les télescopages, qui ont nui par le passé au contrôle transparent. Dans un rapport publié par l’UE, les pairs encouragent la Cour des comptes algérienne à résoudre certains problèmes notamment la longueur des procédures et des délais relatifs à certaines prises de décision; la couverture limitée des contrôles; le manque de standardisation des méthodes de travail; la non-publication et la diffusion restreinte des rapports de la Cour des comptes.

Les procédures de contrôle et d’investigation doivent mettre en relief selon les normes internationales, l’exactitude matérielle des opérations de recettes et de dépenses portées au compte du comptable public, ainsi que leur conformité avec les lois et règlements en vigueur; le contrôle de la qualité de gestion ayant pour finalité d’apprécier les conditions d’utilisation et de gestion des fonds et valeurs gérés par les services de l’État, les établissements et organismes publics et, enfin, l’évaluation des projets, programmes et politiques publiques. Toujours, selon les normes internationales, la Cour des comptes participe à l’évaluation, au plan économique et financier, de l’efficacité des actions, plans, programmes et mesures initiées par les pouvoirs publics en vue de la réalisation d’objectifs d’intérêt national et engagés directement ou indirectement par les institutions de l’État ou des organismes publics soumis à son contrôle.

2 – Je ne saurai trop insister sur le fait que le contrôle efficace doit avant tout se fonder sur un État de droit, avec l’implication des citoyens à travers la société civile, une véritable opposition sur le plan politique, une véritable indépendance de la justice, tout cela accompagné par une cohérence et une visibilité dans la démarche de la politique socioéconomique, un renouveau de la gouvernance au niveau global afin de délimiter clairement les responsabilités. Le fondement de tout processus de développement, comme l’ont démontré tous les prix Nobel de sciences économiques, repose sur des instituions crédibles, et c’est une loi universelle, d’où l’importance de dynamiser par une réelle indépendance le Conseil national de l’énergie, la Cour des comptes, le Conseil économique et social, la Bourse d’Alger et le Conseil de la concurrence. L’Algérie connaît la stabilité grâce aux efforts de l’ANP et des forces de sécurité, mais force est de reconnaître, existant un lien dialectique entre développement et sécurité, qu’ en ce mois de fin mai 2023, «Sonatrach c’est l’Algérie et l’Algérie c’est Sonatrach» (plus de 97/98% des recettes en devises avec les dérivés inclus dans la rubrique hors hydrocarbures pour plus de 60% ). L’économie algérienne est de nature publique avec une gestion administrée renvoyant à l’urgence de libérer les initiative individuelles et collectives par la lutte contre le cancer bureaucratique et une véritable décentralisation qui peut être favorisée par l’accélération de la numérisation, autour de six à sept grands pôles économiques régionaux, impliquant tous les acteurs économiques politiques et sociaux afin de favoriser la symbiose Etat-citoyens. C’est que le manque de transparence des comptes ne date pas d’aujourd’hui. J’ai eu à le constater concrètement lors des audits que j’ai eu à diriger, assisté de nombreux experts : sur Sonatrach entre 1974 et 1976, le bilan de l’industrialisation 1977-1978, le premier audit pour le comité central du FLN sur le secteur privé entre 1979 et 1980, l’audit sur les surestaries et les surcoûts au niveau du BTPH en relation avec le ministère de l’Intérieur, les 31 walis et le ministère de l’Habitat de l’époque 1982 réalisé au sein de la Cour des comptes, l’audit sur l’emploi et les salaires pour le compte de la présidence de la République (2008), l’audit, assisté des cadres de Sonatrach, d’experts indépendants et du bureau d’études Ernest-Young, «le prix des carburants dans un cadre concurrentiel «Ministère de l’Énergie, 8 volumes, 780 pages-Alger 2008», l’audit «Pétrole et gaz de schiste, opportunités et risques». Concernant Sonatrach et les différents audits que j’ai eu à diriger avec des experts, assisté des cadres du secteur ministère de l’Énergie et Sonatrach, il nous a été impossible de cerner avec exactitude la structure des coûts de Hassi R’mel et de Hassi Messaoud, tant du baril de pétrole que du MBTU du gaz arrivé aux ports, la consolidation et les comptes de transfert de Sonatrach faussant la visibilité. Sans une information interne fiable, tout contrôle externe est difficile, et dans ce cas la mission de la Cour des comptes ou de tout autre institution de contrôle, serait biaisée. Dans les administrations, disons que c’est presque impossible, du fait que leurs méthodes de gestion relèvent de méthodes du début des années 1970, ignorant les principes élémentaires de la rationalisation des choix budgétaires. C’est que l’Algérie possède des institutions qu’il s’agit de dynamiser afin de favoriser un développement durable. Ayant eu l’occasion de visiter ces structures au niveau international en tant que haut magistrat Premier conseiller et directeur général des études économiques entre 1980/1983, et de diriger en Algérie (pendant la présidence du défunt, le Dr Amir, ex-secrétaire général de la présidence de la République) trois importants audits sur l’efficacité des programmes de construction de logements et d’infrastructures de l’époque, sur les surestaries au niveau des ports et les programmes de développement des wilayas, en relation avec le ministère de l’Intérieur et celui de l’Habitat, assisté de tous les walis de l’époque devant privilégier avant tout la prévention et non la coercition. L’efficacité de la Cour des comptes et d’une manière générale toutes les institutions de contrôle, est fonction d’une gouvernance globale rénovée. Si l’on veut lutter contre les surfacturations, les transferts illégaux de capitaux, il y a urgence de revoir le système d’information qui biaisé fausse la transparence des comptes, y compris dans de grandes sociétés comme Sonatrach et Sonelgaz. Concernant les responsabilités, il y a lieu de tenir compte que l’Algérie est toujours en transition ce qui explique les difficultés de régulation, posant d’ailleurs la problématique de la responsabilité du manager de l’entreprise publique en cas d’interférences du politique posant la problématique de l’autonomie des entreprises publiques. Dans ce cas, la responsabilité n’est-elle pas collective, les managers prenant de moins en moins d’initiatives et devant donc dépénaliser l’acte de gestion, à ne pas confondre avec la corruption. Devant s’attaquer à l’essence, la bureaucratie qui étouffe les énergies créatrices favorisant les pratiques occultes, le grand problème étant la bonne gouvernance, un phénomène analysé avec minutie par le grand sociologue maghrébin Ibn Khaldoun, dès le XIVe siècle qui a montré que l’immoralité conduit à la décadence de toute société.

En conclusion, le défi à relever est la transition d’une économie de rente avec la dominance d’une économie informelle spéculative à une économie de production de biens et services basée sur la bonne gouvernance et la connaissance. L’Algérie, en s’adaptant au mieux de ses intérêts au nouveau monde, pays à fortes potentialités, possédant des marges avec des indicateurs financiers positifs, plus de 62 milliards de dollars de réserves de change fin février 2023, un endettement extérieur très faible 2,9 milliards de dollars fin 2022, des recettes de Sonatrach extrapolées sur la base d’un cours moyens du baril de pétrole de 75 dollars et 12/13 dollars le MBTU de gaz environ 50 milliards de dollars pour 2023, peut devenir un pays pivot au sein des espaces méditerranéens et africains. Mais cela suppose de profondes réformes structurelles, plus de libertés, de transparence et de réhabiliter les vertus du travail.

  1. M.